« Journalistes En Danger », une organisation non gouvernementale dans le sens rd congolais du terme, s’est dernièrement fendu d’un rapport annuel qui épingle un certain nombre d’acteurs politiques, qualifiés de tous les noms et accusés de maints maux. Parmi lesquels, au sein du gouvernement d’union nationale, le ministre de la communication et médias, Lambert Mende Omalanga. L’Ong semble avoir été mal inspiré. Le gouvernement réplique, du tic au tac, et reproche aux « prétendus défenseurs des droits des journalistes au pays de Patrice Emery Lumumba, de sacrifier carrières et intérêts des compatriotes à l’autel d’intérêts de leurs collègues occidentaux. L’argument fait mouche. Ci-après, le texte intégral de cet argumentaire.
1. Depuis 1998, Journaliste en Danger (JED) une ONG, s’est spécialisée dans la défense et la promotion de la liberté d’expression en République Démocratique du Congo et du droit pour le public d’être informé par des médias libres et pluralistes. Cette initiative est née à un moment où le pays avait atteint ce qu’il n’est pas exagéré de considérer comme un point de non-retour en la matière à la suite de la Conférence Nationale Souveraine de 1990 à 1992 et de la Révolution du 17 mai 1997 qui a mis fin à la deuxième République. Plusieurs cas de violation des droits des professionnels des médias donnent lieu à des alertes régulières de cette organisation qui interpelle les autorités compétentes à ce sujet ;
2. JED et plusieurs autres organisations ont pris l’habitude de publier chaque année un rapport sur l’état d’avancement de la liberté de la presse en RDC avec des appuis financiers de certains partenaires extérieurs. Il faut malheureusement constater que la recherche de tels appuis semblent prendre le pas sur le noble objectif de défense et de promotion de la liberté d’expression, les animateurs de JED qui en tirent de substantiels revenus tenant à les « mériter » à coup d’allégations sensationnelles pas toujours conformes à la réalité qu’ils travestissent sans états d’âmes pour en justifier la perpétuation. Il appert en effet que faute d’autres sources de financement, ils font du monitoring des violations des droits humains leur unique gagne-pain en veillant à faire persister une image négative du pays à cet égard ;
3. Il est de notoriété publique que les professionnels des médias ont conquis de haute lutte leur liberté vers la fin de la dictature de la deuxième République (Zaïre). Depuis lors on n’a enregistré en l’espèce aucun recul significatif en l’espèce, loin s’en faut. La RDC est un des rares pays de la région où les assassinats, voies de faits, interpellations pour délits d’opinion ou de droit commun de journalistes soulèvent invariablement une véritable levée de boucliers, ce dont les Congolais peuvent à s’enorgueillir à juste titre. Mais JED s’obstine à noircir délibérément le tableau pour les raisons susmentionnées. La rhétorique anti-Kabila qui se vend bien dans certains milieux occidentaux constitue le sous-bassement de ce véritable mercantilisme droits-de-l’hommiste à la satisfaction de certaines officines impérialistes et néocolonialistes qui ont maille à partir avec le régime au pouvoir à Kinshasa depuis la signature des contrats miniers avec la Chine en 2017 ;
4. Selon la livraison 2017 de JED, il y aurait « un lourd bilan de fin de régime Kabila ». Un lourd bilan sans victimes, dès lors que dans le domaine de médias, aucun journaliste n’est signalé comme faisant à ce jour l’objet de poursuites pénales pour un délit de presse de la part du Gouvernement. L’ONG peint à travers son rapport annuel une RDC où la répression contre les professionnels des médias serait « banalisée ». Dans un pays où les invectives des journalistes proches de l’opposition ont acquis un véritable statut d’attribut culturel, on est en droit de se demander à comment se pratiquerait cette répression banalisée ;
5. Le Ministre de la Communication et Médias M. Lambert Mende Omalanga, porte-parole du gouvernement a eu droit à une véritable volée de bois vert de JED qui le présente, noir sur blanc comme « le premier bourreau de la liberté de l’information en 2017 ». Trois griefs fondent cette accusation infamante : la coupure du signal de Radio France Internationale (RFI) à Kinshasa pendant 9 mois, le brouillage du signal de Radio Okapi de la Mission de l’ONU pendant quelques heures et la restriction des mouvements des correspondants de la presse étrangère sur toute l’étendue du territoire nationale. Des griefs derrière lesquels apparaît ostensiblement la commandite étrangère ;
6. De fait, RFI, chaîne publique française, avait été régulièrement sanctionné par le Ministère de la Communication et Médias de la RDC pour n’avoir pas déféré à l’exigence de la Loi congolaise de 1996 faisant obligation à tout média audiovisuel de droit étranger opérant au Congo-Kinshasa de s’associer avec un partenaire congolais majoritaire, contrairement à ses consœurs la Voix de l’Amérique, BBC ou Deutsche Welle, qui, elles, s’étaient soumises de bonne grâce à cette exigence légale. ‘In fine’, France Médias Monde, la société éditrice de RFI, reconnaissant ses torts a accepté de négocier et de signer un accord de partenariat avec la RTNC, chaîne publique congolaise, ce qui a amené le Ministère à rétablir son signal. JED joue donc en l’espèce à l’apprenti-sorcier en se montrant littéralement « plus catholique que le Pape » par une défense étourdie et tardive d’un média périphérique en délicatesse avec la loi congolaise et qui, en définitive, s’est mise en règle avec celle-ci sur pression du Ministre compétent dont le premier devoir constitutionnel est… d’appliquer les lois de la République !
