En prévision de l’évaluation du processus électoral par la tripartite Gouvernement – CENI – CNSA telle que recommandée par l’Accord de la Saint Sylvestre au cas où le plafond du 31 décembre 2017 pour la tenue des trois scrutins combinés (présidentielle, législatives et provinciales) s’avérerait intenable, Corneille Nangaa Yobeluo, ci-dessus Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante issu de la Société Civile, s’était égosillé à mettre l’opinion au parfum du chemin critique des élections, long de 504 à compter de la fin de l’enrôlement du dernier électeur. Dans un environnement politique pollué et sciemment chauffé à blanc par les imprécations des politiciens opportunistes qui en appelaient à l’apocalypse le 31 décembre prochain, sachant la CENI dans l’impossibilité d’organiser les élections à cette échéance, le recadrage de Nanga qui devait finir par arriver à un moment ou à un autre sera présenté par l’aile extrémiste de l’opposition comme une ‘’déclaration de guerre au peuple congolais’’.
De bonne guerre?
Pour certains observateurs, cette prise de position par une opposition radicale, du reste consciente de ses faiblesses et du fait qu’elle ne peut jamais rafler le suffrage majoritaire face à une majorité teigneusement implantée, serait de bonne guerre dans la mesure où elle permettrait à cette dernière de faire monter les enchères et d’obtenir par la voie du « partage équitable et équilibré » du pouvoir ce qu’elle n’obtiendra sans doute jamais à l’issue d’un processus électoral fiable. En d’autres termes, c’est tout à l’honneur des opposants radicaux que d’avoir fait la rétention de l’information au sujet du chemin critique de 504 jours et de privilégier à la place la fétichisation de la date du 31 décembre afin d’avoir pour elle un vivier insurrectionnel assuré. Car il n’ y a qu’en ignorant le bien-fondé du chemin critique de 504 jours que la population, convaincue que la CENI renvoie cyniquement les élections aux calendes grecques, obéirait aux mots d’ordre de sabotage de l’ordre public lancés en temps utiles par les opposants extrémistes.
Il s’agit là de l’unique scénario de prise de pouvoir par le raccourci insurrectionnel pour lequel l’aile dure de l’opposition a investi tous ses moyens financiers, humains, diplomatiques et politiques depuis plus de deux ans.
« Prenez-vous en charge »
L’on se rappellera que, reprenant maladroitement un slogan de M’zee Laurent Désiré Kabila et des Comités du Pouvoir Populaire (CPP), feu Etienne Tshisekedi wa Mulumba avait, à l’occasion de son meeting du 31 juillet 2016, fait du ‘’prenez-vous en charge’’ un appel ouvert à l’insurrection populaire, seule voie de sortie pour une opposition orpheline du soutien populaire de la majorité des congolais. En effet depuis l’Independence de la RDC et les élections qui l’ont précédée, il a toujours été prouvé que le bloc nationaliste-lumumbiste dont est issu le pouvoir actuel est de loin le seul à bénéficier du soutien populaire majoritaire à l’échelle nationale. Quand au bloc réactionnaire ou mobutiste duquel descend l’actuelle opposition extrémiste, il n’a pu exercer le pouvoir qu’après l’avoir confisqué au peuple par la violence. Si cette violence a eu le visage des coups d’Etat perpétrés par Mobutu par le passé, elle semble avoir été rendue plus soft avec le dégagisme à la burkinabé, une sorte de régime change grâce auquel l’impérialisme néocolonial arrive à placer ses pions à la tête des Etats pour garantir ou protéger ses intérêts.
Et l’Eglise catholique dans tout ça ?
Au cours d’une messe tenue par Monseigneur Joseph Malula en juin 1961 pour célébrer le retour au calme grâce au gouvernement Cyrille Adoula sorti du conclave de Lovanium, l’officient du jour profita de cette solennité pour saluer la bravoure de tous ceux qui avaient contribué à mettre hors d’état de nuire les ‘’impies’’ nationalistes, partisans de l’ancien premier Ministre patrice Lumumba assassiné le 17 janvier 1961. En d’autres termes, Joseph Malula félicitait publiquement la bande à Mobutu pour avoir évincé tous ceux qui avaient remporté les élections de 1960 et avoir instauré le règne du « partage équitable et équilibre du pouvoir » loin du peuple souverain.
