Dans les travées de l’opposition « radicale » rangée derrière le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (Rassop/Limete), plus rien ne sera comme avant le 5 novembre 2017. Cette journée dominicale qui a vu la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) rendre public son quatrième calendrier électoral de suite depuis 2012. L’annonce d’un chronogramme bien soupesé des opérations électorales auxquelles peu sont préparés parmi des opposants qui lui préfèrent le partage du pouvoir autour d’une table a littéralement semé la panique ici. Et les réactions, prévisibles d’acteurs politiques qui n’ont pas cessé de parier sur un échec du processus électoral en cours, n’ont pas tardé. Dès lundi 6 novembre, les affidés de Katumbi, Tshilombo Tshisekedi et consorts se sont répandus aux quatre vents avec des communiqués au vitriol dénonçant, pêle-mêle et confusément … un calendrier anticonstitutionnel. Sans vraiment convaincre ni s’attirer l’adhésion de quiconque dans l’opinion nationale et internationale. Personne dans le microcosme politique kinois et la communauté internationale n’a oublié qu’en appelant depuis plusieurs mois à une « transition sans Kabila », les opposants « radicaux » se montraient encore moins respectueux de la même constitution que la CENI accusée de cette forfaiture. En admettant que l’administration électorale ait porté atteinte à quelque disposition constitutionnelle que ce soit en publiant le calendrier électoral réclamé à cor et à cri par tout le monde, les Rassop compris.
Baroud d’honneur
A la suite de cette réaction, « pour ne pas perdre la face » ainsi que la commente un diplomate africain à Kinshasa, partis et regroupements politiques proches des radicaux s’essaient, mollement, à emboîter les pas à la « maison-mère ». Mais, à l’évidence, le cœur n’y est plus, et les lignes de défense se ramollissent lamentablement. Si de sa geôle au Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Makala à Kinshasa, le MLP Frank Diongo peut encore se rappeler à la mémoire de ses sympathisants en reprenant en écho la déclaration va-t-en-guerre du Rassop/Limete du lundi 6 novembre, d’autres parmi les mêmes radicaux, plus lucides, se montrent davantage circonspects. Comme L’Envol de Delly Sessanga Hipungu, député de Luiza dans cet espace kasaïen qui se ressent encore des ravages d’un mouvement terroriste soutenu, faute d’avoir été dénoncé et découragé par certains extrémistes de l’opposition. Au cours d’une matinée politique, samedi 11 novembre à Kinshasa, le président fondateur et unique élu de cette petite formation politique préfère avancer l’idée de la possibilité d’organiser les scrutins 6 mois avant la date avancée par la CENI, soit en juin 2018. Une acceptation partielle plutôt qu’un rejet sans nuances donc, qui ressemble à s’y méprendre à un appel du pied à discuter du partage « équitable et équilibré » du pouvoir hors élections chère aux acteurs politiques congolais depuis les années Mobutu. «La publication du calendrier n’est pas un élément en soi qui rassure de la tenue effective des élections (..). Il ne faut pas compliquer les choses là où elles le sont déjà. On ne va pas modifier le mode de scrutin et on ne va pas toucher aux autres mécanismes qui permettent la tenue des élections. Il faut enlever la répartition des sièges sur base des données démographiques et la ramener aux données issues du recensement électoral. Cette réforme économise dans le calendrier environ 150 jours », a tenté d’expliquer ce juriste à une assistance dont les ¾ ne comprenaient assurément rien à ce qu’il disait.
