Accompagné du président de la Conférence Episcopale du Congo, Mgr Marcel Utembi Tapa, le Nonce Apostolique en RD Congo, Mgr Luis Mariano Montemayor a achevé, mardi 12 septembre 2017, une mission dite « évangélique et humanitaire » dans une partie du Grand Kasai, qui l’a conduite au-delà de Kananga, à Luiza, entre autres. Mission évangélique et humanitaire mais toute empreinte de politique, le représentant du Pape François au pays de Patrice Emery Lumumba n’ayant pas dérogé d’un iota de la position de l’église catholique romaine locale contre le pouvoir en place.
Mardi 12 septembre, à la commune de la Nganza à Kananga, Luis Mariano Montemayor a livré un message de réconfort aux habitants : « Devant les atrocités humaines, il n’y a pas de paroles pour exprimer l’horreur et la compassion fraternelle. Il n’y a aucun mot humain qui pourrait consoler de toutes les souffrances vécues. C’est pour cette raison que devant la souffrance atroce d’un frère, on se tait et on se tourne vers quelqu’un d’Autre capable de dire un mot qui apaise: Dieu riche en miséricorde », a-t-il déclaré en marge de sa visite dans ce quartier. Le Nonce Apostolique s’est aussi dit porteur d’un message du Saint Père dans cette partie du chef-lieu de la province du Kasai Central, qu’il a qualifié de « quartier martyr » (pas du fait des Kamwina Nsapu, à l’évidence !) : « Par ma présence ici aujourd’hui, en ce quartier martyr de Nganza, je vous apporte la consolation et la proximité du Saint Père, le Pape François. Il suit très attentivement la situation en R.D.Congo et particulièrement dans le Grand Kasaï. Il m’a prié de vous transmettre ses salutations et sa bénédiction paternelle. Pour nous, chrétiens, une grande porte s’ouvre toujours, celle de l’espérance en Dieu! Je voudrais que cela soit aujourd’hui l’attitude des hommes et des femmes de ce quartier de Nganza, ne jamais baisser les bras mais apprendre à se tourner vers Dieu! », a encore déclaré Luis Mariano Montemayor.
Stricte courtoisie politique
A Luiza, un territoire rural de la même province, le Nonce Apostolique a appelé les chrétiens à ne pas rendre le mal par le mal au cours d’une messe et demandé « … à tous les hommes de bonne volonté de mobiliser les moyens pour une assistance humanitaire urgente“. Une déclaration faite après une visite d’organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine de l’assistance.
Côté officiel, Luis Mariano Montemayor a bien rencontré le gouverneur intérimaire de la province et le président de l’Assemblée provinciale, mais cela s’arrête à cet usage purement protocolaire. Pour le reste, le représentant du Pape François s’est comporté comme s’il se trouvait sur des terres sans maîtres qui attendent évangélisation … sous la forme d’aide aux sinistrés. Dans une interview à la radio onusienne Okapi, le prélat s’est répandu en moult révélations sur les préoccupations papales relatives aux souffrances des populations du Grand Kasai. Le Pape François aurait fait de la situation kasaïenne une priorité, au point de préparer un plan d’assistance particulier pour les populations de la région, a expliqué Luis Mariano Montemayor.
L’évêque ambassadeur du Vatican, a pourtant dû attendre un an après le déclenchement des horreurs kasaïennes, pour s’y rendre. Non pas qu’il ne l’eût pas voulu ou qu’il n’en ait pas eu le temps, certes. Mais parce que la situation sécuritaire ne le permettait pas. Il semble oublier que si ces provinces kasaïennes n’avaient pas été pacifiées par les forces de sécurité d’un gouvernement pour lequel il ne semble manifester aucune reconnaissance, il n’aurait jamais été en mesure de mettre les pieds à Luiza, par exemple. Mais de cela, son excellence révérendissime n’a pipé mot. Il n’a pas eu le moindre geste d’appréciation pour les forces congolaises de sécurité (FARDC, PNC et autres) qui ont en fin de compte permis que des populations contraintes à l’errance jusqu’à il y a quelques semaines encore soient de nouveau rassemblées et visitables. Parce que sur le sujet, la position vaticane est connue, a-t-il soutenu : « Quand il y aura élection, on sera sûr qu’il y aura les conditions d’une pacification du pays. Avant ça, [il y a] risque de manipulation, d’exploitation de la visite du Saint Père. Soit pour dire qu’il appuie la continuation du gouvernement illégitime. Soit pour ceux qui […] espèrent expulser le régime en fonction des mouvements populaires », dit le Nonce Apostolique en RD Congo. On se demande par quelle alchimie des élections auraient par elles-mêmes suffit à pacifier le centre de la RDC…
Silence des leaders politiques de la région
Si Luis Mariano Montemayor s’est bien gardé d’évoquer les efforts autrement plus concrets fournis par le pouvoir de Kinshasa pour ramener de force la paix dans l’espace Grand Kasai, l’évêque latino-américain n’a pas pu se taire sur l’iniquité et le déficit de solidarité envers leurs frères des leaders politiques régionaux. « Pour une chose concrète, pourquoi le pape a parlé plus que la classe dirigeante Kasaïenne sur le problème du Kasaï ? Pourquoi le pape doit appeler à sauver les enfants, alors que je n’ai pas senti la classe dirigeante Kasaïenne de n’importe quel parti (politique) s’engager dans un cri qui pouvait mobiliser la solidarité du Congolais qui s’est mobilisé pour les autres crises du pays ? Ça nous étonne. Et nous exhortons à changer d’attitude, la classe dirigeante Kasaïenne et même le gouvernement ! », s’est-il écrié.
Le silence éloquent des leaders politiques kasaiens n’étonne pas que Luis Mariano Montemayor. Pour nombre de Congolais, la question reste également posée. Tout s’est passé comme si pour nombre de leaders politiques et d’opinion de l’espace Kasaïen, particulièrement ceux de l’opposition, le phénomène Kamwina Nsapu était du pain béni, une manifestation de l’opposition au pouvoir en place à Kinshasa. De passage à Rome il y a quelques jours, un prêtre catholique du diocèse de Kananga a clairement exprimé ce point de vue, largement partagé parmi le clergé local : « le retour de la paix au Kasai dépendra pour beaucoup de l’application de l’accord conclu le 31 décembre 2016 entre le gouvernement et l’opposition sur la transition politique du pays », a expliqué au micro de Radio Vatican, l’Abbé Jeannot Mandefu, coordonnateur de la pastorale du diocèse de Kananga. De toute évidence, l’appel au changement d’attitude de Monseigneur Luis Mariano Montemayor devrait s’adresser aussi au très politisé clergé catholique local des provinces du Kasaï Central et du Kasaï …
J.N.