A Kinshasa en particulier, et à travers la RD Congo en général, les commentaires autour du fiasco mémorable du dernier appel à manifester de l’opposition sont loin de s’arrêter. Pour faire bonne figure, certains ténors parmi les leaders radicaux jouent à qui perd gagne prétendent que la marche pour contraindre Joseph Kabila à abandonner le pouvoir a été « une réussite ». Mais la conviction n’y est pas, et peu dans l’opinion en sont dupes : l’affaire a lamentablement capoté et l’inquiétude gagne les rangs. A Kinshasa, l’opinion, mais aussi les combattants habituellement mis à contribution pour affronter les forces de l’ordre s’interrogent, cherchent des boucs émissaires (« les sorciers »). Face aux risques encourus, nul n’est plus épargné par la critique qui se fait de plus en plus sans concessions.
Enfermé comme un gamin
A commencer par Félix Tshilombo Tshisekedi, l’héritier autoproclamé de l’UDPS paternel, et président des Forces Politiques et sociales acquises au changement/Limete (Rassop/Limete). Que des combattants avaient vainement attendu le 30 novembre dernier devant le siège du parti sur le « petit boulevard » à la hauteur de la 10ème rue Limete, jusqu’au moment où une escouade de la Police Nationale Congolaise (PNC) vint disperser sans ménagements ces groupes démobilisés dans l’âme. Martin Fayulu et Jean-Marc Kabund aussi, qui avaient, eux, fait le pied de grue au même endroit avant de se faire embarquer vers le poste de police, non loin de là. Une bévue monumentale qui entaille les convictions, ici, d’autant plus que l’homme s’est déjà illustré dans un passé récent en improvisant un périple à l’étranger après avoir bruyamment appelé ses partisans à manifester dans la rue à Kinshasa. Mais Félix préfère prétexter une « erreur de stratégie » pour expliquer cette « marche sans marcheurs ». « Je voulais venir avec les combattants. Kabund est sorti un peu plus tôt, et c’était bien fait. Moi, j’ai attendu que les jeunes se réunissent pour aller ensemble avec eux, comme convenu, mais ce n’était pas la bonne stratégie. Quand les jeunes commençaient à arriver, ils ont été violemment chargés par les policiers qui m’ont bloqué à l’intérieur de mon domicile. Ils m’ont empêché de sortir. Ils ont tout bloqué jusqu’à 13 heures. C’est une erreur stratégique de ma part. Je n’aurais pas dû attendre les jeunes. J’aurais dû les précéder », se défend piteusement ce leader qui aspire aux plus hautes charges de l’Etat dans un pays guetté par tous les rapaces que compte la planète terre.
Sympathisants déçus
Parmi les sympathisants de l’opposition en général et de l’UDPS en particulier, les appréciations sur cette énième dérobade de Fatshi devant une manifestation convoquée ou encouragée par lui-même s’avèrent très sévères, parfois. « Le gaillard s’est laissé volontairement enfermer par les forces de police », accusent les plus intraitables. Qui le sont encore plus envers ceux des leaders de cette opposition qui se veut radicale sans jamais mettre le pied à l’étrier. De tous ces leaders braillards, seulement l’Ecidé Martin Fayulu et le secrétaire général de l’UDPS/Limete, Jean-Marc Kabund, s’étaient montrés disponibles pour braver l’interdiction décidée par les autorités urbaines de Kinshasa. Tous les autres sont restés calfeutrés dans leurs salons douillets. A commencer par « ses amis » du G7 Katumbiste, dont la plate-forme accapare le poste de président du conseil des sages dévolu jusque février dernier à un homme qui n’a jamais dédaigné de marcher courageusement à la tête de ses combattants. Ni Pierre Lumbi Okongo, ni le juriste Christophe Lutundula, ni Olivier Endundo, cet homme d’affaires qui erre parmi les acteurs politiques depuis quelques décennies, ni Olivier Kamitatu, le porte-parole volubile de Moïse Katumbi qui passe le plus clair de son temps à retweeter les messages enflammés du néo politicien de Luanda, Sindika Dokolo candidat au recyclage au pays de son père, ni… ni… personne n’a été aperçu nulle part, ce 30 novembre décisif pour la suite de la lutte politique commune.
Révolutionnaires de l’Internet
Autre braillard inaperçu le jour « J », et contre lequel les combattants se montrent peu tendres, c’est Claudel André Lubaya. L’ancien gouverneur de l’ex Kasai Occidental, qui s’est lui aussi juché au sommet de son défunt père, l’UDA Originelle. « Il s’est terré chez lui », commente un étudiant de l’Unikin qui avait réussi à joindre le siège de l’UDPS à Limete, non sans peine. Mais ce n’est pas le point de vue de cet ancien membre de l’UNC de Vital Kamerhe : « J’étais très actif. J’ai pratiquement tenu le centre de crise. Si vous allez sur le compte Twitter de l’UDA, beaucoup d’informations que vous avez reçues sont parties de là. Je crois bien que 90 % d’informations sur le déroulement des événements ont été relayées par moi », se défend-il au micro de confrères en ligne. Une ligne de défense qui ne convainc personne. « Ce n’est pas de reporters dont on avait besoin, mais de leaders pour mener la manifestation », fait observer ce confrère qui s’était rendu 10ème rue Limete, lui aussi.
Chez les radicaux, tout le monde ne s’estime manifestement pas obligé d’avoir l’étoffe d’un héros.
J.N.