Préambule
Le Saint-Siège et la République Démocratique du Congo,
– Soucieux d’une collaboration harmonieuse au bénéfice de la population congolaise et désireux de fixer le cadre juridique des relations entre l’Eglise catholique et l’Etat congolais ;
– En référence, pour le Saint-Siège, aux documents du Concile Œcuménique Vatican II et aux normes du droit canonique et, pour l’Etat congolais, aux normes constitutionnelles en vigueur ;
– Tenant compte du fait qu’une partie importante de la population appartient à l’Eglise catholique ainsi que de l’importance et du rôle de celle-ci dans la vie de la Nation congolaise au service du développement spirituel, moral, social, culturel et matériel du peuple congolais ;
– Rappelant le principe internationalement reconnu de liberté religieuse et celui de la laïcité prescrit dans la Constitution congolaise ;
Ont convenu ce qui suit :
Article 1 :
Le Saint-Siège et la République Démocratique du Congo réaffirment que l’Eglise catholique et l’Etat sont, chacun dans son domaine, souverains, indépendants et autonomes, et déclarent s’engager, dans leurs relations, à respecter ces principes et à œuvrer ensemble pour le bien-être spirituel, moral, social, culturel et matériel de la personne humaine, ainsi qu’en faveur de la promotion du bien commun.
Article 2 :
La République Démocratique du Congo reconnaît la personnalité juridique à caractère public de l’Eglise catholique. Elle lui assure, dans le respect de sa dignité et de la liberté religieuse, le libre exercice de sa mission apostolique, en particulier pour ce qui concerne le culte, le gouvernement de ses fidèles, l’enseignement sous toutes ses formes, les œuvres de bienfaisance et les activités des associations et des institutions dont il est question aux Articles 3 et 4 du présent Accord-cadre.
Article 3 :
Paragraphe 1 : La République Démocratique du Congo reconnaît aussi la personnalité juridique de toutes les institutions de l’Eglise catholique qui sont reconnues comme telles par le droit canonique et qui restent régies par leurs règles propres.
Paragraphe 2 : La République Démocratique du Congo reconnaît en particulier la personnalité juridique de la Conférence Episcopale Nationale du Congo et de toutes les circonscriptions ecclésiastiques existantes, dont il est fait mention à l’Article 4 Paragraphe 1 ci-dessous, ainsi que celles qui seront érigées dans l’avenir.
Article 4 :
Paragraphe 1 : Il appartient exclusivement à l’Autorité ecclésiastique de fixer librement les normes canoniques dans le domaine de sa compétence, ainsi que d’ériger, modifier ou supprimer les institutions ecclésiastiques, en général, comme les circonscriptions ecclésiastiques et toutes les personnes juridiques ecclésiastiques, notamment, les archidiocèses, les diocèses, les administrations apostoliques, les prélatures personnelles et territoriales, les abbayes, les paroisses, les instituts de vie consacrée et sociétés de vie apostolique. Lors de la création de ces institutions, excepté les circonscriptions ecclésiastiques, l’Evêque diocésain ou la personne à lui canoniquement assimilée informera par écrit les Autorités congolaises pour procéder à leur enregistrement au for civil.
Paragraphe 2 : Lorsqu’une circonscription ecclésiastique est supprimée, il revient au Saint-Siège de décider de l’affectation du patrimoine de la personne juridique concernée.
Paragraphe 3 : Lorsque le Saint-Siège érige, modifie ou supprime une circonscription ecclésiastique, il en informe aussitôt les Autorités congolaises.
Article 5 :
Paragraphe 1 : La République Démocratique du Congo garantit à l’Eglise catholique ainsi qu’à ses membres, soit à titre personnel, soit en que responsables ou membres de ses organisations, la liberté de communiquer et de se maintenir en relation avec le Saint-Siège, avec les Conférences Episcopales d’autres pays, tout comme avec les Eglises particulières, personnes et organismes présents à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.
Paragraphe 2 : Pour rendre effective et faciliter cette liberté, la République Démocratique du Congo examinera avec bienveillance les demandes de visas et de permis de séjour présentées par des ecclésiastiques ou des religieux envoyés en mission en République Démocratique du Congo par l’Autorité compétente de l’Eglise catholique et, en cas de concession, les délivrera gratuitement.
Article 6 :
Paragraphe 1 : La République Démocratique du Congo garantit à l’Eglise catholique le respect de l’identité de ses signes religieux et de ses titres régulièrement portés à la connaissance des Autorités civiles compétentes.
