Lundi 19 juin 2017 à Genève où il séjourne depuis quelques jours, le ministre d’Etat en charge de la Justice et garde des sceaux, Alexis Thambwe Mwamba, a animé un important point de presse. L’événement, très attendu, a dû décevoir plus d’un parmi ceux qui s’attendaient à voir le plénipotentiaire kabiliste larmoyer au sujet des poursuites dont il fait l’objet par la justice du Royaume de Belgique. Sur la question, Alexis Thambwe Mwamba n’a pas pipé mot, si non pour expliquer que de commun accord avec son avocat, un ténor du barreau bruxellois selon ses dires, il avait été convenu de se limiter au communiqué rendu public un jour plus tôt dans la capitale belge (lire article en page …). Point à la ligne.
Devant la presse internationale lundi à Genève, le ministre d’Etat en charge de la justice s’est exprimé au sujet de la mission de sensibilisation qui l’a conduit sur le vieux continent, se révélant aussi distant que de coutume, y compris sur le dossier de crimes contre l’humanité dont il est accusé. Comme si c’était la dernière de ses préoccupations.
Pour le reste, c’est-à-dire, les dossiers judiciaires relatifs aux exactions de la milice Kamwina Nsapu dans les Kasaï, l’assassinat des experts onusiens et l’enquête internationale réclamée à cor et à cri par certains, l’organisation des élections et le respect de la constitution, le retour au pays de Moïse Katumbi Chapwe, Alexis Thambwe Mwamba s’est révélé aussi disert et direct que possible.
Meurtre des experts onusiens
Au sujet de l’assassinat crapuleux de deux experts des Nations-Unies dans la province du Kasai Central, le ministre de la justice a révélé que les images de leur décapitation existent, qui n’ont jamais été montrées au public parce qu’elles sont « insoutenables ». Elles ne peuvent être présentées qu’à un comité restreint au niveau des Nations-Unies, peut-être, a susurré l’envoyé gouvernemental rd congolais. Plus d’une dizaine de personnes s’étaient acharnées sur les experts onusiens, dont les 4 plus actifs ont d’ores et déjà été mis aux arrêts. L’instruction terminée, le tribunal militaire a lancé le procès. Les autres membres de la bande, en fuite, seront jugés par défaut, a expliqué le ministre congolais.
Alexis Thambwe Mwamba a, néanmoins, fait observer à ses interlocuteurs que des centaines des rd congolais avaient aussi été tués par les terroristes Kamwina Nsapu avant les experts onusiens, parmi eux, de nombreux chefs coutumiers, policiers et agents de l’administration publique sans trop émouvoir la communauté internationale. De telle sorte qu’on a la désagréable impression que c’est l’assassinat des seuls experts des Nations-Unies qui suscite les réclamations autour de l’envoi d’une enquête internationale.
Commission d’enquête internationale
Sur cette enquête, le ministre de la justice du gouvernement de Bruno Tshibala a été aussi clair que ferme : elle ne s’effectuera qu’avec la collaboration des instances judiciaires rd congolaises. Même si une résolution du Conseil de sécurité des Nations-Unies était adoptée pour ce faire. « Une résolution qui ne tient pas compte de nous sera d’application difficile », a prévenu le ministre en réponse à une question. Expliquant qu’il ne voyait pas comment des enquêteurs, onusiens fussent-ils, obtiendraient des visas d’entrée en RD Congo sans l’accord du Gouvernement. Ni, encore moins, comment ils procéderaient pour récolter les informations dont ils auront besoin sans quérir la collaboration des autorités locales. La meilleure solution devrait être une solution acceptable par tous et consister en un travail en collaboration avec les magistrats rd congolais, a indiqué le ministre de la justice. « Nous ne sommes pas disposés à faire fi de l’existence de nos 800 magistrats militaires et de nos 3500 magistrats civils comme si nous étions un Etat néant », a soutenu Alexis Thambwe Mwamba. Avant d’expliquer que les éléments qui composent la magistrature rd congolaise sont valables parce qu’au moins un parmi nos magistrats militaires a été nommé Procureur spécial en République Centrafricaine à l’issue d’un concours international. Pour clore ce dossier relatif à la réclamation d’une commission d’enquête internationale et indépendante, le ministre de la justice a rappelé à ses interlocuteurs que la RD Congo compte parmi les Etats du continent africain qui collaborent le mieux avec la justice internationale. « Nous avons été sollicités pour quitter la Cour Pénale Internationale, mais nous avons refusé. Et si nous avions accepté, avec nos quatre-vingts millions d’habitants … ? », a interrogé le ministre rd congolais de la justice avant de soutenir que « c’est la ratification du Traité de Rome par la RD Congo qui a permis le fonctionnement de la CPI ».
