La désignation samedi 22 juillet dernier au Palais du Peuple, par consensus, de Joseph Olenghankoy Mukundji en qualité de président du Comité National de Suivi de l’Accord et du Processus électoral (CNSA), a provoqué une levée de boucliers. Diverses sources au sein du Rassemblement de l’opposition auquel appartient pourtant l’enfant terrible de l’opposition radicale tshisekediste ont embouché aussitôt les trompettes pour contester sa désignation par l’aile « de Kasavubu » du RasOp. Bien que proche, voire très proche du défunt Etienne Tshisekedi wa Mulumba, les hértiers « naturel » du gourou disparu de l’opposition congolaise dénient à ce muetetela de Lubefu le droit de chapeauter la nouvelle institution d’appui à la démocratie dont on attend qu’elle veille à l’application de l’accord conclu fin décembre dernier au centre interdiocésain de Kinshasa et la conduite à bon port du processus électoral.
Une ruée sur les brancards d’autant plus curieuse que ce ne sont pas tant les capacités intrinsèques du patron des FONUS (Forces Novatrices de l’Union Sacrée) à s’acquitter des tâches requises pour mener à bien les missions confiées au CNSA qui font problème. Non.
Directoire collégial
Dans le bureau composé de 5 personnes qu’il dirigera, Joseph Olenghankoy est entouré de personnalités représentant toutes les sensibilités politiques parties prenantes au dialogue dit de la Saint Sylvestre, signé le 31 décembre dernier sous la houlette des évêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO). Trois vice-présidents issus respectivement de la majorité présidentielle (MP), de l’opposition signataire de l’accord de la cité de l’OUA et du Front pour la défense de la constitution qui s’est constitué autour du Mouvement de Libération du Congo (MLC) sont accolés au président du CNSA, selon l’arrangement particulier convenu entre lesdites parties prenantes. Les postes de rapporteur et de questeur étant réservés aux tendances en présence de la « société civile », la société civile signataire de l’accord de la cité de l’OUA et la société civile signataire de l’accord de la Saint Sylvestre. « C’est un schéma classique dans l’histoire politique de la RDC : tout le monde surveille tout le monde », commente ce politologue de l’Université de Kinshasa. Mais cela ne suffit pas, à en juger par certaines réactions courroucées et parfois irrationnelles enregistrées dans l’affaire de la désignation de Joseph Olenghankoy à la tête du CNSA depuis près d’une semaine.
Certes, l’opinion s’y attendait, les radicaux de l’autre aile des forces politiques et sociales acquises au changement, celle de Limete, que coache le tandem Pierre Lumbi-Félix Tshisekedi pour le compte de Moïse Katumbi se sont véhémentement déclarés « non concernés » par la constitution du bureau du CNSA. Ils avaient déjà annoncé les couleurs longtemps avant, en refusant obstinément de soumettre une liste de candidats premiers ministres au président de la République. Rien de neuf sous les cieux du côté de Limete donc, où l’on préfère exercer de bruyantes pressions sur le président Joseph Kabila afin de le pousser à convoquer un nouveau round de partage du pouvoir. C’est ce qui se cache derrière les appels pathétiques à des manifestations publiques et à la désobéissance civile. Une recette connue.
