Entre les partisans du processus électoral et de l’alternance par la voie de l’organisation des élections et les radicaux de l’opposition politique favorables à une transition de re-partage du gâteau avant tout scrutin, c’est le round décisif.
Fin août 2017, à Kananga au Kasaï Central, une rencontre d’évaluation du processus électoral a réuni la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), le Gouvernement d’union nationale et le Comité National de Suivi de l’Accord et du Processus électoral (CNSA). Certes, il ne s’agissait que d’une rencontre préparatoire de celle qui décidera des options principales de la suite du processus, notamment, du calendrier électoral à déployer après décembre prochain. Puisqu’il est désormais acquis qu’aucun scrutin n’est tenable d’ici décembre 2017. Mais Kananga aura été décisif en ce qu’il a lancé la dernière étape de l’opération de révision du fichier électoral. Lundi 4 septembre ont démarré les opérations d’enrôlement dans les seules provinces encore en retard, le Kasai Central, le Kasai et dans deux territoires de la province voisine de la Lomami, Kamiji et Luilu.
Dernière ligne droite
Le week-end dernier, aussitôt rentré à Kinshasa, le bureau de la CENI a lancé une campagne de recrutement du personnel supplémentaire dans les zones opérationnelles concernées par ces opérations d’enrôlement prévues pour s’étendre sur trois mois, d’ici début décembre 2017, donc. Alors que le nombre de rd congolais déjà inscrits sur les listes électorales a dépassé la barre de 40 millions de personnes. C’est la dernière ligne droite, à l’évidence, et les populations qui s’enrôlent en masse démentent dans la même proportion les projections d’acteurs politiques de l’opposition qui les disent favorables à un arrêt du processus électoral, fût-ce pour une transition dite citoyenne.
Plus de 40 millions d’enrôlés, c’est plus de 40 millions de Congolais favorables à la tenue de nouvelles élections dans leur pays, conformément à la constitution en vigueur. La perspective est loin d’enchanter dans les rangs des radicaux katumbistes-tshisekedistes qui eux, ne jurent que sur la participation au partage du gâteau avant l’amorce de toute consultation électorale. Pour instrumentaliser les moyens de l’Etat à leur profit.
Panique dans les rangs
Une panique manifeste s’observe donc dans leurs rangs. Elle se traduit par une agitation frénétique et généralisée. A Kinshasa, le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (Rassop), aile Limete, a tenté d’organiser des manifestations publiques, sans succès. Le meeting prévu dimanche 3 septembre 2017 sur le boulevard triomphal en face du Stade des Martyrs de la Pentecôte à Kinshasa a été interdit par l’autorité urbaine. Parce que l’autre aile du même Rassop, celle de Kasavubu qui siège au gouvernement d’union nationale et participe au processus de démocratisation, a choisi le même lieu et le même jour pour tenir son meeting. Le Gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta Yango a partagé la poire en deux, comme on dit, en renvoyant les rivaux dos à dos.
Même la manifestation déguisée en accueil de Félix Tshisekedi, dont le retour au pays a été voulu coïncident avec l’organisation du meeting du boulevard triomphal, a été étouffée par le dispositif sécuritaire dissuasif mis en place par les autorités policières kinoises. Pas d’escorte motorisée, pas d’attroupements, conformément à une décision du nouveau patron de la police rendue publique au début du week-end : le fils Tshisekedi a gagné sa résidence sans les foules qui lui auraient permis de renflouer la participation au meeting prévu.
Tirs groupés sur le processus électoral
Résultats : ça tire de toutes parts dans les rangs des opposants, non sans quelques désordres. Ici, on s’en prend maladroitement au processus électoral ; là, on déplore la réduction des libertés, les mêmes libertés qui ont toujours déjà entraîné morts d’hommes, pillages et saccages. Mais il est de moins en évident que les rd congolais ne suivent plus. Tout au moins la grande majorité qui a choisi de s’inscrire sur les registres électorales.
Contre le processus électoral, c’est le porte-parole d’un des chefs de file des adversaires du processus électoral et candidat à une présidence sans élections, Moïse Katumbi, qui est précipitamment sorti de ses gongs. Olivier Kamitatu a déclaré à des confrères en ligne que la rencontre de Kananga entre la CENI, le gouvernement et le CNSA était une rencontre des kabilistes. L’ARC tentant ainsi maladroitement de réduire à la famille du Président de la République en fonction, dont le second et dernier mandat est arrivé à terme effectivement, l’ensemble de la classe politique et des rd congolais qui, en s’enrôlant, montrent la voie qu’ils veulent suivre : vers les urnes.
S’est également insurgé contre le processus électoral, l’ECIDE Martin Fayulu qui, fort maladroitement lui aussi, a émis des critiques sur la fiabilité des statistiques rendus publics par la CENI avant même la publication officielle de celles-ci, laquelle ne peut se faire qu’après une opération préalable de fiabilisation, donc, de correction des erreurs. Mais l’acteur politique de l’opposition, ainsi que tous ses pairs, sont à l’évidence encore beaucoup moins crédibles que l’administration électorale sur la question. Pour la bonne et simple raison qu’ils n’en savent rien. Un rapport de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) daté du second semestre 2017 reproche aux radicaux de l’opposition de n’avoir guèrre affecté des observateurs au processus d’enrôlement. Nul ne peut donc, en toute connaissance de cause, parler d’opérations d’enrôlement chez ces opposants qui en ont dédaigné le suivi.
Restriction contre éclatement des espaces de libertés
Contre le dispositif sécuritaire mis en place à Kinshasa et à travers le territoire national pour prévenir tout désordre social le député national Christophe Lutundula du MSDD, membre très actif du Rassop katumbiste, s’est emporté. Mais on peut rétorquer à cet unique élu de son parti politique depuis deux législatives (2006 et 2011), que dédaigner le lieu des débats politiques sur la nation qu’est l’Assemblée nationale au profit de la rue n’est en rien multiplicateur des espaces de libertés. Telles qu’elles se sont déroulées jusqu’ici en RD Congo, les manifestations publiques convoquées par l’opposition se sont invariablement terminées par des violences extrêmes, provoquant moult destruction de biens et morts d’hommes dans des affrontements délibérément provoqués par des gros bras des deux camps. La négation même de toute liberté, ainsi que l’explique au Maximum un politologue de l’Université de Kinshasa.
Chez les radicaux, on note de la panique, mais aussi des errements.
J.N.