48 heures avant une tentative de manifestation publique contre le processus électoral organisée par la Lucha, une organisation présentée comme « citoyenne » financée par des lobbys occidentaux sponsorisés par le milliardaire américain d’origine hongroise, Georges Soros, Pierre Lumbi Okongo et Félix Tshilombo Tshisekedi se sont bruyamment enregistrés au rôle des électeurs à Kinshasa le 29 juillet 2017. Lumbi, président du conseil des sages du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (RasOp) aile Limete a accompli ce qu’il a présenté comme un devoir civique et patriotique au complexe scolaire Les Loupiots, non loin de la Place Kintambo Magasin. Accompagné de quelques sympathisants, pour faire comme tout le monde, et de représentants de la presse, pour que nul n’en ignore. Son alter ego, Tshilombo Tshisekedi, a quant à lui dédaigné son fief électoral de Mbujimayi (Kasaï Oriental) au profit du collège Bosembo à Ndjili dans le district populeux de la Tshangu où il a bloqué la circulation sur le boulevard Lumumba, obligeant des dizaines d’automobilistes empruntant cet artère très fréquenté de la capitale à se faire photographier comme faisant partie du cortège l’accompagnant…
Mais dans l’opinion nationale en RD Congo, les gestes « citoyens » des deux dirigeants de l’aile du Rassemblement cornaquée par Moïse Katumbi le week-end dernier sont perçus comme de la poudre aux yeux destinée à ne pas contrarier les nombreux Congolais qui comptent sur les prochaines élections pour décider du sort de leur pays. La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) les chiffrait alors à quelques 35 millions d’électeurs inscrits sur les 42 millions attendus. Impossible de ne pas en tenir compte pour un acteur politique normalement constitué. Pourtant, les élections pour lesquelles se sont enrôlés Pierre Lumbi et Félix Tshilombo Tshisekedi ne sont pas celles que prépare la CENI, à l’évidence.
Mascarade
Samedi 29 juillet à Kinshasa, le duo qui dirige le RasOp/Limete ne s’en est pas caché parce qu’il a appelé à la convocation de l’électorat en septembre prochain pour des élections à tenir impérativement fin décembre 2017. Tout en invitant les kinois à remplir leurs devoirs civique et patriotique, Pierre Lumbi Okongo a indiqué que pour lui « … cet enrôlement, c’est le signe que nous nous engageons résolument pour les élections et les élections avant décembre 2017 ». Même son de cloche chez Félix Tshilombo Tshisekedi qui a appelé les Congolais à l’unité et à la détermination pour la tenue des élections cette année « coûte que coûte ». C’est un appel à la mobilisation certes, mais pour tout autre chose que des élections qui, pratiquement ne peuvent plus se tenir en 2017, même si le processus de révision du fichier électoral, mis en œuvre à 85 %, peut lui, se terminer avant cette échéance.
Les deux leaders qui trônent à la tête du Rassemblement des katumbistes se seront donc livrés à une mascarade de plus, aux yeux d’un grand nombre d’observateurs, surtout de ceux qui se souviennent que les opposants « radicaux » rd congolais, qui ne se sont pas préoccupés outre mesure de suivre les opérations d’enrôlement par leurs observateurs, ne comptent nullement sur des voies électorales pour accéder au pouvoir. Un rapport on ne peut plus objectif puisqu’il est le fait de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), l’a révélé fin avril dernier. « Ils attendaient le moindre couac dans le processus en cours de révision du fichier électoral, qui n’est pas encore advenu. C’est pour cela qu’ils sont obligés de s’enrôler pour faire bonne figure », commente, désabusé, un membre de l’autre RasOp, celui dit de Kasavubu, qui est aussi partie prenante au processus en cours et au gouvernement d’union nationale depuis la fin du dialogue du Centre catholique interdiocésain.
Mobilisation contre les élections
Le RasOp/Limete s’enrôle donc plutôt pour mobiliser contre les élections à venir, ainsi qu’il ressort de son second conclave tenu à Kinshasa du 21 au 22 juillet dernier. Pour préparer une contre-offensive contre le processus électoral, à en juger par le rapport d’une quinzaine de pages lu au terme des travaux. Les enrôlés du week-end dernier ne sont autres que ceux qui, il y a donc seulement 2 semaines proclamaient leur soutien aux manifestations des mouvements dits « citoyens » généreusement financés par les réseaux Soros comme la Lucha contre la CENI. Les mêmes manifestations appelant à la tenue d’élections à une échéance intenable, prévues pour se dérouler dans plusieurs villes et agglomérations du pays, qui ont été mises en échec lundi 1er août 2017 par les forces de l’ordre. Non sans quelque réussite, malgré le soutien que le G7 Moïse Katumbi et l’UNC de Vital Kamerhe lui ont apporté. Pas de morts ni de blessés susceptibles de mobiliser la bienpensance européenne qui attendait le couteau entre les dents. Seulement quelques arrestations administratives justifiées par le fait que les organisateurs avaient délibérément écarté toute idée d’une synergie légalement obligatoire avec les autorités locales et la police : «17 manifestants interpellés à Kinshasa, 11 à Butembo et une quarantaine à Goma. A Bukavu, il y a juste eu des membres de Lucha qui passaient de maison en maison pour appeler les commerçants et autres artisans à fermer boutique et à le rejoindre afin d’arriver au niveau de la place de l’Indépendance, voilà pourquoi la police a fait usage de gaz lacrymogène. Mais il n’y a pas eu de mort d’hommes », a déclaré le Colonel Mwanamputu, le porte-parole de la Police Nationale Congolaise cité par la presse lundi dernier.
Un conclave révélateur
Le chronogramme d’actions des deux enrôlés du week-end dernier à la Tshangu et à la Gombe ne prévoit pas non plus le moindre soutien aux activités de la centrale électorale, même pas en faveur de l’accélération des opérations d’enrôlement annoncées pour bientôt dans les provinces kasaïennes dont Félix Tshilombo Tshisekedi, est pourtant originaire et élu (circonscription de Mbujimayi au Kasai Oriental). Pour le mois d’août, ce sont plutôt des journées « villes-mortes » qui sont projetées. Pour des raisons inavouées « puisqu’on ne voit pas bien ce que l’accélération du processus électoral en cours y gagnerait », ainsi que commente l’interlocuteur du Maximum.
Même parmi les opposants radicaux proche du duo Lumbi-Tshisekedi, la pilule passe mal. Le fin mot du plan de prise de pouvoir dicté depuis son exil doré en Europe par Moïse Katumbi a été révélé par Félix Tshisekedi il y a quelques semaines. Il consiste en l’organisation d’une transition sans Joseph Kabila : « Nous désignerons par consensus une personnalité comme président de la transition (…) mais qui ne peut être candidat à la présidentielle pour conduire le pays aux élections crédibles », avait-il déclaré à la presse quelques jours avant le dernier conclave des radicaux. Pierre Lumbi et Félix Tshilombo, c’est pour une période de transition excluant du jeu politique la famille politique qui a gagné les suffrages de 2011 et dont rien n’indique qu’elle se laissera faire comme un mouton conduit à l’abattoir qu’ils se sont enrôlés si bruyamment. Pas pour des élections démocratiques.
J.N.