Violences dans les Kasai
Sur les procès relatifs aux violences dans les provinces kasaïennes, le ministre la Justice a expliqué la genèse des faits, et reconnu que l’investiture de l’héritier au trône du Grand chef Kamwina Nsapu avait souffert de retard. Et révélé qu’une enquête administrative était en cours pour déterminer qui n’a pas fait son devoir. Et sanctionner. Tout en insistant sur la volonté que le gouvernement central a mise pour établir la vérité. Les enregistrements révélés par le quotidien américain The New York Times résultent du reste, selon lui, des rapports d’écoute diligentés par les instances congolaises pour savoir qui a encouragé ou découragé le terrorisme Kamwina Nsapu. Elles traduisent la volonté de faire la lumière sur ce qui s’est passé au Kasai Central.
Moïse Katumbi
Sur Moîse Katumbi Chapwe, Alexis Thambwe a expliqué à ses interlocuteurs que l’ancien gouverneur n’a, à aucun moment, été interdit de séjour en RD Congo. « Moïse Katumbi n’a de problèmes ni avec le Chef de l’Etat ni avec le Gouvernement », a déclaré le ministre de la justice. Il fait l’objet de poursuites judiciaires, a été entendu par le Procureur Général et autorisé à se rendre à se rendre aux soins en Afrique du Sud. Le tribunal de paix de Lubumbashi l’avait condamné à 3 ans dans le cadre d’une affaire privée et il avait interjeté appel dans une procédure de renvoi à la Cour suprême de justice. L’évolution du dossier nécessite sa présence, le juge du second degré pouvant statuer différemment de celui du 1er degré. « Si donc Moïse Katumbi revenait au pays, il se retrouverait dans la même situation qu’au moment de son départ », a conclu Thambwe Mwamba. Moïse Katumbi n’a jamais été empêché de se présenter à l’élection présidentielle parce que le juge d’appel n’a pas encore statué sur son dossier. Mais c’est par rapport à la constitution de la RD Congo, dont l’article 10 stipule que la nationalité congolaise est une et exclusive que le candidat Katumbi risque d’avoir des problèmes. Il ne pourra pas se présenter à cette élection si la preuve de sa nationalité étrangère était établie. «Aucune disposition légale particulière n’a été prise contre Katumbi. Le Code pénal appliqué est un code hérité de la colonisation », a ponctué le ministre la justice.
Thabo Mbeki et Cie
Alexis Thambwe Mwamba est aussi revenu sur la récente déclaration d’un groupe d’anciens Chefs d’Etat africains chaperonnés par Thabo Mbeki. Elle se fonde sur un malentendu découlant de la réponse du Président de la République à une question d’un journaliste allemand du quotidien Der Spiegel. Lorsque Joseph Kabila affirme qu’il n’a jamais promis la tenue d’élections en RD Congo, il veut dire que c’est un problème qui relève des compétences de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Joseph Kabila n’a jamais dit que les élections ne seront pas organisées. Il dit plutôt que c’est à la CENI de s’occuper de cette question technique. Mais il a toujours voulu que les élections se tiennent dans les meilleurs délais.
Sur cette question, Alexis Thambwe Mwamba a révélé à ses interlocuteurs qu’il avait fait partie des délégués du gouvernement aux négociations secrètes avec l’UDPS à Ibiza, à Venise, à la Haye et même à Bruxelles. Où il était question, compte tenu de l’impossibilité de tenir les scrutins dans les délais constitutionnels, de trouver une solution consensuelle pour les organiser tout de même. Il n’y a donc jamais eu volonté délibérée de violer la constitution mais recherche de contourner l’impasse longtemps avant les échéances constitutionnelles. Les deux dialogues organisés avaient pour but de montrer les difficultés et de chercher les moyens de les contourner afin de respecter la constitution au mieux.
Sur le reste des préoccupations des journalistes, particulièrement sur les préoccupations relatives aux droits de l’homme, Alexis Thambwe Mwamba a renvoyé ses interlocuteurs à sa collègue ministre en charge des droits humains, Marie-Ange Mushobekwa, chargée de s’en expliquer avec les organisations internationales du secteur.
J.N.
EN MISSION DE SENSIBILISATION A GENEVE : Thambwe Mwamba éventre le boa
