La dernière sortie de la CENCO rappelle aux fidèles de l’Eglise catholique romaine de RDC l’histoire contée par l’apôtre Jean (Chapitre 8, du premier au onzième verset). Elle concerne une femme adultère que les scribes et les pharisiens amenèrent à Jésus pour entendre ce dernier la condamner à la lapidation conformément à la loi de Moïse. Il s’agissait d’une astuce des scribes et pharisiens pour mieux charger le prédicateur réformateur de Nazareth, qui pour toute réponse se contenta de cette phrase : « que celui de vous qui est sans pêché jette le premier la pierre contre elle ». Et Jean l’Evangéliste d’observer que lorsque les scribes et les pharisiens entendirent la réponse de Jésus, « accusés pas leur conscience, ils se retirèrent un à un, depuis les plus âgés jusqu’aux derniers ». Et Jésus resta seul avec la femme libérée de la cohue pour laquelle il aura cette exhortation pleine de mansuétude : « va, et ne pêche plus ».
Des évêques pharisiens
L’anecdote de l’évangile de Saint Jean permet d’apprécier à sa juste valeur l’hypocrisie des Evêques catholiques congolais qui les conduit à s’empêtrer dans des contradictions auxquelles l’Eglise Catholique, religion héritée de nos anciens colonisateurs belges, nous aura habitué, surtout au moment où d’aucuns espéraient à un sursaut patriotique des prélats catholiques, à l’opposé des méthodes traditionnelles de leurs prédécesseurs de l’ère coloniale.
Tout est dans le titre du message de l’Assemblée plénière ordinaire de la CENCO, rendu public le 23 Juin dernier : « Le Pays va très mal. Debout congolais ! Décembre 2017 approche ». Le ton est celui de l’appel à des affrontements fratricides entre Congolais, à l’instar de celui lancé par l’aile katumbiste de l’opposition radicale incarnée par Félix Tshisekedi, qui promettait sur les antennes de TV5 une eschatologie du grand soir en décembre prochain. Tout est clair, à présent. Au lieu de prêcher l’espérance d’une vie meilleure, les Evêques semblent avoir pris fait et cause pour les extrémistes de l’opposition à qui ils recommandent de ne « céder ni à la peur ni au fatalisme » en tant qu’ « ambassadeurs du Christ… dans le monde de la politique ». Sur la sellette, « une minorité de concitoyens ayant décidé de prendre en otage la vie de millions de congolais ». C’est le régime au pouvoir qui est directement visé comme si les actuels animateurs des institutions n’avaient jamais été portés au pouvoir par des élections en 2011 et que l’opposition à la rescousse de laquelle se portent les calottes sacrées était constituée d’enfants de chœur ayant déjà conquis démocratiquement un pouvoir que Joseph Kabila lui refuse d’exercer.
Ceux qui ont situé le dernier message de la CENCO au milieu du village, en évoquant « une position mi-figue mi-raisin », devraient davantage mesurer la violence et la charge émotionnelle des éléments de langage utilisés qui sont, à n’en point douter, un relais des discours incendiaires que crachent quotidiennement les extrémistes de l’opposition qui ne comptent que sur le chaos pour se donner une chance de ramasser la magistrature suprême. Avec le même cynisme que les adeptes de l’opposition de la terre brûlée du G7, les évêques catholiques congolais mettent en demeure la CENI qu’ils somment d’« organiser les élections avant décembre 2017 conformément à l’accord de la Saint Sylvestre ».
Question : pourquoi appeler les congolais à un mouvement insurrectionnel avant fin décembre 2017 si l’insistance de certains à exiger la tenue des élections n’était pas un piège grossier ? A l’analyse, les évêques comprennent mieux que quiconque que la meilleure organisation des élections à laquelle s’affaire la CENI risque de ne rendre possible la tenue effective des élections fiables qu’au-delà de cette date fatidique, compte tenu notamment des problèmes d’insécurité observés dans l’espace kasaïen. Il va de soi que les princes de l’Eglise catholique souscrivent à une logique consistant à hypothéquer ce délai raisonnable en dissolvant le cas échéant tous les efforts consentis par la centrale électorale dans des violences généralisées qu’ils semblent appeler de leurs vœux au mois de décembre prochain sans se voiler la face. Le but est de permettre en définitive à leurs poulains, les mêmes que ceux soutenus par un quarteron de néolibéraux belges (l’histoire se répète) dont on sait qu’ils ne peuvent pas objectivement rafler la majorité des suffrages, d’être catapultés au sommet de l’Etat même par des voies nous démocratiques.
