De nombreuses questions d’actualité focalisaient les débats en RD Congo, jusqu’au point de presse animé lundi 19 juin 2017 à Genève par Alexis Thambwe Mwamba, le ministre d’Etat en charge de la Justice et Garde des sceaux. En réponse à une question de la presse internationale relative à l’interdiction qui frapperait le candidat déclaré à la prochaine présidentielle rd congolaise, Moïse Katumbi Chapwe, le plénipotentiaire rd congolais a assuré que l’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga n’avait pas de problème avec le Président de la République ou le Gouvernement. Et qu’il n’était pas interdit de séjour en RD Congo où, néanmoins l’attendent les instances judiciaires pour des affaires privées. Mais s’agissant de sa candidature, c’est par rapport à la constitution, dont l’article 10 stipule que la nationalité congolaise est une et exclusive, que M. Katumbi pourrait avoir des problèmes. « S’il est établi qu’il possède une double nationalité », a précisé le ministre de la justice.
Cette déclaration de Thambwe Mwamba a suscité plus que de l’émoi dans les milieux katumbistes, à l’exemple de l’ancien président de l’assemblée provinciale de l’ex province du Katanga, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, qui a rappelé sur des médias locaux que Moïse Katumbi avait déjà occupé les fonctions de gouverneur du Katanga sans que ne se pose la question de sa nationalité. Une façon d’insinuer que ceux qui la soulèvent présentement n’auraient pas d’autres raisons de le faire que la volonté de noyer un adversaire politique. Olivier Kamitatu, désormais porte-parole de Moïse Katumbi et membre, comme Kyungu wa Kumwanza du G7, la plateforme politique qui soutient la candidature de l’ancien gouverneur de l’ex Katanga, a lui aussi vertement reproché au ministre de la Justice d’avoir relancé ce débat à travers un posting sur son compte Twitter.
Force est de noter, ainsi que le fait observer au Maximum un député élu de la majorité au pouvoir à Kinshasa, que l’un et l’autre occultent délibérément l’essentiel sur la base duquel les propos de Thambwe Mwamba devraient être appréciés : la constitution de la RD Congo. Oui ou non, la Loi des lois rd congolaise stipule-t-elle que la nationalité congolaise est « une et exclusive » ? Si la réponse à cette question est oui, on ne voit pas en quoi le ministre d’Etat en charge de la justice aurait eu tort d’en évoquer un des aspects pour éclairer la lanterne de ses interlocuteurs de la presse internationale.
La question de l’opportunité de la réponse d’Alexis Thambwe Mwamba a, elle aussi, droit à une réponse affirmative. Face à la tendance manifeste au sein de l’opinion internationale d’apprécier les événements politiques en RD Congo sous le prisme des lois de certains pays occidentaux comme si la RDC n’avait pas une législation propre à elle, l’envoyé gouvernemental rd congolais ne pouvait que rappeler l’existence dans son pays d’une loi fondamentale adoptée par référendum en 2006, qui règle le jeu politique jusque-là.
Dans l’opinion en RD Congo, tout au moins dans celle qui s’abreuve à l’opposition politique à la majorité présidentielle au pouvoir à Kinshasa, le problème de la nationalité de Moïse Katumbi est présenté et perçu comme une entrave de plus à sa candidature à la présidentielle. Mais les observateurs objectifs relèvent qu’une telle compréhension des faits est, en soi, déjà influencée par l’opinion et les médias internationaux pour lesquels une candidature ne peut être rejetée pour une question de double nationalité. « En Europe, la question ne se pose vraiment plus », explique à nos rédactions un diplomate africain en poste en RD Congo. Qui assure néanmoins que ce n’est pas le cas sur d’autres continents ou pays du monde, ceux où le sentiment et le dévouement à une nation pose encore problème pour des raisons historiques précises. Jusqu’à il y a peu, dans certains pays comme aux Etats-Unis d’Amérique, ne pouvait postuler à la magistrature suprême qu’un citoyen dont la famille est américaine depuis au moins deux générations. « C’est le cas de Barack Obama, le 1er noir américain à avoir dirigé les Etats-Unis. Ces arrières grand-parents étaient déjà américains, même si ses origines kényanes sont connues », explique notre interlocuteur. L’homme rappelle aussi que le célèbre acteur de cinéma devenu gouverneur aux Etats-Unis, Richard Schwarzenegger, avait rencontré des problèmes pour postuler à la présidence des Etats-Unis uniquement parce qu’il descendait au 1er degré de parents qui n’avaient émigré d’Autriche qu’à la faveur de la 2ème guerre mondiale.
L’affaire de la nationalité de Moïse Katumbi Chapwe, comme celle de la nationalité d’un Léon Kengo wa Dondo qui avait fait les choux gras de la presse à la fin de la décennie ’90, induit des doutes quant à la loyauté et au dévouement des intéressés à la cause exclusive de la nation rd congolaise. Non seulement parce que Moïse Katumbi est détenteur de la double nationalité (italienne et zambienne), mais aussi et surtout parce que le géniteur de l’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga est notoirement connu comme grec d’origine juive arrivé en RD Congo peu avant l’accession du pays à la souveraineté nationale. « Il est des postes de responsabilité où on ne peut se permettre aucun risque pour prévenir la haute trahison », explique à nos rédactions un sénateur proche de l’opposition modérée au parlement rd congolais. Un problème qui s’était déjà posé avec acuité aux négociateurs du dialogue de Sun City en Afrique en 2002 et n’avait pu trouver d’issues. Interrogée sur la question de la nationalité au début de la législature dite de la transition dans les années ‘2003, la sénatrice katangaise Rumb Kazang assurait que la question était trop importante pour que des délégués non mandatés expressément par le peuple rd congolaise s’avisent de la trancher. « Nous l’avons réservée à la prochaine législature, celle qui sera composé de personnes ayant reçu mandat des Congolais pour décider à leur place », avait-elle expliqué. Deux législatures après, la question de la double nationalité n’a pas encore été résolue par le parlement. Mais est-ce une raison suffisante pour la régler à la hâte en référence aux lois de certains pays occidentaux et aux intérêts de certains de leurs « clients » ? Pas sûr.
J.N.
UN PAVE DANS LA MARRE AGITE LA RDC : Nationalité. La question s’invite aux débats
