Tous les péchés ont été suspendus sur la tête du président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), Corneille Nangaa Yobeluo, depuis un peu plus d’une semaine. Au cours d’une réunion des envoyés spéciaux des Etats et organisations internationales partenaires au processus électoral, organisée par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) le 7 juillet 2017 à Paris, le patron de la centrale électorale rd congolaise a fait état de l’impossibilité pour la centrale électorale qu’il préside d’organiser les trois élections recommandées par l’Accord politique du 31 décembre 2016 avant la fin de l’année 2017. Une information livrée aux délégations de la Belgique, de la Suède, de la France, de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas, de l’Allemagne, des Etats-Unis, de l’Angola, de l’Afrique du Sud, des Nations-Unies et de l’Union Européenne. En vue de faire le point « … sur les principales recommandations formulées dans le rapport de la mission d’évaluation électorale de l’OIF déployée du 30 avril au 14 mai 2017 », selon le communiqué rendu public par l’organisation internationale le même jour. Mais aussi, « … poursuivre les échanges avec la communauté internationale sur le processus électoral en y associant les autorités congolaise, qui ont une responsabilité majeure pour la tenue d’élections libres, fiables, inclusives et transparentes … ». Ce faisant, Corneille Nangaa a soulevé plus qu’un tollé dans son pays où certains acteurs politiques, ceux de l’opposition dite radicale particulièrement qui, juchés sur leurs grands chevaux, crient à l’usurpation, voire, à la trahison. Et de leurs malles à imprécations, sortent des tonnes de jérémiades qui, manifestement, attendaient la plus petite occasion pour être mis en branle.
Transition sans Kabila
Les plus engagés d’entre ces acteurs politiques friands de raccourcis pour capturer le pouvoir d’Etat en RD Congo appellent, purement et simplement, au départ du pouvoir du Président de la République élu en 2011, et à l’organisation d’une transition de 6 mois dont les objectifs s’avèrent aussi flous que le vaste trou noir dans lequel s’enfoncerait la RD Congo au cas où une telle éventualité adviendrait. C’est en substance ce que Félix Tshilombo Tshisekedi, le fils de l’opposant historique rd congolais décédé début février dernier à Bruxelles, réclame ‘urbi et orbi’ depuis mardi 11 juillet courant. Après d’autres extrémistes de la même obédience, comme l’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe. Ou encore le collectionneur d’œuvres d’art et beau-fils du futur ex-chef de l’Etat angolais, Sindika Dokolo.
Dans la foulée de ces réactions « épidermiques », selon l’expression de ce diplomate africain accrédité en RD Congo, ont été entendues des déclarations aussi inattendues que celle de Mgr Fridolin Ambongo, l’archevêque catholique de Mbandaka Bikoro également vice-président de la Conférence Nationale Episcopale du Congo (CENCO). Lundi 10 juillet 2017, Ambongo a dit son « étonnement » de voir Corneille Nangaa faire cette déclaration avant de s’être concerté avec les organes compétents, à savoir le Conseil national de suivi de de l’accord du 31 décembre 2016, qui n’a pas encore été constitué, et le gouvernement. Mais aussi, sa crainte de voir la CENI se substituer audit Comité National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral (CNSA). « … Ce que nous attendons pour le moment du président de la CENI, ce n’est pas qu’il nous dise que les élections n’auront pas lieu d’ici la fin de l’année. Mais qu’il nous dise plutôt ou est-ce qu’il en est avec l’enrôlement. C’est ce que le peuple congolais attend de lui. Il devrait plutôt nous le dire ça car selon son programme, il est censé terminer au mois de juillet. Et nous sommes au mois de juillet, il aurait dû nous parler de l’étape suivante après la fin de l’enrôlement », a déclaré le prélat au cours d’un entretien avec nos confrères de Politico.cd.
Méprise ou mauvaise foi ?
« … Qu’il nous dise plutôt ou est-ce qu’il en est avec l’enrôlement … » : ci-gît la méprise ou la mauvaise foi, c’est selon. Parce que depuis le lancement des opérations de révision du fichier électoral fin juillet 2016 à Gbadolite, dans la province du Nord Ubangi, la centrale électorale communique en temps réel sur l’évolution de la situation. Suffisamment, parce que plusieurs jours avant la déclaration reprochée au président de l’administration électorale, l’opinion savait le cap de 32 millions d’électeurs dépassé. Mais aussi, que l’insécurité dans deux provinces kasaïennes, le Kasaï et le Kasaï Central, retardait considérablement la poursuite de l’enrôlement. Et, sans doute aussi, parce que cela tombe sous le bon sens, la clôture des opérations d’ici deux semaines. « Il peut paraître encore plus curieux que l’évêque de Mbandaka prétende que l’opinion congolaise n’est pas informée de l’évolution des opérations d’enrôlement », fait observer au Maximum un pasteur d’une église indépendante kinoise, non sans quelque pertinence. Il ne s’agit donc pas d’un simple problème de communication à l’opinion, mais plutôt de la prétendue « usurpation » de pouvoirs déplorée aussi bien par des acteurs politiques qui se recrutent dans les rangs de l’opposition radicale et parmi les princes de l’église catholique romaine en RD Congo. Dans un communiqué, mercredi 12 juillet 2017, le Mouvement pour le Renouveau Social (MSR) de Pierre Lumbi accusait bruyamment le président de la CENI d’avoir décidé du report des élections prévues fin 2017. Ce en quoi ce président du conseil des sages du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement et à Moïse Katumbi s’enfonce encore plus loin dans la méprise. Et verse dans la mauvaise foi comme nombre de ses semblables chez les radicaux de l’opposition. Parce que la rencontre de Paris sous les auspices de l’OIF n’était pas une instance de prise de décision, ainsi que l’atteste le communiqué publié à cet effet : il s’agissait d’« …examiner l’état de la situation politique en RDC, notamment, les questions prioritaires relatives aux élections, auxquelles il faudrait accorder la plus grande attention dans l’intérêt de l’apaisement de la vie politique et de la conduite du processus électoral dans des conditions de transparence et d’inclusivité, garantes de sa crédibilité », peut-on lire dans ce texte. Attribuer quelque décision de report que ce soit au patron de l’administration électorale en cette circonstance paraît donc plus qu’exagéré et comme un véritable procès d’intention.
Fallait-il mentir à l’OIF ?
De même qu’il n’y a pas lieu de reprocher à Corneille Nangaa d’avoir fait rapport aux partenaires internationaux de son institution dans l’organisation du processus électoral en RD Congo de l’évolution de la situation sur le terrain à cet égard. Parce qu’il ne pouvait en être autrement : la mise en œuvre du processus électoral s’effectue en étroite collaboration avec ces partenaires dont l’apport est conditionné par la transparence dans la conduite des opérations électorales. « La tenue de cette réunion a permis à la Francophonie de réaffirmer son rôle aux côtés d’autres partenaires, dans la recherche de solutions à la crise politique qui secoue la RDC ainsi que son engagement à poursuivre son appui au processus électoral en cours dans cet Etat membre », lit-on encore dans ce communiqué auquel tous évitent de faire allusion. « Les réactions «épidermiques » contre le président de la CENI semblent donc ignorer les obligations qui lient la centrale électorale aux partenaires internationaux dont on attend soutien et accompagnement pour s’assurer de la bonne fin du processus électoral.
Une telle ignorance, si c’en est une, peut être compréhensive de la part de l’opinion publique. Pas d’acteurs politiques et de princes de l’église catholique.
J.N.