Lundi 29 mai 2017. Rfi. Christophe Boisbouvier a pour Invité Afrique dans son émission-culte le ministre angolais des Affaires étrangères Georges Chikoti. La traduction écrite de l’interview sera publiée sous le titre “Au Kasaï en RDC, ‘la solution, c’est une entente globale entre tribus’». On ne sait pas trop pourquoi l’accent est mis sur ce sujet alors que l’information la plus importante pour l’opinion rd congolaise réside dans l’avis émis sur la tenue des élections. Ainsi, quand Christophe Boisbouvier demande au plénipotentiaire angolais : “Est-ce que les questions politiques à Kinshasa, et notamment la question de cette présidentielle qui aurait dû se tenir l’année dernière, tout cela ne complique-t-il pas encore la situation dans les provinces du Kasaï ?” G. Chikoti répond : “J’ai l’impression que si cette question dure, certainement qu’il n’y aura pas les conditions pour réaliser la présidentielle”. Et à l’observation de Boisbouvier selon laquelle “…vous craignez que la présidentielle n’ait pas lieu cette année 2017 ?”, il déclare : “Je pense qu’il faut qu’on se réfère à la Commission nationale électorale, mais je doute très fort de pouvoir faire les choses à temps. Mais comme il était fixé de le faire soit cette année ou l’année prochaine, peut-être qu’ils le feront l’année prochaine'”…
Curieusement, de la part des adversaires politiques, diplomatiques et sociaux du Pouvoir, plus précisément du Président Joseph Kabila et de sa famille politique, pas un mot de dénonciation des propos de l’homme d’Etat angolais ! Probablement parce qu’il vaut mieux ne pas s’attirer l’ire de Luanda en cette période de grande sensibilité.
Par contre, l’interview du Chef de l’Etat à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, diffusée deux jours plus tôt (le 27 mai) mais fortement médiatisée cinq jours après celle du ministre G. Chikoti (3 juin) a fait l’objet, elle, d’un retentissement planétaire inouï.
Alors même que déjà, tous les experts appelés à la rescousse par les participants au Dialogue de la Cité de l’Union africaine, facilité par l’Union africaine elle-même à l’initiative du Conseil de sécurité de l’Onu conformément la Résolution 2277 du 30 mars 2016, avaient estimé que la période indiquée pour organiser la présidentielle était avril 2018.
Au demeurant, les protagonistes extérieurs – dont les Occidentaux – avaient estimaient en septembre 2016, bien avant la clôture de ce dialogue, que ces élections ne pouvaient se tenir que « aussitôt que possible ». L’expression préférant user de l’expression « élections à bonne date».
Ainsi, en est-il de l’américain John Kirby qui, le 16 septembre, estimait que «Les États-Unis soutiennent le dialogue inclusif dans la poursuite d’un consensus dans la poursuite d’un plan qui privilégie les élections présidentielles dès que techniquement possible pour assurer une transition pacifique du pouvoir politique».
Le même jour, le cabinet du Vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères belge, Didier Reynders, soutenait que ce dernier s’était prononcé pour «un accord inclusif, fixant des échéances claires et selon des modalités permettant d’organiser les scrutins le plus rapidement possible».
Le 19 septembre dernier – premier jour des incidents de Kinshasa – , John Kirby considérait que «Les événements d’aujourd’hui soulignent la nécessité d’un processus de dialogue véritablement inclusif visant à parvenir à un consensus sur la tenue d’élections présidentielles dès que techniquement réalisable… ». Un point de vue rejoint en cela par le Quai d’Orsay qui s’est prononcé pour que “le report de l’élection soit aussi court que possible».
Même le Conseil de sécurité de l’Onu a, le 21 septembre, souligné “l’importance cruciale de la tenue d’une élection présidentielle pacifique, crédible, transparente, dans les délais opportuns et dans le respect de la constitution».
Le groupe d’ambassadeurs de l’Ue, du Canada et des Etats-Unis accrédités en RD Congo en avait, quant à lui, appelé à “la tenue d’élections crédibles et transparentes dans les meilleurs délais et dans le respect à la fois de la Constitution et de la volonté de la population» avant de féliciter «le facilitateur pour le travail réalisé sur la colline» et de l’encourager «à mener à bout ce travail», tout en insistant toutefois sur l’inclusivité.