Des signes qui ne trompent pas
L’arrimage de la CENCO aux thèses de l’opposition la plus extrémiste à Joseph Kabila est devenu un secret de Polichinelle. Ce dernier, fils de Laurent Désiré Kabila, semble être résolu à marcher sur les traces et de son géniteur et de Patrice Emery Lumumba, qui avaient eu tous les deux eu à un moment ou à un autre un os à peler avec des représentants de l’Eglise Catholique en RDC qui, embrigadés dans l’offensive des nostalgiques de la colonisation pour la reconquête du Congo, reprochaient à ces Héros Nationaux d’avoir commis le péché de revendiquer davantage de souveraineté pour l’ex-Congo belge. On sait que le défunt Cardinal Joseph-Albert Malula, premier évêque noir congolais, s’était opposé à l’exigence de l’indépendante immédiate en 1960. Il prônait plutôt la mise en œuvre du plan Van Bilsen, du nom d’un universitaire belge qui estimait qu’il fallait maintenir la colonisation du Congo jusqu’en 1985 comme en témoigne le « Manifeste de la conscience africaine » publié sous les auspices du prélat congolais en 1956. Depuis, entre l’Eglise et les lumumbistes, ça n’a jamais été le grand amour ainsi que l’atteste la diabolisation du leader indépendantiste et premier Premier Ministre du Congo indépendant, Patrice Lumumba, par la hiérarchie de l’Eglise catholique locale qui justifia – on l’oublie souvent – sa mise à mort sans aucune forme de procès. « Lumumba est un communiste, disait le prélat dans ses sermons, imité par nombre de curés disséminés à travers le territoire congolais. Sa victoire sera un grand malheur pour le peuple congolais car avec le communisme, tous vos biens et même vos femmes cesseront d’être vôtres et seront à la disposition de tout le monde, ce qui est une abomination ». En réalité, la hiérarchie de l’Eglise catholique en voulait à Patrice Lumumba de militer en faveur d’un ordre nouveau, celui du Congo indépendant qui allait porter atteinte à des privilèges dont jouissait notamment cette confession religieuse arcboutée à la trilogie Administration coloniale – Sociétés à charte – Eglise catholique qui tenait le Congo-Belge sous une chape de plomb. Cette vieille rancune des hiérarques catholiques contre les lumumbistes resurgit depuis lors épisodiquement à chaque consultation électorale. Ainsi en a-t-il été lorsque le Cardinal Frédéric Etsou, successeur de Malula, contesta, sur son lit de mort en Belgique et sur base de données purement imaginaires la victoire de Joseph Kabila à l’élection présidentielle de 2006. Il sera imité cinq ans après par Laurent Monsengwo Pasinya, le troisième congolais à étrenner la pourpre cardinalice, qui ne dissimulera pas sa préférence pour Etienne Tshisekedi wa Mulumba, le candidat de l’Udps à la présidentielle de 2011 et qu’il proclama « élu » en lieu et place de la CENI…
Diagnostic erroné
Les pères évêques congolais se comportent en l’espèce comme ces scribes et pharisiens de l’Evangile de Saint Jean qui pensaient pouvoir rendre la femme adultère responsable de tous les péchés d’Israël devant le Christ. Même s’ils n’ont pas complètement tort, les causes de la crise congolaise et de la non-organisation à temps des élections dans ce pays sont multiples et plus complexes que ne laisse transparaître leur dernier message.