Les rangs se desserrent
A l’évidence, dans les travées de l’opposition, on ne pédalera durablement plus dans la même direction. D’autant plus que les nouvelles de l’Occident, source de toutes les inspirations de cette frange de la classe politique rd congolaise, ne sont guère stimulantes. Le voyage effectué en désespoir de cause par le bouillant Félix Tshilombo Tshisekedi, « héritier naturel » autoproclamé du défunt Sphinx de Limete, à la prison de La Haye (Pays Bas) aux fins de quérir l’onction de Jean-Pierre Bemba embastillé pour de longues années par la CPI pour crimes contre l’humanité, pourtant annoncé avec tambours et trompettes, semble avoir accouché d’une souris. Interrogé sur sa rencontre avec le Chairman du Mouvement de Libération du Congo qui avait appelé à « l’union de toutes les forces de l’opposition » le 30 octobre dernier, le fils Tshisekedi s’est contenté d’une réponse des plus laconiques, qui en dit sûrement plus long que ses propos, de la part d’un homme réputé plutôt pour ses déclarations incendiaires à l’emporte-pièce : « J’ai rencontré Jean-Pierre Bemba à la Haye. Ce qui s’est dit entre nous est confidentiel. Tout ce que je peux vous dire c’est qu’il est de cœur avec nous. Il a instruit son parti de travailler ensemble avec nous », a-t-il confié à nos confrères d’Actualités.cd. Travailler à quoi ? Pas à « une transition sans Kabila » certainement, objectif claironné à tue-tête par Tshilombo la veille encore de sa visite à Bemba. Des sources proches de Jean-Pierre Bemba Gombo le confirment : pour l’ancien vice-président de la transition qui s’est voulu on ne peut plus clair sur le sujet, il n’est pas question de piétiner les acquis de la démocratisation que sont les accords de Lusaka et de Sun City. C’est tout le contraire des projets nihilistes des radicaux chaperonnés par le duo Katumbi – Tshilombo Tshisekedi.
Déboussolés pour de bon
Déboussolent davantage encore des opposants qui ont trop longtemps dédaigné les Congolais au profit de leurs mentors mercantilistes occidentaux, la réaction de ces derniers qui, passablement pris de court eux aussi par l’imparable professionnalisme de la CENI, n’ont pu que se soumettre à la logique de cette dernière. Une semaine après la publication du chronogramme électoral qu’ils réclamaient avec force menaces, les occidentaux affichent en effet une timidité qui tranche avec la tapageuse et peu diplomatique publicité qui avait accompagné les fameuses sanctions ciblées contre les proches du Président Kabila, accusés d’entraver le processus électoral. Parce qu’il est vrai désormais que le calendrier est la preuve que si entrave au processus il y avait, elle n’est pas l’œuvre d’acteurs politiques gouvernementaux ou proches du Chef de l’Etat en place. Du Royaume de Belgique d’où étaient parties toutes les salves contre Kinshasa, les services fédéraux du très interventionniste chef de la diplomatie belge Didier Reynders, se sont contentés d’un communiqué étonnamment impersonnel rendu public, jeudi 9 novembre dernier. Le gouvernement belge « prend note de l’annonce de la CENI (et estime que) c’est maintenant aux autorités congolaises de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’exécuter le calendrier et de parvenir à un processus fiable et consensuel ». Avant d’ajouter timidement que l’ancienne métropole « demande que l’espace politique congolais s’ouvre grâce à l’application des mesures convenues dans l’accord du 31 décembre 2016 » (Belga). Point à la ligne. C’est à peu de choses près ce qu’avait déclaré Catherine Ray, la porte-parole de l’Union Européenne qui a appelé au dialogue mais aussi, au rejet de tout recours à la violence. Pour atteindre les objectifs fixés par la CENI, « l’Union européenne travaillera avec les acteurs congolais et ses partenaires, en particulier les Nations Unies, l’Union Africaine, la Communauté de développement de l’Afrique australe et l’Organisation Internationale de la Francophonie, pour contribuer à atteindre cet objectif », pouvait-on lire dans la déclaration rendue publique après la publication du calendrier électoral.
Boycott des élections ?
C’est néanmoins des Etats-Unis d’Amérique, sur lesquels comptaient les radicaux de l’opposition jusqu’à la visite, fin octobre dernier, de l’Envoyée spéciale de Donald Trump, la Représentante des USA aux Nations-Unies Nikki Haley, qu’a retenti la gifle qui semble avoir mis KO debout les troupes katumbistes. Expliquant la position de son pays sur le dossier rd congolais, le 9 novembre dernier, Donald Yamamoto, le Secrétaire d’Etat adjoint intérimaire en charge des Affaires Africaines au Département d’Etat américain a non seulement annoncé le soutien de son pays au calendrier Nangaa mais aussi tranché net : « Nous avons déjà signifié à l’opposition qu’une transition sans Kabila n’est pas constitutionnelle », a-t-il déclaré sans ambages. Depuis lors, le mot d’ordre est à la remobilisation des troupes chez ces opposants fragilisés par l’isolement diplomatique qui les guettent s’ils en font trop. Mais mobiliser pour quel objectif ? Le boycott du processus étant quasiment impossible, compte tenu de l’engouement de l’électorat, il ne leur reste plus que le boycott des élections. Une politique de la chaise vide qui videra davantage encore les rangs des radicaux de l’opposition, à n’en pas douter.
J.N.