Les meilleurs délais, ce n’était assurément pas des délais dépendant de la volonté et d’humeurs de quelque groupe d’intérêt politique que ce soit, mais uniquement de contraintes techniques avérés.
A la différence de l’Accord du 18 octobre 2016
Ceux qui ont pesé de tout leur poids pour exiger la rétention, dans l’Accord du 31 décembre 2016, de la présidentielle en décembre 2017 (Moïse Katumbi parle unilatéralement de novembre 2017 sans qu’il lui soit reproché le fait de s’attribuer une prérogative reconnue constitutionnellement à la Céni) se rendent compte à leurs dépens de l’impossibilité de tenir ce “calendrier”.
Au demeurant, le silence observé côté Rassop/Limete comme côté gouvernement et diplomates occidentaux en dit long.
C’est qu’à la différence de l’Accord de la Cité de l’Union africaine, facilité par la Commission de l’Union africaine à l’initiative du Conseil de sécurité selon les termes pertinents de la Résolution 2277 du 30 mars 2016, l’Accord du centre interdiocésain conclu le 31 décembre 2016 est dramatiquement muet sur l’échéance des opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs. Le premier fixe l’échéance au 31 juillet 2017. Le second n’en pipe mot, signe que les élections n’ont jamais constitué une préoccupation aussi bien pour les facilitateurs catholiques de ces pourparlers que pour leurs poulains de l’opposition radicale.
Au chapitre IV consacré au Processus électoral, les parties prenantes à l’Accord dit de la Saint Sylvestre «s’accordent pour une refonte totale du fichier électoral et l’évaluation une fois tous les deux mois de l’Opération d’enrôlement des électeurs en cours» et «conviennent sur l’organisation des élections en une seule séquence présidentielle, législatives nationales et provinciales au plus tard en décembre 2017» tout en convenant que «la CENI tiendra dûment informés l’Assemblée Nationale et le Conseil National de Suivi de l’Accord ainsi que les autres parties prenantes au processus électoral du chronogramme qui prendra en compte les opérations pré-électorales et électorales». Au nombre desquelles la «Fin de la constitution du fichier électoral consolidé», l’«Adoption de la loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale et la loi électorale ainsi que leur promulgation par le Chef de l’Etat» et la «Convocation des scrutins par la CENI». Il était donc convenu que le chronogramme des élections prendra en compte les opérations pré-électorales et électorales.
Mais le fameux ’Arrangement particulier, autour duquel les Romains s’empoignèrent au point de compromettre la mise en application de l’accord, ne prévoit pas le moindre chronogramme pour les opérations préélectorales et électorales. Et n’y fait pas la moindre allusion. Il comprend 4 chapitres portant sur le Gouvernement, le CNSA et le processus électoral, le chronogramme de la mise en œuvre de l’Accord et les dispositions finales.
A la manière du Léviathan…
Or, l’Accord du 18 octobre 2016 – balayé d’un revers de la main par le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement avec le concours de la Cenco et l’encouragement des partenaires occidentaux sous le couvert du Conseil de sécurité de l’Onu – dispose à l’article 3 que : «Le Fichier électoral est constitué au 31 juillet 2017, entendu que ce délai comprend toutes les étapes nécessaires, y compris celles de l’annonce des appels d’offre, de la signature et de l’exécution des contrats de fourniture des kits électoraux, de l’identification et de l’enrôlement des électeurs, ainsi que de l’affichage des listes électorales».
Il fait mieux : ses chapitres II, III, IV sont respectivement consacrés à la séquence des élections, au calendrier électoral, aux mesures d’équité et de transparence du processus électoral, etc.
Aussi, les imprévus que sont, notamment, les événements en cours dans les Kasaï ajoutés aux omissions graves observables dans l’Accord du 31 décembre 2016 ne peuvent qu’influer sur la planification du processus électoral, avec conséquence logique d’élargir au-delà du 31 décembre 2017 la période préélectorale et électorale. Cela saute à tous les yeux qui veulent voir.
En définitive, le ministre angolais des Affaires étrangères n’a fait que dire tout haut une évidence que le Rassemblement des forces politiques et sociales/aile katumbi et ses parrains internes et externes veulent instrumentaliser pour mettre le feu à la baraque.
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum