C’est un Félix Tshilombo Tshisekedi particulièrement fulminant qui s’est adressé à la presse et à l’opinion, mardi 5 septembre 2017. Un speech de près de 4 pages de la part de l’opposant radical ramené sous bonne escorte policière chez lui, dimanche 3 septembre, alors qu’il escomptait un bain de foule susceptible de surchauffer l’ambiance du meeting prévu le même sur le boulevard triomphal en phase du Stade des Martyrs en provoquant un embouteillage monstre sur le boulevard Lumumba qui aurait permis de faire croire à une popularité similaire à celle dont jouissait son défunt père dans la capitale. Un événement qui s’inscrivait dans le cadre de la feuille de route consistant à mettre le feu à la baraque, mise sur pied à Paris par les radicaux de l’opposition politique rd congolaise, pour faire pression sur Joseph Kabila et sa majorité au pouvoir. Rien n’aura marché comme prévu, et c’est ce qui explique la nouvelle croisade, empreinte de davantage de modestie et de considération envers les autres partenaires de l’opposition jusque-là considérés comme du menu fretin, que le fils Tshisekedi a donné l’impression d’afficher.
Désarroi tardif ?
Mardi dernier face à la presse, Fatshi, comme il se surnomme dans les réseaux sociaux dont il est friand, n’a pas dissimulé son désarroi. « L’heure est grave », l’a-t-on entendu dire. « Le moment n’est plus aux discours mais à l’action. Une action vigoureuse qui exige l’unité de toutes les forces acquises au changement démocratique. L’union fait la force, pour dire que tout fait nombre et tout fait force », a-t-il lancé d’emblée, aussitôt les salutations d’usage terminées. Il y a de quoi revenir sur terre, en effet, parce que tout ce que les radicaux avaient concocté pour empoisonner le mois de la rentrée tournait, lentement mais sûrement, en eau de boudin. A commencer par ce retour au pays fermement encadré par les nouvelles autorités policières de la capitale, ainsi que ce strict respect de la mesure d’interdiction de toute manifestation à la date du 3 septembre. Tout indique que si les radicaux de l’opposition s’aventuraient à rééditer les mêmes vieilles méthodes de mobilisation des masses, les forces de police, ne manqueront d’y mettre bon ordre, la hiérarchie policière ayant ont radicalement modifié les méthodes de maintien de l’ordre public. « On ne badinera plus jamais avec l’autorité de l’Etat, à Kinshasa comme à l’intérieur du pays », a déclaré au Maximum un fonctionnaire du ministère de l’intérieur, en charge des questions de la sécurité nationale qui exerce la tutelle sur tous les services d’intelligence du pays. Mais il n’y a pas que cela.
Les dés sont jetés
Lorsqu’il rentre au pays de retour d’un séjour en Europe, Félix Tshilombo Tshisekedi tombe de très haut avec les résultats annoncés du processus électoral qui font frissonner ceux qui, il y a peu encore, rêvaient de nouvelles négociations politiques en pariant sur l’échec des opérations de révision du fichier électoral entreprises vaille que vaille il y a quelques mois. De Kananga où s’étaient tenus des travaux d’évaluation préparatoires aux concertations CENI – Gouvernement – CNSA quelques jours auparavant, une double vérité s’est indubitablement dégagée : les opérations d’enrôlement d’électeurs avaient atteint le chiffre record de près de 41 millions d’inscrits ; et, l’enrôlement des électeurs des deux provinces ex-kasaïennes à problème (Kasaï et Kasaï Central), longtemps retardé pour des raisons sécuritaires, débutait dans les jours à venir. Pour les radicaux, qui, ce n’est qu’un secret de polichinelle, préféreraient un partage de pouvoir préalable à la consultation du souverain primaire, le péril est réel : la volonté du Chef de l’Etat en place de faire tenir les troisièmes scrutins démocratiques de la IIIème République devient chaque jours de plus en plus réelle. Qu’on le veuille ou pas.
