En 2016, les recettes du secteur des PT&NTIC (ministère, ARPTC, etc.,) encadrées par la DGRAD (Direction Générale des Recettes Domaniales et administratives) se ont chiffrées à un peu plus de 120 milliards de FC, soit un peu moins de 130 millions de dollars. En réalité, l’Etat devait gagner au moins trois fois plus, un plus de 300 millions de dollars.
Hélas, la fraude, qui gangrène ce secteur depuis sa libéralisation voilà 15 ans, a, derechef, contraint le gouvernement à se contenter du menu fretin… une fois encore. Tenez, au moins 61 millions de dollars américains/mois ne sont pas déclarés par les compagnies de téléphonie cellulaire opérant en RD Congo. Ce qui, au regard du système fiscal et parafiscal en vigueur, fait échapper chaque mois plus de 17,6 millions de dollars au Trésor public. Ce manque à gagner ne porte que sur les appels entrants et sortants ainsi que sur que les textos ou SMS. C’est la conséquence médiate d’un système frauduleux complexe mis à nu par des ingénieurs de la firme française « Entreprise Télécom » qui a conclu avec le gouvernement rd congolais un contrat de lutte contre la fraude téléphonique. Entreprise Telecom (ET) opère en RD Congo à travers sa filiale, Business Compagny Consulting. L’Internet et le transfert électronique de fonds font l’objet d’une enquête à part mais concernera les mêmes concessionnaires GSM, à savoir Vodacom, Airtel et Africell. ET s’est cependant réservée d’avancer la moindre raison pour le fait de ne pas avoir élargi son enquête à la société Orange, détenue par des intérêts français, et qui, on le sait, a racheté Tigo ex-Oasis, une entreprise qui avait tout faux en commençant par son adresse physique au Grand-Duché de Luxembourg, la composition de son actionnariat, l’identité réelle de ses gérants, etc.
L’on se souviendra que du temps du gouvernement Gizenga I, l’alors ministre des Postes, Téléphones et Nouvelles technologies de l’Information, Cyprien Kyamusoke, fiscaliste patenté, avait mis à nu la supercherie Oasis-Tigo. Kyamusoke menaçait de fermer Tigo si la firme ne versait pas au Trésor public une bagatelle somme de 17 millions de dollars. Idem ou presque pour Airtel, à l’époque Zain, dont les transactions en catimini se passaient sous la table, sous le label de Celtel. Le ministre se montra davantage intransigeant et intraitable lors des Etats généraux des télécoms convoqués au centre Nganda de Kintambo, fin 2007. La chambre PT&NTIC de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC), dirigée à l’époque par Bob Tumba dut suspendre sa participation au motif que Kyamusoke lui avait tenu des propos orduriers. Quelques jours plus tard, à la faveur d’une question orale avec débat lui collée par le sénateur Modeste Mutinga passé depuis peu à l’opposition katumbiste, Kyamusoke se retrouve suspendu de ses fonctions, puis finalement éjecté du gouvernement. De bouche à oreille, dans les couloirs de la chambre haute du parlement, il se rapportait, sans preuves irréfragables cependant, que les concessionnaires GSM avaient mis 5 millions de dollars en jeu pour avoir la tête de Kyamusoke. Il nous revient, selon la mouvance syndicale à l’Hôtel des postes, que tout ministre qui se paie le culot de plonger son nez dans les comptes des entreprises privées, finit «décapité». Quelques années plutôt, Prosper Kibwey, qui avait tenté de doter l’ex-OCPT d’un réseau GSM, avait aussi payé de son poste. Comme dans la maffia sicilienne, les puissantes entreprises du secteur font payer au prix fort ceux qui les dénoncent, commente cet expert du ministère de PT& NTIC. La récente enquête menée par la firme ET a, en effet, été initiée sous Badibanga, par son ministre des PT&NTIC, Samy Amatobe. A défaut d’être écarté, l’homme a été expédié au ministère de l’Environnement, plus éloigné des écoutes et des pièces de monnaie d’usage pour obtenir un correspondant au bout du portable. Depuis, son successeur aux PT&NTIC a donné l’impression de vouloir faire impasse sur le scandale financier.
Système déclaratif.
ET/Business Compagny Consulting contrôle, en effet, depuis janvier 2017, les flux des appels internationaux et domestiques en lieu et place d’Egilis, dont la prestation avait été jugée en dessous de la moyenne par l’Autorité de régulation de la Poste et de la télécommunication, ARPTC. La firme a d’abord travaillé sur une période de deux mois sur deux entreprises GSM distinctes. Juillet et août pour Vodacom et août et septembre pour Airtel. Ces deux sociétés n’ont déclaré chacune que moins 55 millions de dollars réalisés, faisant perdre sur ces montants plus de 32 millions de dollars au Trésor public. Pareil pour le «libanais» Africell, qui a caché plus de 10 millions de dollars, privant ainsi le trésor public de ses 3,2 millions de dollars. Contrairement à Egilis qui s’est appesanti quasi exclusivement sur les appels entrants, Business Compagny Consulting soutient que la fraude est beaucoup plus grande sur les appels domestiques, qui représentent 90% du trafic des opérateurs en télécommunications.
Le système fiscal congolais étant déclaratif, chaque entreprise est tenue de déclarer elle-même le volume de ses transactions. Or, le contrôle effectué par Business Compagny Consulting révèle que les volumes des minutes et des SMS souvent déclarées par ces entreprises de téléphonie cellulaire ne correspondent pas aux données réelles et sont en réalité minorées.
POLD LEVI