Plus de deux mois après la fin des pourparlers du Centre catholique interdiocésain de Kinshasa à la fin du mois de mars dernier, les radicaux de l’opposition politique en RD Congo, rassemblés autour de Moïse Katumbi Chapwe, semblent en plein désarroi. A Kinshasa, l’opinion attend toujours la tenue du conclave du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement/aile Lumbi/Fatshi, qui devait se tenir le 10 juin 2017, jour anniversaire de la création de la plate-forme à Genval en Belgique. Rien n’est venu, ou presque. Seulement un message de Félix Tshilombo Tshisekedi lu sur les ondes des radios locales, appelant à la remobilisation des troupes (démobilisées par l’appât du gain immédiat ?) en vue d’une nouvelle échéance : la tenue des élections à fin 2017. « Nous annonçons que le Rassemblement entre en conclave pour élaborer une nouvelle feuille de route qui va baliser son action jusqu’au 31 décembre, date à laquelle des élections présidentielle, législatives et locales doivent être organisées dans notre pays », a-t-il déclaré. La tenue du conclave ayant été reportée à une date à fixer après les obsèques d’Etienne Tshisekedi.
Des élections présidentielle, législatives et locales au 31 décembre 2017 ? La perspective paraît techniquement de moins en possible, de l’avis de tous les observateurs. Ne fût-ce qu’en raison du retard pris dans la reconstitution du fichier électoral en raison de l’insécurité dans au moins 5 des 26 provinces du pays. Même si le processus d’enrôlement, qui poursuit son chemin sans désemparer, s’avère encourageant pour ceux qui comptent sur les urnes pour régler la question de la légitimité des institutions : 26 millions d’âmes sont déjà enrôlés, selon les indications de la CENI qui remontent à la fin de la semaine dernière.
Retour au schéma de Genval
A l’évidence, les radicaux n’ont pas renoncé au schéma du partage du pouvoir, à défaut de l’arracher par la voie insurrectionnelle. La tournure prise par l’évolution de la situation politique au terme du dialogue sanctionne l’échec du schéma du partage. A la faveur de l’éclatement du Rassop en au moins deux ailes, un 1er ministre a été nommé conformément à l’accord de la Saint Sylvestre, dépouillant au passage la plate-forme née à Genval de nombre de ses cadres. Ne reste donc plus, que la voie insurrectionnelle pour se refaire place au soleil, mais il faut trouver un casus belli qui mobilise et justifie l’appel à manifester sans perdre la face.
Joseph Kabila a lancé un défi au peuple rd congolais, reprend-on, comme en chœur, chez les radicaux. Allusion à l’interview accordée par le Président de la République à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel il y a quelques jours. Dans laquelle le Chef de l’Etat renvoie ses interlocuteurs à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) constitutionnellement chargée de l’organisation des élections pour les questions y relatives. Les propos de Joseph Kabila ont été interprétés comme un refus de quitter le pouvoir par la presse occidentale acquise à la cause des radicaux. Qui eux-mêmes se réveillent comme d’une torpeur et les reprennent à leur compte, malgré l’évolution positive et sans possibilité de retour en arrière de la reconstitution du fichier électoral.
Motivations fallacieuses
Dans son adresse du 10 juin dernier, Félix Tshisekedi s’engouffre tête baissée dans cette brèche ouverte par les médias occidentaux et soutient que « L’heure a donc sonné pour nous de nous remobiliser, comme un seul homme, pour relever le défi que Joseph Kabila a lancé à notre peuple de priver la Nation congolaise d’élections conformément à la constitution ». Le même jour, Olivier Kamitatu, nommé quelques jours auparavant porte-parole de Moïse Katumbi, se fend d’un refrain sur le même ton : « Vous avez suivi l’interview de Joseph Kabila à l’hebdomadaire allemand où il a dit qu’il n’y a aucune promesse. C’est un dédain absolu des aspirations du peuple congolais qui envisage de choisir dans le délai ses nouveaux dirigeants », déclare-t-il à nos confrères de Politico.cd. Sans vraiment réussir à dissimuler le désarroi qui a gagné les rangs des radicaux : « nous reconnaissons néanmoins que nous n’avons pas pu mettre cet accord en œuvre non pas du fait du manque de solidarité mais du fait que la Majorité renie ses engagements », hasarde le président de l’Alliance pour le Renouveau du Congo (ARC).
En réalité, seul le conclave à venir permettre à l’opinion d’y voir plus clair. Des sources chez les radicaux renseignent que les violons sont loin de s’accorder sur les nouvelles priorités de la plate-forme. Depuis plusieurs jours, l’UDA de Claudel Lubaya clame sur tous les toits qu’il s’agit, désormais, de s’assurer que Joseph Kabila ne se représente plus à la prochaine présidentielle. Tout en rejetant tout nouveau dialogue avec la majorité au pouvoir et mettant résolument le cap sur la tenue des élections en 2017 et l’opposition à toute modification de la constitution. Mais ce n’est manifestement pas l’avis de tous, au Rassop/Katumbi, où des voix se sont récemment élevées pour donner une chance médiation entreprise par Maman Sidikou de la Monusco. Le représentant du secrétaire général de l’ONU en RD Congo a proposé la présidence du Comité National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral (CNSA) à la tendance katumbiste du Rassop. Dans les rangs des radicaux, il s’en trouve qui ne tiennent pas à cracher sur cet offre plutôt réaliste. Mais qui sonnerait le glas des objectifs que s’étaient assignés les genvalistes il y a un an en Belgique : faire partir Joseph Kabila et les siens des affaires sans autre forme de procès avant fin 2016.
L’apocalypse renvoyée à la fin de l’année
En mettant le cap sur le 31 décembre 2017, alors qu’il est de plus en plus évident que les élections se tiendront bel et bien en RD Congo, mais sûrement pas toutes à la première échéance prévue, les radicaux katumbistes ne font que renvoyer à un an plus tard les objectifs arrêtés à la création de leur plate-forme il y a un peu plus d’un an aujourd’hui. Reste à motiver sensément la stratégie belliqueuse à souhait. En prêtant des intentions à Joseph Kabila et à sa famille politique, ou en diabolisant le processus d’enrôlement auquel ils se sont laissés aller à convier les kinois. Sur ce dernier registre, c’est Martin Fayulu qui a donné le ton dimanche dernier en décrétant que les opérations d’enrôlement n’allaient pas bon train à Kinshasa. Parce que les candidats à l’enrôlement traînaient devant les bureaux de la CENI à travers la capitale. Ou encore parce qu’il n’y avait pas assez de machines pour enrôler plus rapidement, à son goût.
Même dans cette quête effrénée de nouveaux motifs d’affrontements, les radicaux paraissent bien gauches, pour beaucoup d’observateurs.
J.N.