Péril en la demeure
Le péril est d’autant plus grand et ennuyeux pour des radicaux de l’opposition qui ont toujours prétendu exprimer la volonté populaire : plus de 40 millions d’enrôlés, cela signifie que, contrairement à leurs schémas, les Congolais tiennent aux élections comme seul mode d’alternance dans leur pays. Plutôt que d’une transition, même sans Joseph Kabila au pouvoir, avancée par les radicaux beaucoup plus pour appeler à des nouvelles négociations que pour instaurer arbitrairement un régime sans aucune base constitutionnel auquel personne ne croit, à commencer par eux-mêmes.
Comme tout ce que l’héritier Etienne Tshisekedi propose depuis qu’il s’est mis en tête de succéder à son géniteur, les contours de l’appel à un nouveau rassemblement des forces et les objectifs de ce rassemblement restent désespérément vagues. Le contenu de son speech du 5 septembre dernier était truffé de contre-vérités destinées à la consommation extérieure et « à quelques faibles d’esprits », ainsi qu’ironisait sur les lieux de la communication un confrère peu amène : Joseph Kabila « … a décidé que les Congolais n’ont pas droit à des élections notamment pour se choisir un président de la République », affirmait Tshisekedi junior moins d’une semaine après que la CENI eût annoncé avoir dépassé le cap de 40 millions d’enrôlés, et devant un auditoire composé de personnes disposant déjà de leur carte d’électeur pour la plupart. Fatshi ne s’est pas montré plus crédible par la suite, en soutenant, entre autres, que « il (Kabila) a décidé que ses partisans exceptés, aucun Congolais n’a le droit d’exprimer ses opinions … », parce que lui, Félix Tshilombo Tshisekedi, ne confondrait avec le président de la République était précisément en train d’apporter la preuve du contraire devant la presse nationale et internationale, venue très nombreuse l’écouter sans aucune restriction …
Prémisses douteuses
Les prémisses qui amènent à la conclusion « Kabila doit partir », à laquelle Félix Tshisekedi a abouti ne tiennent donc pas la route. L’édifice non plus, dont les contours sont loin d’être clairs, même pour les opposants appelés à la rescousse, dont les hésitations deviennent compréhensibles : unir les forces contre qui ? Puisque dans le choix de la voie électorale, l’adversaire semble avoir le soutien de 40 millions de Congolais en âge d’exprimer des choix politiques, qui se sont effectivement enrôlés. Le fils Tshisekedi appellerait-il l’opposition à l’unisson pour affronter 40 millions des personnes qui se sont inscrites sur les listes électorales et attendent plutôt qu’il confirme sa propre candidature à la présidentielle ? En tout état de cause, mercredi 6 septembre, l’UNC de Vital Kamerhe et le MLC de Jean-Pierre Bemba, par les voies de leurs porte-paroles respectifs interrogés par Top Congo FM, ont exprimé des réserves qui tournent autour de la nécessité, douteuse selon eux, de composer une nouvelle plate-forme de l’opposition.
Contre la volonté du Peuple
Parce qu’en réalité, lorsque Félix Tshisekedi prétend composer une nouvelle et large coalition anti-Kabila, c’est à la formation d’une large coalition anti-électorale qu’il appelle. Il l’a déclaré le 5 septembre au cours de son point de presse : « La CENI demeure ainsi le vecteur principal du dévoiement de notre processus électoral, pendant que sa sœur siamoise, la cour constitutionnelle, se charge des tripatouillages de la constitution pour légaliser les fraudes électorales et le projet de referendum constitutionnel de Joseph Kabila ».
Comme tout ce qu’il a entrepris jusqu’ici, rien n’indique que le fils à Papa sera suivi dans sa nouvelle croisade chimérique. Parce que s’opposer aux élections, même sous le prétexte fallacieux d’un perfectionnisme béat, n’a pas beaucoup de sens dans la RD Congo d’aujourd’hui. Pour tout le monde.
J.N.