7. Le très bref brouillage de la Radio Onusienne Okapi fut consécutif à la violation par celle-ci de l’accord de siège (SOFA) conclu entre le Gouvernement de la RDC et les Nations-Unies, seule base sur laquelle ce média fonctionne. Des entreprises audiovisuelles nationales s’étant plaintes de la concurrence déloyale que leur faisait ce média bénéficiant des privilèges et exemptions liés audit accord notamment par la publicité commerciale et le non paiement des droits d’auteurs pour les œuvres de l’esprit diffusés par ses ondes, le Gouvernement congolais avait décidé après une série de contacts infructueux, de procéder à ce vigoureux rappel à l’ordre qui a fini par se révéler utile. Les choses sont rentrés dans l’ordre, de sorte qu’il y a lieu de questionner la motivation de cette saillie de JED au sujet de ce contentieux entre les deux parties à un accord de siège diplomatique qui ne concerne en rien un des journalistes exerçant leur métier ;
8. Le prétendu crime de « restriction des mouvements des correspondants de la presse étrangère » reproché au Ministre de la Communication et Médias révèle le côté caricatural de la hâblerie de l’ONG JED qui s’amuse à jeter le Gouvernement congolais en pâture à ses « clients » pour avoir défendu… la préférence nationale au profit des journalistes congolais de toutes obédiences dont le Gouvernement tient à promouvoir l’utilisation des compétences au dépens de leurs homologues étrangers en vertu du principe de la protection de la main-d’œuvre nationale qu’il revient à tout gouvernement digne de ce nom le devoir de défendre ;
9. Par ailleurs, dans un environnement national caractérisé par l’existence de quelques zones de non droit créées par un terrorisme latent qui a coûté la vie à nombre d’éléments des forces de l’ordre et de sécurité et même de partenaires de la communauté internationale (cas des deux enquêteurs des Nations-Unies au Kasaï Central), on ne peut exiger d’un gouvernement responsable d’offrir sans précaution à des bandes criminelles et/ou terroristes des occasions de prise d’otages de correspondants de la presse étrangère ;
10. Autre illustration du peu de sérieux de JED : le cas de Mme Carole Agito, Directeur Général a.i. de la Sonas qui, victime d’imputations dommageables de la part d’un certain « Serges Kabongo », non autrement identifié et non répertorié comme journaliste en RDC (il avait publié dans un tabloïd non enregistré que Madame Agito aurait « détourné un montant important de 1.300.000 USD et subtilisé des frais de paiement de l’assurance scolaire en livrant des faux documents »), s’était résolue à déposer une plainte en bonne et due forme en justice contre ledit Serges Kabongo. Ce dernier, avait, en plus, tenté de la faire chanter en lui promettant de publier un démenti en échange d’une somme d’argent. Invité par l’autorité judiciaire à s’expliquer, sieur Kabongo s’excusera par écrit auprès de Madame Agito qui lui accorda son pardon et retira sa plainte. Mais curieusement, son nom sera repris dix mois après cet épisode comme « bourreau du journaliste Serges Kabongo » par JED !
11. L’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications (ARPTC) a été également clouée au pilori par JED pour avoir retiré les fréquences analogiques à des opérateurs de médias audiovisuels kinois dans le cadre de la mise en œuvre de la migration de la télévision analogique vers la télévision numérique, un programme mondial auquel tous les pays de la planète s’affairent depuis bientôt trois ans sous les auspices de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), un organisme spécialisé des Nations-Unies, programme pour lequel lesdits opérateurs avaient sollicité et obtenu du gouvernement congolais un moratoire forclos depuis plus d’une année.
Ces quelques exemples sélectionnés parmi une multitude d’autres similaires, sont révélateurs du caractère lacunaire et aventureux des lanceurs de fausses alertes de JED qui n’honorent guère ni la profession de journaliste ni la cause des défenseurs des droits des professionnels des médias dans ce pays.
Il existe malheureusement en République Démocratique du Congo un foisonnement de ce type d’ONG, prêtes à faire feu de tout bois sans aucun scrupule, dans le seul but d’attirer l’attention de l’opinion publique et les prébendes de généreux donateurs politiquement, stratégiquement ou économiquement motivés. Essentiellement destinés à la consommation extérieure, leurs multiples rapports et « alertes » poursuivent dans la plupart des cas l’objectif d’amener des décideurs de la communauté internationale à se désolidariser des institutions légitimes au pouvoir et n’ont rien à voir avec les intérêts légitimes des groupes qu’ils prétendent défendre ou les besoins réels du peuple congolais qui sont mis en exergue dans leur rhétorique ronflante.
Kinshasa, le 4 novembre 2017