La réussite de l’appel à marcher pour obtenir le départ de Joseph Kabila du pouvoir ce 31 décembre 2017 lancé par l’église catholique de Kinshasa, qui se dissimule derrière un Comité des Laïcs Chrétiens était encore plus qu’incertaine, jeudi 28 décembre 2017 au moment où Le Maximum mettait sous presse. Certes, l’initiative bénéficiait, dans les médias proches de l’opposition et sur les réseaux sociaux, d’un incroyable ramdam de soutien. Pratiquement toutes les tendances de l’opposition politique rd congolaise récemment réunie à Bruxelles, ont déclaré leur soutien à la manifestation prévue la veille de la fête du Nouvel An et appelé leurs militants à descendre dans la rue. Mais il demeurait comme quelque chose qui cloche dans une opinion passablement lassée par d’incessants et infructueux appels à manifester souvent caractérisés par l’absence des appelants.
Une date contestable
Plusieurs raisons peuvent expliquer le peu d’engouement populaire face à cette énième initiative pour faire vaciller le pouvoir en place à Kinshasa. Outre les objectifs poursuivis qui apparaissent quelque peu superflus en raison de la programmation formelle des prochains scrutins électoraux, le choix de la date relève, selon ce sociologue de l’université de Kinshasa, des plus malencontreux. « A Kinshasa, la fête de fin d’année commence le 31 décembre. Mais c’est aussi ce dernier jour de l’an que de nombreuses familles consacrent aux achats pour réveillonner. Organiser une manifestation publique d’envergure équivaut à leur demander de s’abstenir de fêter la nouvelle année », explique-t-il. Comme pour démontrer que l’initiative de jouer au politicien un jour réservé aux réjouissances et à ses préparatifs ne peut être du goût de la majorité.
Flou sur les organisateurs
La démobilisation est d’autant plus prévisible qu’un flou semble entretenu sur l’identité réelle des organisateurs de la marche prévue dimanche prochain. Le communiqué du prétendu comité des laïcs chrétiens est certes signé par les professeurs Nlandu et Ndaywel, mais chacun à Kinshasa sait que le mouvement de contestation du pouvoir en place et d’obstruction au processus électoral en cours avait initié il y a quelques semaines par un tout aussi prétendu collègue des curés de la capitale. Le même qui avait décidé de mettre les cloches des églises catholiques kinoises à contribution pour faire chahuter le pouvoir en place. L’opération derrière laquelle se dissimulait peu adroitement le Cardinal archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo Pasinya, a connu des fortunes diverses, mais de guère le succès attendu. Et dans l’homélie prononcée à l’occasion de la fête de la Nativité, le 25 décembre 2017, le chef de l’église catholique romaine de Kinshasa semblait avoir mis de l’eau dans son vin et assurément, dans celui des fidèles.
Lumbi, le père des morts de février 1992
Au milieu de ce flou peu enthousiasmant apparaît l’ombre peu rassurante pour beaucoup à Kinshasa de Pierre Lumbi Okongo, le katumbiste qui préside le comité des sages du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement/Limete. L’ancien espion en chef de Joseph Kabila passé au G7 il y a peu est crédité de l’organisation de la marche des chrétiens de février 1992 sous Mobutu, demeurée fraîche dans certains esprits. La réussite de cette manifestation reste cependant liée et limitée à la mort de nombreux chrétiens fauchés par les balles des soldats du dictateur vieillissant. Au-delà, elle fut bien un échec, parce que le Maréchal Mobutu est resté au pouvoir jusqu’en mai 1977, 5 ans après la manifestation monstre de Kinshasa. Beaucoup parmi les fidèles appelés à marcher sont donc d’avis que manifester contre les pouvoirs équivaut à s’offrir en holocauste. Rien de plus.
Conscients de cet aspect sacrificiel de leur appel à battre le pavé contre la volonté des autorités en place, les organisateurs de la manifestation du 31 janvier ont publié un communiqué qui tente d’assurer que le mouvement de masse sera « pacifique ». Des assurances qui ne peuvent tromper tout le monde, à l’évidence, parce qu’aucune manifestation organisée par les radicaux de l’opposition ces dernières années ne s’est jamais déroulée pacifiquement. Au grand plaisir des organisations de défense des droits de l’homme dont la célérité à publier les statistiques macabres est devenue légendaire. Sur ce sujet aussi, le sociologue de l’Unikin interrogé par Le Maximum donne un point de vue qui ne manque de pertinence lorsqu’il assure que « nul ne peut prévoir à l’avance les réactions d’une masse ou d’une foule, qui sont toujours imprévisibles ». Ses collègues Nlandu, qui enseigne la langue anglaise, et Ndaywel, un historien, ne sont manifestement pas au courant de cette vérité scientifique. A moins qu’ils ne soient simplement des fieffés menteurs.
On en était encore à ces conjectures peu favorables à la révolution de type burkinabè en RD Congo lorsque des informations faisant état de sérieuses divisions entre les évêques catholiques sur la marche du 31 décembre 2017 sont parvenues au Maximum. Selon des confrères en ligne, au moins 2 des 6 archidiocèses de la RD Congo sont hostiles à la marche projetée. Et seulement 10 des 41 diocèses catholiques sont favorables à l’initiative de Kinshasa.
Pas de bon augure pour Lumbi et ses amis.
J.N.
MARCHE DU 31 DECEMBRE 2017 : Les évêques catholiques divisés