Paragraphe 2 : Dans le cadre de sa législation, la République Démocratique du Congo assure l’inviolabilité de lieux de culte : églises, chapelles, oratoires, cimetières et leurs dépendances.
Paragraphe 3 : Ces lieux de culte ne peuvent être destinés à d’autres usages de façon permanente ou temporaire, que pour des motifs graves et avec l’accord explicite de l’Autorité diocésaine dont ils dépendent.
Paragraphe 4 : Au cas où ces lieux de culte présenteraient des risques graves et avérés pour la sécurité des personnes et des biens, les Autorités civiles prendront toute mesure de protection nécessaire, à charge pour elles d’avertir le plus tôt possible les Autorités ecclésiastiques, c’est-à-dire l’Evêque du diocèse et la personne directement responsable de l’usage cultuel en question.
Article 7 :
Paragraphe 1 : Toutes les nominations ecclésiastiques ainsi que l’attribution des charges ecclésiastiques sont exclusivement réservées à l’Eglise catholique, en conformité avec les normes du droit canonique.
Paragraphe 2 : La nomination, le transfert, la destitution et l’acceptation de la renonciation des Evêques relèvent de la compétence exclusive du Saint-Siège.
Paragraphe 3 : Avant la publication de la nomination d’un Evêque diocésain, le Saint-Siège en informera confidentiellement et à titre de courtoisie le Gouvernement congolais, qui s’engage à garder le secret de la nouvelle, jusqu’à sa publication officielle.
Paragraphe 4 : Toute nomination que l’Etat veut réserver à un prêtre ou à un membre d’un Institut religieux jouissant de la personnalité juridique dans l’Eglise catholique doit requérir l’accord écrit de l’Evêque diocésain ou du Supérieur Général de la personne concernée, quant à l’opportunité d’une telle nomination, à la durée ainsi qu’aux engagements et avantages qui en découlent. Cet accord sera respectueux des normes canoniques.
Article 8 :
Paragraphe 1 : Les membres de l’Eglise catholique sont justiciables des juridictions de droit commun pour les infractions commises par eux. Toutefois, pour toute dénonciation, information, poursuite judiciaire ou administrative relative à un clerc, un religieux ou une religieuse et se basant sur d’éventuels comportements incompatibles avec les lois civiles ou pénales, sauf en cas de flagrant délit, avant de déclencher l’action publique, les Autorités judiciaires font connaître confidentiellement à l’Evêque du lieu du domicile de l’intéressé ou à celui du lieu de la commission des faits, s’il est difficile de communiquer avec le premier, les motifs de ces poursuites.
S’il s’agit d’un religieux ou d’une religieuse, son Supérieur direct ou sa Supérieure directe seront également avertis.
Paragraphe 2 : Dans le cas d’un Evêque ou d’un prêtre exerçant une juridiction équivalente, l’autorisation préalable du Parquet général de la République est nécessaire et le Saint-Siège en sera aussitôt informé par les Autorités congolaises via la Nonciature Apostolique.
Paragraphe 3 : Le secret de la confession est absolu et par là inviolable. Il n’est donc jamais permis d’interroger un clerc en cette matière.
Paragraphe 4 : Les Evêques, les prêtres, les religieux et les religieuses ont droit au respect de leur obligation au secret lié à leur état de la même manière que les membres de professions à qui le respect du secret professionnel est reconnu.
Article 9 :
Paragraphe 1 : Les personnes juridiques ecclésiastiques peuvent acquérir, posséder, disposer et aliéner des biens mobiliers et immobiliers, comme des droits patrimoniaux, dans le cadre des législations canoniques et congolaises.
Paragraphe 2 : Les personnes juridiques ecclésiastiques peuvent librement recevoir de la part des fidèles et des personnes de bonne volonté des dons et décider de quêtes et de toute contribution destinée à l’accomplissement de leur mission dans le respect des normes canoniques.
Paragraphe 3 : Ces mêmes personnes juridiques ecclésiastiques peuvent instituer des fondations, dont les activités, quant à leurs effets civils, seront soumises aux normes légales congolaises.
Paragraphe 4 : Les ecclésiastiques, leurs biens et les biens des personnes juridiques ecclésiastiques sont imposables au même titre que les personnes et les biens des citoyens de la République Démocratique du Congo.
Paragraphe 5 : Font exception à ce que prévoit l’Article 9 paragraphe 4 : les lieux et les édifices consacrés au culte divin, les séminaires ecclésiastiques, les maisons de formation des religieux et des religieuses, les biens et les titres dont les revenus sont destinés aux besoins du culte et aux programmes culturels et sociaux et ne constituent pas des revenus personnels pour leurs bénéficiaires.
