Le budget 2017 prévoit accorde 5.419.562.038 FC au ministère des Hydrocarbures, contre 10.709.607.894 FC en 2016. Il se dégage ainsi une régression de près de 50% entre les deux exercices.
Avis d’experts, la gestion de Ngoie Mukena n’aurait guère été encourageante en 2016. Le ministère des Hydrocarbures a utilisé 95,8% de son budget pour les rémunérations, contre 2,7% pour les investissements dans le secteur. En clair, c’est tout le contraire des dépenses qui a été effectuée l’an dernier. Selon les directives du gouvernement reprises dans le projet de loi des finances rectificative 2016, 81.7% des crédits alloués aux Hydrocarbures auraient dû servir aux investissements sur ressources propres de l’Etat, 16% au fonctionnement du ministère et 2.3% aux rémunérations.
Par ailleurs, en 2016, quelque 190 millions de FC avaient été décaissés pour un début d’exécution des travaux de dégazage du lac Kivu, dans le golfe de Kabuno, et l’élaboration de la cartographie des blocs d’exploration pétrolière des bassins sédimentaires.
Quelque 500 millions de FC ont encore été prévus en 2017 dans le budget du ministère des Hydrocarbures pour le même travail. «Ces prévisions de 500.000. 000 FC ne paraissent pas être soutenues par des études techniques et financières préalables», a fait remarquer la mouvance de la société civile dans son rapport sur l’analyse du projet de loi de finances 2017, sous la coordination du Réseau gouvernance économique et démocratie, REGED. La société civile note une certaine équivocité de l’Etat sur la gestion du gaz du lac Kivu. Alors qu’il finance à fort prix l’opération du dégazage, l’Etat r-dcongolais se lance également dans l’exploitation du gaz méthane.
Conflits d’intérêts.
Début juin 2017, le ministre des Hydrocarbures, Ngoie Mukena, attribue, par sa lettre-décision n°001/PPP/ M. Gaz.Elec/CGMP/Min-Hydro/2017, le marché d’exploitation du gaz du lac Kivu au consortium Engineering Procurement & Project Management, EPPM, et Swede Energy DRC Transcentury Limited. Le ministre a dit se fonder sur l’ordonnance de la Cour suprême de Justice n° RA 1553 du 15 mars 2017, qui rejette le recours de la société Kivu Lake Energy corporation, KLEC, sur l’attribution provisoire du marché relatif au recrutement d’une société d’exploitation du gaz méthane du lac Kivu en vue de la production de l’électricité.
En outre, le 22 mai 2017, la DGCMP, Direction générale de contrôle des marchés publics, lui avait accordé un avis de non-objection dans sa lettre n° 0346/DGCMP/DG/DRE/D4/BNJ/2017, sur son rapport de réévaluation combinée. L’on se souviendra qu’au départ EPPM, présentée comme une entreprise tunisienne, avait remporté seul le dit marché. Aussitôt contesté par les autres soumissionnaires en 2014. Il sied de rappeler qu’après avoir été débouté à la Cour suprême de justice, mi-mars 2017, la firme KLEC a porté plainte contre l’Etat congolais devant la cour arbitrale de Paris.
Financements extérieurs.
Par ailleurs, la Hollande finance à hauteur de 8 millions d’euros le projet mitoyen entre le RDC et le Rwanda des recherches en vue de l’exploitation du gaz du lac Kivu. Le projet tire sur deux ans. Mais il n’a jamais été repris du côté r-dcongolais dans les programmes d’action du ministère des Hydrocarbures. Fort probable, parce que l’argent est géré par le Rwanda, a indiqué le 10 mars 2017 à la presse, M. Katchokarume, directeur général de l’Observatoire volcanologique de Goma. La RDC et le Rwanda ont, en effet, signé le vendredi 10 mars à Gisenyi l’acte fondateur dudit projet mitoyen. M. Katchokarume a non seulement regretté à demi-mots le leadership laissé au Rwanda sur ce projet mais aussi le retard que connait la RDC par rapport à son petit voisin dans l’exploitation du gaz méthane dans le lac Kivu. La Rwanda produit déjà l’électricité à partir du gaz du lac, quelque 25 MW, partant d’une plateforme installée à 13 Km de sa rive. Le DG de l’Observatoire volcanologique de Goma souhaite que « le gouvernement congolais lance un appel d’offre pour voir s’il y a des entreprises qui pourront venir monter les plateformes pour l’exploitation du gaz méthane dans le lac Kivu ».
Rwandais et Américains lancent Kivuwatt.
Après plusieurs tentatives de projets mitoyens, dont la Socigaz, le Rwanda a visiblement décidé de faire cavalier seul, s’il le faut, et non sans succès. Le pays des mille collines a inauguré le 16 mai 2016 la centrale KivuWatt de l’entreprise américaine Contour Global, d’une capacité de 26 MW. De l’avis des experts, à ce jour, le projet est une installation unique au monde qui transforme une potentielle menace mortelle en une source d’énergie et doit à terme augmenter de plus de 60 % la capacité de production d’électricité du pays.
Kivuwatt est, en fait, une centrale électrique située sur les rives du lac Kivu à Kibuye, petite ville de l’ouest du Rwanda, et sur une plateforme qui flotte sur le lac à 13 km de la rive. Cette plateforme pompe à plus de 300 mètres de profondeur de l’eau à forte concentration en gaz méthane et en dioxyde de carbone. Le méthane est ensuite isolé puis acheminé vers la centrale qui le transforme alors en électricité.
Sept ans d’efforts ont été nécessaires à ce projet. Et 200 millions de dollars issus de capitaux privés, mais aussi de prêts d’institutions internationales d’aide publique au développement, dont la Banque africaine de développement (BAD). ContourGlobal prévoit désormais de construire au moins deux autres plateformes afin d’augmenter la capacité de l’installation à environ 100 MW. Outre la manne économique, le pompage du méthane permet aussi sur le long terme de faire baisser la concentration en gaz du lac et ainsi d’éviter, selon les spécialistes, une potentielle brusque remontée à la surface d’une grande quantité de CO2 et de méthane. Une catastrophe qui pourrait mettre en péril la vie des quelque deux millions de riverains du lac Kivu. Côté rdcongolais, il va falloir attendre encore un peu plus longtemps.
POLD LEVI