Au cours de son point de presse hebdomadaire, mercredi 29 novembre 2017, la mission onusienne en RD Congo a carrément torpillé la décision de l’interdiction de manifester décidée par l’Hôtel de Ville de Kinshasa le week-end dernier, en raison de risques d’affrontements entre les combattants de l’opposition et ceux de la majorité au pouvoir. Les deux regroupements politiques ayant appelé à manifester à la date du 30 novembre. «La Mission appelle les autorités congolaises à respecter la liberté de réunion et de manifestation qui figurent dans la Constitution congolaise et à instruire les forces de défense et de sécurité à suivre les principes de nécessité, proportionnalité et légalité, conformément aux normes internationales dans les opérations de maintien de l’ordre public. Nous rappelons également aux citoyens que le droit de manifester implique de s’abstenir de recourir à la violence sous toutes ses formes. Ce rappel intervient alors que des incidents ont émaillé des manifestations organisées hier à Goma et à Butembo, dans le Nord-Kivu. La Police nationale congolaise a dispersé les manifestants, ce qui a entrainé au moins six blessés et l’arrestation arbitraire d’au moins 26 personnes. Des actes d’intimidation et des menaces à l’encontre des journalistes et des équipes de la MONUSCO ont également été rapportés », a déclaré Florence Marshall, porte-parole a.i. de l’ONU en RD Congo. Une position qui, selon des sources à la Mairie de la capitale, occulte le fait que la même constitution conditionne la liberté de manifester au respect de l’ordre public, que les autorités urbaines se chargent de préserver en décidant l’interdiction des manifestations programmées par les acteurs politiques.
En séjour à Kinshasa, Didier Reynders, le très interventionniste vice-premier ministre et ministre belge des affaires étrangères, s’était, lui aussi, fendu du même appel au respect du droit de manifester. Ironie du sort, 24 après sa leçon de démocratie aux autorités kinoises, la bonne ville de Bruxelles, capitale de son pays, interdisait carrément une manifestation programmée par le collectif « Campagne Stop Répression » prévue mercredi 29 novembre place Rouppe. Comme à Kinshasa, le mouvement entendait protester contre des violences policières survenues le 11 novembre dernier à l’issue de la qualification du Maroc à la prochaine finale de la coupe du monde en Russie. Les autorités bruxelloises ont justifié l’interdiction de manifester par le défaut de demande d’autorisation : « Il y a des règles à suivre y compris en vue de manifestations pour défendre la liberté d’expression, sachant que Bruxelles doit encadrer 900 manifestations par an », a-t-on entendu dire le N°1 de la capitale belge auteur de cette interdiction de manifester, Philippe Close, enjoignant fermement ses administrés et le public à ne pas se rendre à cette manifestation.
Ni Didier Reynders, ni l’ONU n’ont appelé le maire de Bruxelles à respecter le droit de manifester du collectif « Campagne Stop Répression ». A Bruxelles, même les organisateurs de la manifestation interdite de mercredi dernier ont obtempéré aux ordres de la Mairie et décidé de la reporter à une date ultérieure.
Pas à Kinshasa en RD Congo où, de toute évidence, l’exécutif provincial est instamment invitée à se soumettre aux desiderata aussi bien des acteurs politiques de l’opposition que d’instances… belges et internationales qui s’attribuent on ne sait trop sur quelle base juridique le droit d’apprécier à sa place.
Le gouvernement provincial de la ville de Kinshasa avait pourtant annoncé l’interdiction de toutes les manifestations publiques prévues par les différentes formations et plates-formes politiques ainsi que des mouvements citoyens, à l’issue d’un conseil des ministres provinciaux élargi au comité provincial de sécurité le week-end dernier. La décision avait été annoncée samedi 25 novembre 2018 par la ministre provinciale en charge de l’Education, Environnement, Communication et Genre, Thérèse Olenga Kalonda, porte-parole de l’exécutif provincial : « en prenant en compte l’environnement et le contexte actuel et pour préserver toute transformation des manifestations dites pacifiques susceptibles de troubler l’ordre public, le gouvernement de la ville a levé l’option de ne pas prendre acte des manifestations prévues dans la ville de Kinshasa », avait-elle expliqué. Arguant qu’« il est difficile d’encadrer les différentes manifestations car ayant des points de chute qui s’entrecroisent et craignent le risques de confrontation ».
Deux poids, deux mesures ?
J.N.