Plus de cinquante ans après, la position de l’Eglise Catholique romaine de la RDC semble n’avoir pas changé.
Ignorant superbement les vainqueurs des élections de 2006 et 2011, l’Eglise Catholique congolaise, cette fois emmenée par le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya n’a pas dérogé à cette règle qui consiste à prendre fait et cause pour des politiciens minoritaires. Reprenant pour son compte le fameux ‘’prenez-vous en charge’’, la CENCO s’est même laissée aller à des sermons ou à des homélies appelant les fidèles catholiques à vaincre la peur et à dégager les institutions démocratiquement établies de leur propre pays.
C’est dans ce contexte que l’Eglise catholique congolaise s’est gardée de jouer son rôle d’Eglise au milieu du village lorsque Corneille Nangaa s’époumonait seul pour marteler que tout le monde au sein de la classe politique connaissait les 504 jours depuis les dialogues de l’Union africaine et du Centre Interdiocésain. Pour avoir participé aux deux dialogues, on se serait attendu à ce que l’Eglise vole au secours de Nangaa qui faisait face à la roublardise des politiciens. Car les prélats catholiques savaient et continuent de savoir que le chemin critique de 504 jours n’est guère une invention de la Ceni. Il s’agissait plutôt de la conclusion à laquelle avaient abouti les analyses des experts de l’OIF, du PNUD, de l’ONU et de l’UA appelés en renfort au dialogue présidé par l’africaniste Edem Kodjo en vue d’une organisation optimale des élections transparentes et apaisées en terre congolaise.
La CENCO dévoile le pot-aux-roses
La vérité, on la sait, ne se cache jamais indéfiniment. Elle se débrouille toujours pour se manifester quelles que soient les précautions prises pour l’étouffer. C’est sous forme de lapsus que la CENCO, par la plume de son porte-voix et habile politicien Abbé Donatien Nshole, a finalement révélé son alignement sur les 504 jours du chemin critique pour l’organisation de la présidentielle, des législatives et des provinciales en une seule séquence.
Dans son rapport d’observation du 09 octobre 2017, la Mission d’Observation Electorale Justice et Paix Congo de la Conférence Episcopale Nationale du Congo a, par l’entremise du Secrétaire Général de la CENCO, l’Abbée Donatien Nshole, formulé quelques recommandations à la Ceni. A la page 9 de ce rapport, il est demandé à la Ceni notamment : ‘’de s’assurer que les mineurs nés après le 31 décembre 2000 ne soient pas inscrits sur la liste électorale’’. Cette incise du rapport dévoile tout.
La CENCO demande à la Ceni d’enrôler tous les mineurs nés avant le 31 décembre 2000. Or selon l’article 5 de la Constitution et 9 de la loi électorale, sont électeurs et éligibles ‘’tous les congolais de deux sexes, âgés de dix-huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques’’.
Demander que les mineurs nés avant le 31 décembre 2000 soient tous enrôlés, c’est s’attendre à ce qu’ils acquièrent la qualité d’électeurs et éligibles seulement au plus tard le 31 décembre 2018. Jusqu’à ce jour aucun politicien de la majorité, pas plus que ceux de l’opposition et leurs parrains de la CENCO n’ont trouvé à redire que les mineurs qui auront 18 ans révolus seulement le 31 décembre 2018 ne soient enrôlés. Ceci suppose que tous savent que les élections ne pouvaient jamais être organisées avant le 31 décembre 2018.
Autrement, seraient-ils en flagrant délit de violation de la Constitution et de la loi électorale qui établissent l’âge de la majorité à 18 ans révolus. On voit bien que Corneille Nangaa n’est pas le seul à s’être laissé convaincre par les 504 joins recquis comme chemin critique pour les trois scrutins cumulés. Toute la classe politique et la CENCO n’ont rien eu à redire devant cette évidence technique. C’est ce qu’impliquent les encouragements de la CENCO à la Centrale Electorale appelée à enrôler tous les mineurs qui n’atteindront la majorité que le 31 décembre 2018.
Il s’ensuit qu’il y a bel et bien eu, à l’issue des deux dialogues de la cité de l’OUA et du Centre Interdiocésain, un consensus tacite sur la tenue des scrutins attendus au-delà de la date du 31 décembre 2018, date à laquelle tous les mineurs d’âge enrôlés par la Ceni avec l’accord de la CENCO auront atteint leurs 18 ans d’âge révolus.
JBD