5 jours après la marche des chrétiens étouffée le 31 décembre 2017, les statistiques macabres se réduisent, au mieux, à 5 morts selon les chiffres de la Police Nationale Congolaise, et 8 morts selon des sources indépendantes qui peinent à documenter leurs chiffres. L’opinion, habituée aux guerres des chiffres qui suivent généralement les manifestations organisées par l’opposition politique, attend des preuves des morts annoncées : identité des victimes, lieux des obsèques, etc. Les chiffres avancées par les rapports de police, auxquels la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation de la RD Congo (Monusco) s’est finalement ralliée, semblent donc les plus crédibles. Avec eux, le fait que les forces de l’ordre n’ont finalement tué personne dimanche dernier à Kinshasa comme à l’intérieur du pays. Même si des blessures et des arrestations, inévitables dans les manifestations de foules, ont été enregistrées. De même que certains dérapages déplorables.
Ces chiffres traduisent l’énorme écart entre la rhétorique politicienne qui entoure des manifestations organisées « pour faire des morts à imputer au pouvoir », selon ce député de la majorité au pouvoir en RD Congo. Et les premiers à les avancer sont les acteurs politiques de l’opposition, comme l’UNC Vital Kamerhe qui rapporte, dès dimanche 31 décembre dans la soirée, que le plan des forces de police consistait à « … tirer sur tout ce qui bouge dans l’église. Ce que les policiers et militaires ont fait. Tout est devenu noir dans l’église, des fidèles couchés par terre (…) Finalement, je suis sorti avec la foule et nous avons marché quelque 200 mètres avant d’être dispersés par des gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles ». Dans une déclaration lue par Jolino Makelele mercredi 3 janvier 2018 à Kinshasa, l’UNC persiste et signe : « Elle déplore que les armes et munitions achetées avec l’argent du peuple congolais se retournent contre ce même peuple pour le tuer. Elle appelle les militaires et les policiers à la neutralité et à la retenue ». Un communiqué du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement/Limete, signé le 1er janvier par Félix Tshilombo Tshisekedi soutient quasiment la même chose en faisant état d’un « décompte macabre de plus de onze victimes innocentes, fauchées, de manière tout à fait préméditée, par des balles criminelles d’un pouvoir désormais tout à fait illégitime et illégal ». Sur les réseaux sociaux, Muhindo Nzangi, un député membre du MSR/G7 s’est fendu d’une sorte de page littéraire qui décrit la journée du 31 décembre dernier. Au cours de laquelle il aurait personnellement à la mort d’un fidèle de l’église catholique. « …Les «PM» en visage teinté décident de nous poursuivre à l’intérieur de l’église, nous sommes coincés à la porte d’entrée dans le sauve qui peut général, un d’entre eux enfile le couteau pointu du bout de son arme AK et transperce un jeune homme d’une vingtaine dans le dos sur la partie des côtes, il a visé le coeur. Le garçon succombe sur place, ces «PM» le tirent de l’église, ils tentent de le transporter, là nous tous révoltés, les suivons et ravissons le corps du camarade, il est déposé dans une structure médicale proche ».
Rafales à bout portant, tirs à balles réelles, coups de poignards tueurs, des affirmations qui ne sont accompagnés d’aucune preuve palpable, aucune identité des victimes. Dans le cas révélé par Muhindo Nzangi, un internaute qui n’a pas son cerveau dans la poche a réagi en s’étonnant que le député élu de Goma n’ait nullement songé à relever l’identité d jeune homme « tué » sous ses yeux (et déposé dans une structure médicale plutôt que dans une morgue !) pour mieux confondre ses adversaires au pouvoir en RD Congo.
Muhindo Nzangi n’est pas le seul à se contenter de se réjouir prématurément de la mort d’un manifestant. Dès le rétablissement du signal internet, mardi 2 janvier 2018, une image choquante avait fait le tour des réseaux sociaux avant d’orner les pages de la presse internationale. Elle présentait une dame mortellement blessée au front par arme à feu, et donnée pour morte. Jusqu’au moment où des confrères de l’Afp l’ont découverte, vivante, dans une institution hospitalière de la place. Elle avait été blessée par une balle en caouthouc.
Des blessés par des « rafales tirées à bout portant » ou par « fauchées par des balles criminelles », on n’en a pas beaucoup vu jusque-là.
J.N.