Article 10 :
Paragraphe 1 : Dans le cadre de la législation civile, l’Eglise catholique a le droit de construire des églises et des édifices ecclésiastiques, de les agrandir et d’en modifier la configuration, y compris pour les églises et les édifices déjà existants. Par conséquent, l’Etat congolais s’engage à examiner avec bienveillance la demande des espaces formulée par l’Eglise catholique pour la construction des lieux de culte lors de la création de nouveaux lotissements.
L’Eglise catholique exerce des droits réels compatibles avec la législation foncière sur les terres qui sont ses concessions.
Paragraphe 2 : Seul l’Evêque ou la personne à lui canoniquement assimilée peut décider de l’opportunité de construire de nouvelles églises ou de nouveaux édifices ecclésiastiques sur un terrain accordé à cet effet par l’Etat congolais ou qu’il aura acquis dans le cadre des règlements en vigueur, dans ce dernier cas, l’Evêque ou la personne à lui canoniquement assimilée informera les Autorités civiles compétentes.
Paragraphe 3 : En conséquence, ces mêmes Autorités ne prendront en considération les demandes concernant la construction d’églises qu’après avoir reçu l’accord écrit de l’Evêque du diocèse, ou de la personne à lui canoniquement assimilée, compétent pour le territoire sur lequel est projetée la construction.
Article 11 :
Paragraphe 1 : La République Démocratique du Congo garantit à l’Eglise catholique un libre accès aux moyens publics de communication, notamment les journaux, les radios, les télévisions et les services informatiques et numériques. Elle lui garantit également le droit de créer et de gérer directement des journaux, revues, radios, télévisions et sites internet, et ce, dans le respect de la loi en la matière et de l’ordre public.
Paragraphe 2 : De même, la République Démocratique du Congo reconnaît à l’Eglise catholique la liberté d’organiser toute activité étroitement liée à sa mission spirituelle dans le respect de la loi et de l’ordre public. Elle lui garantit, en particulier, la liberté d’éditer, de publier, de divulguer et de vendre des livres, des journaux, des revues et du matériel audiovisuel, informatique et numérique.
Article 12 :
En raison de la valeur spirituelle, morale et éducative du mariage canonique, la République Démocratique du Congo lui reconnaît une importance particulière dans l’édification de la famille au sein de la Nation.
Article 13 :
La République Démocratique du Congo reconnaît et protège le droit des fidèles catholiques de s’associer selon les normes du droit canonique pour réaliser toutes les activités spécifiques de la mission de l’Eglise. Ces associations, en raison de leur caractère d’intérêt général, pourront toutefois bénéficier, en ce qui concerne certains aspects de leurs statuts et de leur capacité juridique, de dispositions particulières à préciser dans un Accord spécifique à signer entre la Conférence Episcopale Nationale du Congo, dûment mandatée par le Saint-Siège, et le Gouvernement congolais.
Article 14 :
Paragraphe 1 : La République Démocratique du Congo reconnaît à l’Eglise catholique le droit de créer, de gérer et de diriger des centres d’instruction et d’éducation à tous les niveaux, tels que : écoles maternelles, primaires et secondaires, universités et facultés, séminaires et tout autre institut de formation. La reconnaissance des titres académiques octroyés par des instituts du niveau Supérieur sera réglée par un Accord spécifique entre les Hautes Parties Contractantes.
Paragraphe 2 : Tout en reconnaissant le droit des parents à l’éducation religieuse de leurs enfants, la République Démocratique du Congo garantit l’enseignement de la religion dans les écoles publiques primaires et secondaires, et ce dans le respect de la liberté de pensée, de conscience et de l’ordre public.
Paragraphe 3 : Ce même enseignement peut être dispensé dans les universités et les instituts supérieurs de la République Démocratique du Congo, dans le respect des conditions décrites au paragraphe précédent.
Paragraphe 4 : S’agissant de l’enseignement de la religion catholique, le programme et les livres de textes seront établis par l’Autorité ecclésiastique qui les communiquera à l’Autorité civile compétente.
L’enseignement de la religion sera confié à des enseignants jugés aptes par l’Autorité ecclésiastique. Ces enseignants doivent recevoir le mandat canonique délivré par l’Evêque diocésain ou la personne à lui assimilée. La révocation du mandat entraîne la perte immédiate du droit d’enseigner la religion catholique.
Paragraphe 5 : La République Démocratique du Congo reconnaît et garantit aux enseignants de religion la même rémunération que celle assurée aux enseignants des autres matières.
