Si tu aimes l’Afrique, tu ne la dénigres pas. Au contraire, tu y investis une partie de tes économies pour contribuer à améliorer la situation, si non, tu la fermes.
Si tu aimes ton village, tu ne publies pas les photos de cadavres de ses habitants qui ne t’ont rien demandé. Si tu t’aimes toi-même, tu ne partages pas les informations et les photos qui peuvent nuire à ton image.
Je comprends que les Européens, pour justifier la violence coloniale, aient besoin de peindre l’Afrique constamment comme l’enfer sur terre. Je comprends moins un Africain qui va à Paris, à Washington ou à Londres, dénigrer son pays, mal parler de son village, soit disant parce qu’il est persécuté, en échange d’un bout de papier de réfugié.
L’histoire de l’Iranien qui a vécu pendant 18 ans à l’aéroport de Roissy à Paris, sans la possibilité de sortir parce qu’on avait volé son passeport m’a toujours touchée. Ce sujet Iranien avait tout simplement refusé ce que les dirigeants français lui proposaient pendant 18 ans : mal parler de l’Iran, son pays. Accuser l’Iran des pires tortures et de dictature. Et en échange, il obtenait les papiers pour sortir de l’aéroport et s’installer en France. Il leur a répondu pendant 18 ans : “Mais l’Iran c’est mon pays, je n’ai pas un autre pays. Pourquoi devrais-je mal parler du seul pays que j’ai ?”
Essayez d’imaginer un africain à sa place. Il vendrait sa famille, il solderait le pays, le continent pour sortir de l’aéroport Charles de Gaulles et retrouver enfin son paradis tant rêvé : la France.
Monsieur Masjed Soleiman, par un vol direct de Téhéran à Paris, arrive au terminal 1 de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle le 8 août 1988. Mais on vole son passeport où il avait le visa. Il ne peut pas sortir de l’aéroport. Et sans passeport, il ne peut retourner en Iran. Il y restera 18 ans sans jamais sortir et ce jusqu’en août 2006, lorsqu’il tombe malade et sort de l’aéroport pour être hospitalisé à Paris.
Son histoire a été portée à l’écran sous le titre “Le Terminal” par le réalisateur américain Steven Spielberg. Un film très touchant que je conseille vivement à tous ceux qui salissent l’image de l’Afrique depuis l’Occident.
Tous les 2 jours en France, un agriculteur se suicide. Est-ce que les africains qui vivent en France en sont au courant ? Bien sûr que non. Parce que le Journal “Le Monde” ne va jamais en parler, puisque cela nuirait à la bonne image de la France dans le monde. Ce sont les petits quotidiens régionaux qui en parlent. Et c’est tout. Aucune télévision ne relaie l’information.
Chaque jour en France, un homme tue sa femme ou sa compagne par jalousie ou parce qu’elle a décidé de le quitter et de rompre la relation. Est-ce que les français qui n’en parlent pas n’ont pas le cœur pour s’indigner plus que les africains qui vont publier les photos des cadavres mutilés d’africains sur Facebook pour montrer comment nos dirigeants sont des méchants ?
Le quotidien Le Figaro ou bien France24 préférera parler d’un mort à Bamenda que de la jeune fille tuée le même jour en France par son compagnon, parce que cela nuirait à l’image de la France. Cette histoire est tellement occultée qu’aujourd’hui en Afrique, beaucoup de jeunes femmes qui cherchent l’amour sur le net sont convaincues, à tort, que les blancs sont doux et romantiques avec les femmes. En écoutant Radio France International (RFI) ou en en regardant la télévision publique française France24 ou TV5 Monde, elles ne découvriront jamais que plus de 300 femmes sont tuées en France chaque année sous les coups du mari ou du compagnon. C’est le même chiffre en Italie, de même qu’en Allemagne, etc.
Ce sont les romains qui ont établi la règle selon laquelle il faut être le pire des idiots pour communiquer une information qui peut nuire à vos intérêts. S’indigner n’a jamais solutionné le moindre problème. Les problèmes africains se résolvent en Afrique et non ailleurs.
A la diaspora africaine je dis : Lorsque tu as fui ta maison qui brulait pour aller rester chez celui qui y a mis le feu, aies la décence de te cacher et de rester en silence lorsque tes voisins restés au pays courent à gauche et à droite pour trouver ne serait-ce qu’un sceau troué susceptible d’aider à puiser l’eau pour éteindre l’incendie.
Si tu aimes une femme ou un homme, tu seras porté(e) à ne pas voir les défauts que tout le monde te montre. Si tu parles mal de ton pays ou du continent africain et ne relaie de lui que la plus pire des propagandes, c’est bien la preuve que tu ne t’aimes pas toi-même. Si tu ne t’aimes pas, tu n’es pas utile à toi-même. Et dans ce cas, peux-tu me dire en quoi tu es utile à ton pays, à ton village pour te permettre de le dénigrer ?
JEAN-PAUL POUGALA
Tianjin (Chine), 8 octobre 2017