Au terme du sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement tenu du vendredi 18 au samedi 19 août 2017 à Pretoria en Afrique du Sud, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Australe, très influente dans le dossier congolais depuis sa contribution déterminante au démantèlement de la rébellion du M23 en 2013, s’est prononcée sur le processus électoral en RD Congo. En demandant, notamment, à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) de publier le calendrier électoral. « Le sommet a noté qu’il ne serait peut-être pas possible de tenir des élections en décembre 2017, en raison d’un nombre de défis (…). En conséquence, le Sommet demande à la CENI de publier le calendrier électoral révisé », selon la déclaration de son président en exercice, le Sud Africain Jacob Zuma et les termes du communiqué final de la 37ème rencontre au sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’organisation sous-régionale.
En proie aux pressions des pays occidentaux et de l’opposition radicale katumbiste pour la tenue des mêmes élections d’ici quelque 5 mois au plus tard, en décembre prochain, le gouvernement de la RD Congo a plutôt bien accueilli cette prise de position, plutôt réaliste, de l’organisation sous-régionale africaine, après celle de l’Organisation Internationale de la Francophonie il y a quelques semaines. Présent au sommet de Pretoria le week-end dernier, le Premier ministre rd congolais UDPS Bruno Tshibala Nzenzhe n’a pas caché sa satisfaction : « Nous avons le soutien de la SADC pour qu’une autre date réaliste soit fixée. Au sujet de l’évaluation entre le gouvernement, le Conseil National de Suivi de l’Accord (CNSA) et la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), il s’agira de publier un calendrier électoral réaliste », a-t-il déclaré à la presse, ajoutant que son pays, la République Démocratique du Congo était « heureux d’avoir obtenu ce qu’il attendait de ce sommet ». Avant d’ajouter qu’un Envoyé spécial de cette organisation sous-régionale allait être désigné pour « nous accompagner vers les élections crédibles ».
Son de cloche identique, cela va de soi, de la part de Lambert Mende Omalanga, le ministre de la communication et Médias, porte-parole du Gouvernement d’union nationale mis en place en application de l’accord dit de la St Sylvestre. «Nous avons participé à cette réunion au plus haut niveau. De ce fait, nous nous considérons comme partie prenante de la position de la SADC. C’est tout à fait normal, car nous avions tous pris peu auparavant acte de la déclaration du président de la CENI quant à l’impossibilité pour elle d’organiser les élections en 2017(…) Mais nous attendons aussi cette réunion tripartite entre la CENI, le Gouvernement et le Conseil National de Suivi de l’Accord du 31 décembre 2016 (CNSA) pour évaluer ensemble les difficultés rencontrées par la centrale électorale, ainsi que le prévoit l’Accord de la Saint Sylvestre », a-t-il confié à des confrères en ligne.
L’opposition aux abois
En plus de la nomination dans les tous prochains jours d’un Envoyé spécial de la SADC en RD Congo, les Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’organisation sous-régionale ont réitéré leur volonté collective de promouvoir la paix et la stabilité en RDC, car il s’agit d’un précurseur de la croissance économique et du développement pour cette partie du continent africain, selon les termes du discours de clôture de Jacob Zuma, le Chef de l’Etat du pays hôte du sommet.
Nouveau calendrier électoral … promouvoir la paix et la stabilité, c’est le contre-pied parfait des projets casse-cou de certains pays occidentaux et de leurs affidés cléricaux ou de l’opposition extrémiste katumbiste qui ne dissimulent plus leur soutien à un schéma de bouleversement violent de l’ordre constitutionnel en vigueur qu’ils prônent de plus en plus ouvertement. Depuis quelques semaines, les discours favorables à l’organisation d’une « transition sans Joseph Kabila », au cas où les élections ne se tenaient pas à la fin du mois de décembre prochain, se multiplient dans leurs rangs. Le week-end dernier, à Chantilly à Paris, un manifeste dit de la société civile a été signé qui prône une telle période de transition, qualifiée de citoyenne tandis qu’à Kinshasa, Bart Ouvry, Représentant de l’Union européenne en RDC assistée d’une dame Lauren Kretz de l’Ambassade américaine et d’« experts » de l’ONG nord américaine NDI multiplient des conciliabules avec tout ce que Kinshasa compte de têtes brûlées pour faire monter la tension et au besoin, « faire tout sauter », selon les propos d’un jeune exalté stipendié qui a pris part à une de leurs messes basses.
Réaction de peu sagesse
Les conclusions du dernier sommet des Chefs d’Etat de la SADC ont donc été très mal perçues par quelques décideurs occidentaux et parmi les extrémistes de l’opposition congolaise qui piaffent d’impatience et rêvent d’en découdre, quitte à mettre ce pays de 80 millions d’habitants à feu et à sang ; mais pas seulement eux. En panne de repères politiques depuis plusieurs mois, l’UNC Vital Kamerhe est bruyamment et platement intervenu sur le sujet en se demandant si la SADC pouvait se permettre les mêmes propositions au Rwanda ! Ce à quoi un internaute bien renseigné a cru devoir rappeler au candidat malheureux à la présidentielle 2011 que ce pays voisin ne comptait pas parmi les membres de l’organisation sous-régionale et qu’on ne voyait pas pourquoi la SADC aurait à émettre un jugement sur un Etat qui n’en pas partie…
Chez les radicaux ou ceux qui se présentent comme tels, on a noté cette réaction de l’ex. UNC André Claudel Lubaya, pour qui les conclusions de Pretoria seraient contraires aux principes de l’Union Africaine. Mais, ainsi que le fait observer au Maximum un ancien cadre de la même UNC décidément tiraillée par une multitude de contradictions existentielles, « on peut douter que André Claudel Lubaya soit bien au fait des principes qui régissent l’Union Africaine ». D’autant plus que, au demeurant, l’ancien gouverneur de l’ex Kasai Occidental pour le compte du … PPRD n’indique pas quels « principes » de l’Union Africaine interdiraient à une organisation sous-régionale de se prononcer sur une situation préoccupante prévalant dans un de ses Etats-membres.