La crise congolaise est aussi multiforme que lointaine. Elle est à la fois morale, spirituelle, culturelle, économique et diplomatique (relations avec les puissances étrangères régionales et non africaines) avant d’être intrinsèquement politique. A y regarder de près, s’il pleut abondamment dans la ville, c’est parce qu’il pleuvine sans discontinuer au couvent. La corrosion des valeurs morales à laquelle on assiste dans notre société a beaucoup à voir avec la décrépitude morale de la principale confession religieuse congolaise dont les évêques ont la charge. Le pays va « très mal » entre autres causes parce que son Eglise Catholique va très mal. Elle se vide au jour le jour de ses fidèles à cause des scandales à répétition du clergé qui les dégoûte en se vautrant de plus en plus dans la mégestion, l’immoralité et la corruption la plus abjecte, à contre-courant des recommandations de l’Evangile. Au point que l’Eglise Catholique congolaise est devenue l’ombre d’elle-même en ce qu’elle perd dramatiquement le terrain au profit des Eglises dites de réveil. Si le Saint-Père leur demandait de jeter la première pierre sur leur Bouc émissaire d’aujourd’hui (le régime Kabila), ils se défileraient exactement comme le firent jadis les scribes et les pharisiens après l’interpellation de Jésus…
Dans la réalité, l’économie congolaise a suivi une courbe ascendante depuis l’accession de Joseph Kabila au pouvoir, preuve que lui au moins a essayé, quoique avec des résultats quelque peu mitigés, de faire bon usage du pouvoir qu’il exerce. Nier cette évidence qui est aussi apparente que le nez au milieu d’un visage comme le font les membres de la CENCO qui ne voient le verre qu’à moitié vide est une manifestation de leur mauvaise foi.
Contradiction monstrueuse et injustifiable
C’est peut-être pour amuser la galerie que les rédacteurs de la dernière déclaration de la CENCO ont inséré des bouts de phrases donnant à croire qu’ils étaient conscients du danger que fait courir à la Nation congolaise le début d’exécution du fameux projet de balkanisation de la RD Congo dénoncé depuis 1960 par leur bête noire que fut l’inoubliable Patrice-Emery Lumumba. Car tout indique qu’en dépit de cette véritable digression, leur message est constitué des mêmes éléments de langages que certaines déclarations du quarteron des néolibéraux belges au pouvoir en Belgique qui se sont fixés l’objectif de faire aboutir par tous les moyens ce projet criminel contre le peuple congolais en particulier et l’Afrique en général. Depuis les années ‘90, ces héritiers sans complexes d’une colonisation qui fut tout sauf une cohabitation harmonieuse entre les peuples belge et congolais n’ont jamais fait mystère de leur rêve de voir leur ancienne colonie se scinder en petits Etats faibles, corvéables, malléables et exploitables a volo. Diviser pour mieux régner sur l’actuelle RD Congo pour mieux en tirer profit est leur leit motiv inavoué. On ne fera croire à personne que des érudits comme Monsengwo et d’autres qui composent et contrôlent fermement la CENCO ne peuvent pas ne pas le savoir…
Les évêques autant que l’opposition katumbiste pour laquelle ils roulent au vu et au su de tous sont devenus en fait des véritables piliers de la balkanisation programmée de la RDC. C’est la raison de leur soutien débridée aux plus extrémistes des participants à la messe basse anti kabiliste de Genval. Preuve de cette immersion des prélats catholiques dans le complot pour le démembrement du Congo-Kinshasa : quelques jours seulement avant que la CENCO ne publie son brûlot pour distraire les Congolais en versant des larmes de crocodile sur les velléités de balkanisation du pays, son Vice-Président, Monseigneur Fridolin Ambongo, ci-devant archevêque de Mbandaka-Bikoro, et un des candidats les plus sérieux au cardinalat après Laurent Monsengwo ruait sans états d’âme sur les brancards à Genève aux côtés des néolibéraux belges et de leurs affidés du Rassemblement de l’Opposition katumbiste comme Maître Georges Kapiamba pour soutenir la négation de la souveraineté du Congo-Kinshasa sous prétexte d’une enquête sur les Droits de l’Homme au Kasaï devant se dérouler comme dans un Etat-néant…
Un double jeu aux arcanes duquel les pères évêques ont trop habitué les Congolais fait un peu plus de sa crédibilité à l’Eglise Catholique romaine en République Démocratique du Congo. Heureusement pour les Congolais que les Africains, Asiatiques et Sud-Américains, victimes des mêmes tares néocolonialistes, se sont ligués derrière les souverainetistes congolais pour faire échec aux prétentions des nostalgiques de l’ère coloniale.
A moins que ses têtes couronnées ne se ressaisissent pendant qu’il en est encore temps, la religion catholique, venue au Congo dans les valises du colonisateur belge il y a plus d’un siècle, court ainsi le risque d’être définitivement emportée par la victoire certaine que le peuple congolais n’entend en aucune manière concéder aux derniers stigmates du néocolonialisme. Qu’on se le dise !
J-B. S.