Une fois de plus, c’est Bruxelles, la capitale belge, qui a, comme de coutume, servi de cadre à une rencontre des anti kabilistes les plus radicaux que compte la RDC. C’était vendredi le 15 décembre 2017. Un « revenant », Tom Perriello, ancien envoyé spécial de Barack Obama dans la région des Grands Lacs était à la manœuvre pour essayer de rabibocher les ailes d’une opposition en déshérence. En ramenant notamment « au bercail » l’UNC Vital Kamerhe, ancien speaker de l’Assemblée nationale dont les purs et durs du G7 et de l’UDPS/Limete ne voulaient plus entendre parler depuis qu’il avait pris part aux négociations de la Cité de l’Union Africaine. Grâce à l’entregent de Perriello, l’ARC/G7 Olivier Kamitatu, les MLC Jacques Lungwana et Mbungani, le RCD-K-ML Mbusa Nyamuisi, l’UDPS Félix Tshilombo et Moïse Katumbi ont consentis à convoler de nouveau avec Kamerhe. Pour tenter de (re) composer une nouvelle coalition anti-Kabila. Les précédentes tentatives de coalition ayant, à l’évidence, montré leurs limites, quoique l’on s’entête à ne pas le reconnaître.
Se réjouissant à l’avance de ces perspectives qui semblent de loin meilleures pour la coalition montée à coups de billets verts par son mentor, Moïse Katumbi, Olivier Kamitatu croit savoir que « tous ont compris que pour vaincre la dictature, ils doivent être ensemble. Désormais une seule chose compte : le Congo ! Rien que le Congo et l’intérêt du peuple congolais ». Ci-git une méprise monumentale, selon les observateurs, qui notent déjà que le porte-parole du gouverneur honoraire de l’ex. Katanga, candidat déclaré à une présidentielle à laquelle il ne prendra probablement pas part puisque non enrôlé, Moïse Katumbi Chapwe, confond processus de démocratisation et dictature. « Un pays qui compte jusqu’à 700 partis politiques et de centaines d’organisations anti-gouvernementales actives est tout sauf une dictature », fait en effet observer un député national indépendant se confiant à nos rédactions sous le sceau de l’anonymat. A elle seule, la méprise de Kamitatu est symptomatique d’insurmontables contradictions entre les acteurs politiques de l’opposition rd congolaise que des mousquetaires de la défunte administration Obama s’escriment à vouloir maintenir à flots. « L’erreur d’une partie de l’opposition consiste à présenter la majorité au pouvoir comme une dictature à déboulonner par n’importe quels moyens, alors même qu’une autre partie de la même opposition, plus réaliste et respectueuse des règles du jeu démocratique, compte sur les élections pour ce faire » ajoute-t-il. Kamitatu et Cie vont dans la nouvelle union sacrée en se frottant les mains, convaincus d’avoir réussi à rallier à la cause de Katumbi le reste des opposants rd congolais. Mais rien n’est moins sûr.
Rencontre informelle
A l’issue de la rencontre de Bruxelles, que des sources parmi ces opposants se sont dépêchées de qualifier d’« informelles » pour ne pas se mouiller prématurément, Vital Kamerhe, qui ne fait décidément pas l’unanimité ici, s’est empressé d’appeler tout ce beau monde à se donner rendez-vous « … pour parler de ce que nous pouvons faire ensemble pour redonner à la RDC sa place dans le concert des nations ». Mais l’UNC glisse une nuance de taille, se rapportant au respect de la constitution, c’est-à-dire, à l’observation des lois en vigueur dans la quête du pouvoir. « Nous avons décidé, abandonnant nos egos et nos ambitions de côté, de créer une synergie hier en Belgique, une union solide qui a comme socle la constitution et l’accord du 31 décembre et qui a pour objectif d’imposer au président Kabila les élections. Il n’y a que le langage de la force qu’il écoute. Il n’y a que deux possibilités : faire pression sur Kabila en anéantissant ses effets nocifs sur la constitution et le processus électoral. La deuxième option est d’utiliser l’article 64 de la constitution et l’écarter. Tout cela en restant dans la constitution et les lois du pays », a-t-i confié à des confrères en ligne. Il y a donc encore à boire et à manger dans cette union des contraires dans laquelle Kamerhe entend « imposer », on ne sait comment, à Kabila l’organisation d’élections déjà prévues par la CENI pour fin 2018. Cela sonne faux, comme cette union fondée sur le socle d’une constitution qui stipule ‘expressis verbis’ qu’à la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau Président de la République élu. Ou encore sur un accord politique qui dit tout ce qu’on veut sauf que le gouvernement doit être dirigé par Moïse Katumbi ou Félix Tshilombo, héritier auto-proclamé d’une République familiale des Tshisekedi.
Respect de la constitution ou pas ?
A elle seule, la question du programme commun de l’opposition devrait constituer une véritable pomme de discorde, notent les observateurs. Surtout si on ne peut séparer « programme commun » d’ambitions légitimes à l’imperium. « Au-delà de la nécessité de faire partir Joseph Kabila, le château construit à Bruxelles ne tiendra pas une heure », prédit ce combattant de l’UDPS, plutôt porté sur les actions de terrains pour obtenir gain de cause et qui brûle d’en découdre « sur le terrain » avec l’ennemi. La question de la candidature de l’opposition à la prochaine présidentielle, qui a déjà irrémédiablement opposé Moïse Katumbi à Vital Kamerhe, devrait créer des ravages dans les rangs, surtout lorsqu’un Félix Tshilombo sera poussé par sa base à honorer la mémoire et le rang du paternel décédé. Ici, on ne s’y trompe guère d’autant plus qu’on est persuadé de représenter « le peuple ». L’UDPS/Limete confirme ainsi la marche dite de sommation (pour le départ de Joseph Kabila du pouvoir d’ici la fin de l’année et l’instauration d’une période de transition) prévue mardi 19 décembre 2017. Ce sera une démonstration de sa force de mobilisation, à ses nouveaux amis de l’opposition réunie à Bruxelles aussi, sans nul doute.
A ces ingrédients désagrégateurs s’ajoute la position du MLC de Jean-Pierre Bemba Gombo dont la présence de deux représentants à la réunion arrangée par Tom Perriello ne change rien : il n’est pas question de marcher sur les acquis des Accords de Sun City, principalement la constitution de 2006, en dehors de laquelle il n’y a point d’avenir politique pour le sénateur embastillé par la Cour Pénale Internationale à La Haye.
La nouvelle union sacrée de l’opposition semble bâclée dès le départ.
J.N.