Le Mouvement de Libération du Congo (MLC) a lui aussi réagi à la position de la SADC sur le processus électoral rd congolais, qu’elle accuse de jeter le doute sur la mise en œuvre effective de l’accord du 31 décembre 2016 et d’appuyer « … les manœuvres dilatoires du pouvoir en place caractérisé par les velléités d’instaurer en RDC une dictature qui ne dit pas son nom … ». Mise en œuvre d’un accord déjà mis en œuvre ? En fait, le parti de Jean-Pierre Bemba attendait une mise en œuvre de l’accord qui aurait accordé à sa loquace secrétaire générale la présidence du Comité National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral (CNSA) alors que ce privilège, aux termes mêmes de l’accord signé au centre interdiocésain du 31 décembre 2016 revenait « expressis verbis » à un représentant du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (Rassop). C’est que le MLC présente comme un défaut de mise en œuvre. Un comble de mauvaise foi…
La constitution et l’accord ?
Reste l’aile radicale et katumbiste du Rassop. Le 21 août, Pierre Lumbi Okongo, le président de son conseil des sages s’en est pris avec des propos acides et bien peu diplomatiques au Chef de l’Etat sud-africain, Jacob Zuma, ainsi qu’à la SADC pour s’être prononcés sur les élections en RDC alors que celles-ci étaient « réglées » à son avis par la constitution et l’accord du 31 décembre 2016 entériné par la Résolution 2348 du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Pourtant, en battant campagne pour « une transition sans Joseph Kabila », Lumbi et ses amis katumbistes sont aux antipodes de la constitution congolaise qui ne prévoit aucune éventualité de vide institutionnelle pour cause de retard dans l’organisation du scrutin présidentiel…
Les réactions aux recommandations sont, en réalité, révélatrices de projets politiques sur l’avenir immédiat de la RD Congo : tenir des élections, quelle que soient leurs dates, pour assurer l’alternance politique ; ou ne pas les tenir mais faire partir « coûte que coûte » Joseph Kabila du pouvoir. La SADC, qui devrait être suivie en cela par l’Union Africaine sans nul doute, a opté pour la solution prescrite dans l’article 70 de la constitution rd congolaise, la seule qu’elle estime à même par ailleurs de pouvoir préserver la paix et la stabilité en RD Congo et dans la sous-région. Contrairement à une éviction « sans façons » du Chef de l’Etat en place, réélu en 2011, mais dont le dernier mandat constitutionnel est arrivé à son terme sans que la présidentielle n’ait pu se tenir. En insistant sur les concepts de la paix et de la stabilité dans la région, la SADC, qui a déjà prouvé jusqu’où elle peut aller dans ce domaine en constituant la fameuse brigade internationale qui a permis de mettre un terme à la rébellion du M23 en 2013, ne s’exprime sans doute pas en l’air. L’organisation sous régionale et sans doute aussi l’organisation continentale qui a déjà émis des sons de cloche hostiles à l’interventionnisme des occidentaux dans les affaires intérieures d’Etats Africains semble donc décidée à faire conséquemment face à la situation.
Financées à 6 %
La position des puissances occidentales sur l’évolution de la situation politique en RD Congo est, elle aussi, assez claire : pour les Européens, particulièrement les Belges et leurs alliés, Joseph Kabila doit partir, de préférence sans les élections. Le soutien apporté à l’opposition radicale en soutenant la tenue d’impossibles élections en décembre prochain en est la preuve. Une preuve supplémentaire a été livrée le 23 août 2017, mais ce n’était qu’un secret de polichinelle : les occidentaux ont refusé de financer les élections dont ils réclament pourtant à cor et à cris la tenue dans plus ou moins 5 mois. Selon une note diplomatique adressée à l’Union africaine par le ministère rd congolais des affaires étrangères, le gouvernement de la RD Congo finance entièrement et exclusivement le processus électoral. L’apport des fameux partenaires, principalement les puissances occidentales, est de… 6 %, exclusivement destiné aux organisations partenaires de la CENI dans les campagnes de vulgarisation, particulièrement.
Refuser de financer les élections tant que Joseph Kabila est aux affaires, car c’est de cela qu’il s’agit, c’est interférer dans le cours politique en RD Congo. Le constat est amer, mais il s’impose tel quel : les occidentaux n’ont donc jamais apporté leur soutien à un processus électoral que selon la tête de probables vainqueurs desdites élections. Il appert de plus en plus clairement que l’objectif poursuivi par leurs promesses mielleuses de soutien aux processus électoraux dans le continent, ce n’est pas la démocratisation des Etats Africains. Les élections soutenues ou à soutenir par les puissances occidentales en Afrique n’ont, somme toute, rien de démocratiques.
J.N.