Contestations partiales
La surprise vient plutôt des signataires de l’accord et de l’arrangement particulier qui lui est pendant, mais qui ont bruyamment décliné l’offre de siéger au bureau du CNSA comme l’UDPS/Limete dès lors que leur champion, Tshisekedi junior, a raté le strapontin de Premier ministre ou le Front pour la défense de la constitution emmené par le MLC de Jean-Pierre Bemba dont la Secrétaire générale Eve Bazaïba ne se console pas de n’avoir pas été gratifiée du poste de Présidente du CNSA. Ou encore, certains sociétaires de l’opposition signataire de l’accord de la cité de l’OUA représentés par Vital Kamerhe et son UNC qui ambitionnait aussi la direction de la nouvelle institution citoyenne. « Pourtant les revendications du MLC et de l’UNC vont à l’encontre le bon sens le plus élémentaire, la présidence de la nouvelle institution d’appui à la démocratie car elles méconnaissent qu’ils avaient eux-mêmes signé en bonne et due forme l’arrangement particulier confiant la présidence du CNSA par un consensus jamais contesté à ce jour, au seul Rassemblement de l’Opposition », s’étonne le professeur Adolphe Lumanu, vice-président de l’institution pour le compte de la majorité présidentielle. « Cela équivaut à renier sans consensus toute l’architecture de partage de pouvoir laborieusement échafaudée tout au long du dialogue du Centre interdiocésain de Kinshasa », explique, un peu déçu, un diplomate africain qui suit de près les affaires congolaises.
La réaction de Vital Kamerhe à la désignation de Joseph Olenghankoy à la présidence du CNSA paraît, plus que toutes les autres, très peu conséquente. L’ancien speaker de l’Assemblée nationale pour le compte du PPRD retourne une nouvelle fois sa veste après avoir lancé moult appels à « sauver la maison Congo » par la tenue des élections, dont il s’était le fait le chantre au dialogue de la cité de l’OUA. Pire, l’UNC ne renie que la partie de la mise en œuvre de l’accord du 31 décembre dernier qui prive son patron de la présidence du CNSA. Mais pas celle qui lui accorde quelques strapontins ministériels juteux au gouvernement d’union nationale dirigé par … le 1er ministre désigné par le même Joseph Olenghankoy dont elle remet en cause la « légitimité ». Surprenante aussi paraît la réaction d’un autre membre du gouvernement Bruno Tshibala, le ministre en charge du Développement Rural Justin Bitakwira, qui a choisi de voler au secours de son ancien président de parti. Solidarité entre Sud Kivutiens ? L’éloquent élu d’Uvira a expliqué à nos confrères de Top Congo FM que Vital Kamerhe est le successeur « logique » d’Etienne Tshisekedi à la présidence du CNSA. Parce qu’il était arrivé troisième après Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi lors de la dernière élection présidentielle tenue en 2011.
Logique différente
Successeur logique ? Peut-être, mais pas dans l’esprit des concertations et de l’accord de la Saint Sylvestre que les uns et les autres renient partialement, au gré de leurs intérêts et de leurs humeurs. Parce qu’il faut encore ranger parmi les contestataires Jean-Pierre Lisanga Bonganga, ci-devant ministre d’Etat du gouvernement Tshibala en charge des Relations avec le Parlement. Lisanga qui trônait depuis quelques semaines à la tête d’une petite mais fort bruyante coalition de l’opposition, la Coalition des Amis de Tshisekedi (CAT), à laquelle il doit d’avoir pu se tailler une place au sein de l’exécutif national. Mais rien n’y fait : lui aussi ne veut pas de l’homme qui l’a désigné pour entrer au gouvernement d’union nationale à la tête du CNSA ! Etonnante opposition congolaise…
Le CNSA ayant été conçu pour prévenir tout blocage du processus qui doit mener aux élections et donc à l’alternance pacifique au pouvoir, bloquer sa mise en œuvre équivaut à… compromettre le processus électoral. Derrière la contestation de la désignation de Joseph Olenghankoy, et de toutes les autres désignations potentielles, puisqu’elles subiront, à n’en pas douter, des contestations analogues, se cache donc plus que les politiques ne peuvent l’avouer. C’est paradoxalement, Joseph Kabila, l’homme qui tient les clés de la consolidation des conditions pour la tenue effective de ces scrutins électoraux que les uns et les autres veulent ainsi bloquer ou coincer. C’est Kabila que, volontairement ou inconsciemment, les uns et les autres freinent avant qu’il ne puisse expédier tout ce beau monde devant les urnes.
J.N.