La suspension de la circulation des passeports semi-biométriques rd congolais, annoncée samedi 16 septembre 2017 par le ministère des Affaires étrangères et de la coopération régionale a provoqué un énorme tollé dans l’opinion nationale. Comme c’est souvent le cas en pareille circonstance, la perspective de se procurer obligatoirement un nouveau passeport, entièrement biométrique nanti d’une puce d’identification énerve plus d’un. Parce que pour obtenir cette pièce d’identité qui permet de voyager en dehors du pays, il va falloir encore bourse délier. La décision rendue publique par le vice-ministre des Affaires étrangères Agé Aje Matembo a tôt fait d’être interprétée comme une opération financière destinée à renflouer les caisses de l’Etat, ou, pire, une arnaque conçue pour se regarnir les poches. Dans l’un et l’autre cas, chacun y va de sa petite expertise en la matière, dans la presse, sur les réseaux sociaux. C’est le branle-bas généralisé… et confus.
Comme cette saillie du député national UNC, Juvénal Munubo, qui a annoncé avoir déposé une question orale adressée au vice-ministre au bureau de l’Assemblée Nationale, dès le jour même de la publication de la décision gouvernementale, samedi 16 septembre dernier. Faisant ainsi passer cette question des passeports au premier rang des préoccupations des législateurs en session budgétaire depuis le 15 septembre 2017. Un spécialiste des questions parlementaires s’en étonne : une question (orale ou écrite) ou une interpellation ne peuvent être adressées qu’au titulaire d’un ministère, pas à un vice-ministre…
On a également noté la réaction du député ULDC Zacharie Bababaswe, dont l’extrême sensibilité sur les problèmes touchant à l’immigration est connue. L’élu de la Lukunga a Kinshasa a carrément exigé le retrait « sans condition et sans délai » de la décision suspendant la circulation des passeports semi-biométriques en circulation dès le 16 octobre prochain. «Conformément aux dispositions légales en vigueur dans notre pays, je me fais le porte-voix de millions des congolais qui désapprouvent totalement la décision. Non seulement cette décision est inopportune, mais aussi et surtout inacceptable dans le contexte politico social qui prévaut dans notre pays, puis je demande de bien vouloir retirer sans condition et sans délai ce communiqué controversé, et ce, en attendant la mise en place d’une commission interinstitutionnelle qui devrait en déterminer les termes et les modalités pratiques, en cas d’une éventuelle décision de non utilisation des passeports semi biométriques accepté dans tous les pays du monde», a écrit Zacharie Bababaswe dans une correspondance au vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères rapportée par la presse.
D’autres, moins extrémistes, se sont contentés de solliciter un moratoire. C’est le cas du mouvement citoyen Ujana qui a estimé qu’il fallait accorder du temps aux Congolais de réunir les moyens nécessaires à l’acquisition d’un nouveau passeport, compte tenu de la conjoncture économique.
Autant de conjectures, qui occultent l’essentiel, à en juger par la question qu’un directeur de chancellerie au ministère des Affaires étrangères a renvoyé au Maximum lundi 17 septembre dans la journée : « Un pays comme les Etats-Unis d’Amérique ayant par exemple décidé d’interdire l’accès sur son territoire à tout détenteur d’un passeport sans puces biométriques, que deviendront les voyageurs Congolais ? L’annulation ou le moratoire sollicité auprès du gouvernement rd congolais engageraient-ils également les puissances étrangères ? ». Une façon d’expliquer que la décision de suspendre la circulation des passeports semi-biométriques rd congolais relève de politiques étrangères en matière de sécurité, dans lesquelles la RD Congo n’a pas le dernier mot. Pas nécessairement.
C’est ce qu’un communiqué rendu public dimanche dernier par le ministre de la communication et Médias, porte-parole du gouvernement avait pourtant expliqué. La mesure portant retrait du passeport semi-biométrique de la circulation à partir du 16 octobre 2017 a été prise « dans l’intérêt de la population congolaise face aux défis sécuritaires et migratoires du moment, à l’heure où tous les pays sont engagés dans la lutte contre le terrorisme ». Un contexte dans lequel « La circulation concomitante des passeports semi-biométrique et biométrique pose un réel problème de fiabilité même du passeport congolais face aux autorités des pays étrangers », avait déclaré Lambert Mende, qui a fait état de difficultés et controverses autour de l’octroi des visas aux compatriotes désireux de se rendre à l’étranger.
L’utilisation du passeport biométrique assorti d’une puce contenant les renseignements nécessaires sur son détenteur est en outre une exigence de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) qui a enjoint les pays membres à opter pour son utilisation, le passeport semi-biométrique, dont la photo peut être simplement scannée, présentant encore des risques de contrefaçon. Le problème du passeport semi-biométrique n’est donc pas à réduire à une simple question d’opportunité pécuniaire comme le pensent certains.
J.N.