Après la publication du calendrier électoral, le 5 novembre 2017, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) s’est lancée dans la mise en œuvre de ce chronogramme qui fixe les trois premiers scrutins au 23 décembre 2018, soit dans quelque douze mois.
Le chemin qui reste à parcourir, dès la clôture de l’enrôlement fin janvier 2018, ne s’en apparente pas moins à une véritable piste d’obstacles. La centrale électorale en avait prévenu aussi bien l’opinion et les institutions nationales (parlement, gouvernement) que ses partenaires internationaux généralement prompts lorsqu’il s’agit de fustiger le moindre dépassement des délais électoraux.
Un mois après la publication du calendrier électoral, la CENI a organisé, le 5 décembre dernier, une réunion du Comité de Partenariat du « Projet d’Appui au Cycle Electoral en République Démocratique du Congo » (PACEC) en vue de débattre du chemin qui reste à parcourir, jonché de préalables critiques susceptibles de compromettre le respect des échéances arrêtées. Principalement, les épineuses questions du financement et de l’appui logistique et technique. La rencontre a permis à la centrale électorale d’attester de l’accomplissement de sa part de boulot, en quelque sorte. Avec 45 millions d’électeurs dûment inscrits sur les registres électoraux au 5 décembre 2017, la CENI a assuré ses interlocuteurs de la clôture définitive des opérations d’enrôlement au plus tard, le 12 février 2017, en commençant par les provinces du Kasai Central et du Kasai. Qui seront suivies traitement des données recueillies à travers l’opération de dédoublonnage, et de l’audit du fichier électoral totalement refondu, ainsi que l’a exigé la classe politique toutes tendances confondues à l’issue des dialogues de la cité de l’OUA et du Centre Catholique Interdiocésain. Corneille Nangaa, le président de la CENI a annoncé à cet effet l’acquisition par son institution du logiciel commandé à cette fin et le début des tests de dédoublonnage. L’audit du fichier électoral servira à la préparation de la loi portant répartition des sièges.
Financement et soutien logistique
Resteront donc à régler les épineuses questions du financement et du soutien logistique à l’organisation des élections. Elle a fait l’objet d’une réunion du comité technique convoqué le 7 décembre dernier en accord avec les partenaires du PACEC pour permettre aux experts de la CENI de présenter un budget détaillé des élections. Une dépêche de la centrale électorale renseigne que « le budget détaillé et rationalisé (…) a été remis aux partenaires présents à la réunion ». Mais aussi, que « les efforts réalisés pour amenuiser le budget au regard des prévisions initiales, ont été unanimement appréciés ». C’est 432 millions USD qu’il reste à mettre à la disposition de l’administration électorale congolaise pour couvrir les frais d’organisation ses scrutins présidentiel et législatifs (national et provincial) le 23 décembre 2018 en RD Congo. Mais nul n’a effectivement ni promis ni porté la main au porte-monnaie, jusque-là, en dehors du gouvernement central rd congolais qui a déjà assuré à lui tout seul l’ensemble du financement relatif à la quasi totalité des opérations de révision du fichier électoral qui tirent à leur fin.
Le gouvernement, seul à la manœuvre
Certes, le gouvernement s’est déclaré disposé à assurer le financement de la suite des opérations électorales. En réponse aux préoccupations des sénateurs la semaine dernière, le ministre d’Etat en charge du Budget, Pierre Kangudia Mbayi, a confirmé ces dispositions volontaristes de l’exécutif national en annonçant que 912,5 milliards de FC étaient bel et bien inscrits au titre des opérations électorales dans le budget 2018, dont 840 milliards FC en ressources propres. Encore faut-il que les décaissements prévus interviennent en temps voulu pour ne pas compromettre le chronogramme arrêté par la CENI. Corneille Nangaa rappelle à ce sujet que « si ledit financement n’est pas rendu disponible au moment où il est requis conformément au rythme des opérations techniques, particulièrement les plus urgentes, le processus en subira certainement un coup ». En termes clairs, s’il faut s’en tenir aux seuls moyens gouvernementaux, les élections se tiendront, certes, mais selon le rythme qu’imprimera la disponibilité et les décaissements gouvernementaux.
Telles sont les seules perspectives certaines à ce jour. C’est le gouvernement de la République Démocratique du Congo qui assurera seul l’organisation des élections prévues fin 2018. Les partenaires internationaux, l’Union Européenne en tête, se limitent jusque-là à diffuser des injonctions comminatoires et des promesses mais ne paraissent guère disposés réellement à voir ces élections se tenir en RD Congo. Leurs représentants au sein du PACEC se sont gardés, jusque-là, de prendre le plus petit engagement financier. Lundi 11 décembre dernier, l’Union Européenne a rendu publiques ses « conclusions sur la RD Congo ». Elles consistent en l’habituelle litanie de conditionnalités politiques destinées à consacrer leur immixtion dans les affaires intérieures de ce pays africain qu’ils semblent bien décidés à voir leurs valets locaux prendre les rênes, d’une façon ou d’une autre. Les observateurs sont d’avis que Kinshasa ne se soumettra sûrement pas à ces discours comminatoires surannés. Un véritable dialogue de sourds.
La Monusco se fait prier
Même la Monusco, pourtant astreinte par la Résolution 2348 du Conseil de sécurité des Nations Unies à apporter un soutien logistique conséquent à l’organisation des élections en RD Congo dans le cadre de sa mission de stabilisation des institutions rechigne à la tâche et ne se prononce pas clairement. Au cours d’un point de presse le 30 novembre 2017, Florence Marshall, porte-parole de la mission onusienne, prétendait attendre encore la demande expresse de la CENI pour apporter sa contribution à la mise en œuvre du calendrier électoral. « La MONUSCO ne peut intervenir seulement qu’après avoir été officiellement saisie par la CENI (…). Au moment où je vous parle, il ne nous est pas possible de fournir ce plan car la CENI ne nous a pas toujours soumis une demande officielle d’assistance ». Des affirmations qui occultent le fait que les experts de la Monusco font partie du PACEC, et que la mission ne peut, de ce fait, prétendre ignorer quoi que ce soit des besoins d’appui pour le processus électoral en cours en RD Congo.
Comme en 2011, aucun sou n’est donc à attendre des Occidentaux. Le moindre coup de pouce en faveur de la tenue d’élections à fin décembre 2018 non plus. S’il faut tenir compte des récentes révélations du Pasteur Daniel Ngoy Mulunda, le président de la Commission électorale indépendante en 2011, qui dénonçait au cours d’une récente émission télévisée, les pressions qu’il avait subies des partenaires occidentaux de la centrale électorale congolaise pour ne pas organiser les dernières élections présidentielle et législatives, les obstacles posés par les mêmes acteurs internationaux à l’organisation de ces scrutins sont délibérés et procèdent d’une stratégie du chaos visant manifestement à transformer le pays de Lumumba en une sorte de ventre mou de l’Afrique subsaharienne par ceux qui lorgnent ces immenses potentialités.
Comme il y a six ans, en RD Congo, le premier obstacle à la tenue des scrutins électoraux n’est autre que l’Union Européenne.
J.N.