Article 15 :
Conformément aux Articles 2 et 3 du présent Accord-cadre, l’Eglise catholique peut créer librement des services pour exercer des activités de bienfaisance et d’assistance sociale liées à sa mission spirituelle et caritative, à travers ses propres organisations sanitaires et d’assistance sociale.
Article 16 :
Paragraphe 1 : Les Autorités compétentes de la République Démocratique du Congo et la Conférence Episcopale Nationale du Congo fixeront d’un commun accord la nature, la forme, la portée et les modalités de l’aide de l’Etat congolais à l’Eglise catholique pour les services rendus à la Nation dans les domaines de la santé, de l’assistance sociale et médicale, de l’éducation et du développement, sans qu’ils subissent de discrimination par rapport au respect attaché à la doctrine de l’Eglise.
Paragraphe 2 : La République Démocratique du Congo s’engage à accorder à l’Eglise catholique des facilités, notamment en matière fiscale et douanière, considérant qu’elle contribue au bien commun. Cette matière sera traitée par un Accord spécifique conclu entre la Conférence Episcopale Nationale du Congo, dûment mandatée par le Saint-Siège, et les Autorités civiles compétentes.
Article 17 :
La République Démocratique du Congo accordera une attention particulière aux demandes documentées de rétrocession des biens patrimoniaux appartenant à l’Eglise catholique, expropriés à partir de 1974.
A cet effet une commission mixte sera créée entre la Conférence Episcopale Nationale du Congo, dûment mandatée par le Saint-Siège, et les Autorités civiles compétentes pour examiner cette question, en vue de trouver une réponse acceptable au mieux des intérêts des deux Parties.
Article 18 :
Paragraphe 1 : La République Démocratique du Congo reconnaît et garantit à l’Eglise catholique le droit d’exercer ses responsabilités pastorales envers les fidèles engagés dans les Forces Armées de la République Démocratique du Congo et dans la Police Nationale Congolaise, ainsi qu’envers ceux qui travaillent ou séjournent dans des établissements pénitentiaires et hospitaliers, comme des instituts d’assistance médicale, scolaire et sociale, de nature publique ou privée.
Paragraphe 2 : Les activités pastorales exercées dans les institutions publiques évoquées au paragraphe 1, feront l’objet d’Accords spécifiques, selon la matière à régler, entre les Hautes Parties Contractantes, ou bien entre la Conférence Episcopale Nationale du Congo, dûment mandatée par le Saint-Siège, et l’Etat congolais.
Article 19 :
Paragraphe 1 : Pour toutes les matières ne relevant pas du présent Accord-cadre, les relations entre l’Eglise catholique et l’Etat congolais sont régies par les lois de la République Démocratique du Congo.
Paragraphe 2 : La Conférence Episcopale Nationale du Congo et l’Etat congolais collaborent, par des contacts réguliers, dans les matières d’intérêt commun et pour la clarification des questions relatives à leurs rapports réciproques, en particulier en ce qui concerne les activités des entités de l’Eglise catholique. Afin de promouvoir cette collaboration, la Conférence Episcopale Nationale du Congo nommera une personne qui assurera une information réciproque.
Article 20 :
Paragraphe 1 : Le Saint-Siège et la République Démocratique du Congo conviennent de régler par voie diplomatique toutes les divergences qui pourraient surgir dans l’interprétation ou dans l’application des dispositions contenues dans le présent Accord-cadre.
Paragraphe 2 : Les matières d’intérêt commun qui demanderaient des solutions nouvelles ou supplémentaires devront être traitées par voie diplomatique.
Article 21 :
Paragraphe 1 : Le présent Accord-cadre sera ratifié selon les procédures prévues par les règles constitutionnelles propres aux Hautes Parties Contractantes et entrera en vigueur dès l’échange des instruments de ratification.
Paragraphe 2 : Dans le cas où l’une des Hautes Parties Contractantes viendrait à constater que des éléments liés à la conclusion du présent Accord-cadre ont subi des changements tels que des modifications s’avèrent nécessaires, il sera aussitôt décidé d’entamer des négociations.
Le présent Accord-cadre est établi en deux exemplaires originaux en langue française destinés à chacune des Parties.
Fait dans la Cité du Vatican, le 20 mai 2016.
Pour le Saint-Siège
Archevêque Paul R. Gallagher,
Secrétaire pour les Relations
Avec les Etats
Pour la République Démocratique du Congo
Son Excellence Monsieur Raymond Tshibanda N’Tungamulongo,
Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale.