Assurément, nos confrères Bartholomauss Grill et Suzanne Koelbl du Der Spiegel ont été décontenancés par la réponse à leur question finale, extrêmement suggestive, de l’interview accordée le week-end dernier à Joseph Kabila : “Où serez-vous, quel sera votre rôle ou votre position après la fin officielle de votre mandat ?”. Réaction du Chef de l’Etat : “Eh bien, je garde cela pour moi. Mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas me suicider. Et je continuerai à servir mon pays”.
Mardi 6 juin 2017. Dans l’émission “Questions d’actualité”, le résumé de l’entretien du Chef de l’Etat à Der Spiegel est rendu en ces termes : “Dans un entretien accordé au magazine allemand Der Spiegel, le président congolais Joseph Kabila affirme qu’il n’a ‘rien promis du tout’, concernant la tenue d’une élection présidentielle cette année. Cependant, le chef de l’Etat précise qu’il souhaite ‘organiser des élections aussi vite que possible’, mais ‘des élections parfaites’. Que pensez-vous de cette déclaration ? Faut-il y voir une remise en cause de l’accord de la Saint-Sylvestre conclu entre la majorité et l’opposition ?”. Le même jour, elle publie la dépêche intitulée “Présidentielle en RDC: ‘Je n’ai rien promis du tout’, prévient Joseph Kabila”…
D’autres médias étrangers abondent dans le même sens. Entre le 3 et le 6 juin 2017, ils se sont livrés quasiment à des tirs croisés. “RD Congo : Kabila parle et dit (presque) tout”, ironise “Le Point Afrique” dans sa livraison du 5 juin 2017 mise en ligne à 8h57. “Quand Kabila se lâche et inquiète !”, écrit “La Libre Belgique” dans sa livraison du 3 juin 2017. “Elections en RDC : Kabila ‘n’a rien promis du tout’ en 2017”, alerte “Afrikarabia“. Rtbf titre le même jour : “Elections en RDC: Kabila assure n’avoir ‘rien promis du tout'”.
L’esprit des commentateurs et des analystes de l’interview est d’établir un lien de cause à effet entre la déclaration “Je n’ai rien promis du tout” et le fait de n’avoir pris aucun engagement par rapport à l’Accord du 31 décembre 2016, donc au processus électoral. Rfi le résume ainsi : “Bien qu’un engagement d’organiser des élections générales d’ici la fin de l’année a été pris dans un accord signé le 31 décembre dernier par des cadres de la majorité et de l’opposition, Joseph Kabila répond aujourd’hui : ‘Je n’ai rien promis du tout’, avant d’ajouter qu’il souhaite ‘organiser des élections aussi vite que possible’“. Et Rfi d’ajouter : “A plusieurs reprises dans cet entretien au Spiegel (en anglais), le journaliste allemand tente d’obtenir une promesse sur la date de la présidentielle ou une confirmation que cela pourrait prendre plus de temps pour l’organisation de ces élections. A chaque fois le président congolais botte en touche. ‘C’est à la commission électorale de répondre à cette question’ de date, dit-il. ‘Organiser des élections pourrait prendre plus de temps ou non’, ajoute Joseph Kabila“.
Dans sa livraison du 5 juin 2017, “Le Point Afrique” – qui a tout de même eu 48 heures pour se faire une idée exacte de ce qui se dit autour de cette interview – renchérit plutôt pour conforter le doute. Voici son commentaire : “Les élections en 2017 ? ‘Je n’ai rien promis… Je souhaite organiser des élections aussi vite que possible’, déclare Joseph Kabila, comme pour doucher d’emblée tout espoir d’alternance dans un avenir proche au Congo-Kinshasa. Avant d’ajouter, tout de go : ‘Organiser des élections pourrait prendre plus de temps ou non… Nous voulons des élections parfaites, pas seulement des élections’. Pour justifier le report du scrutin, le président congolais avance deux raisons principales : la dizaine de millions de nouveaux électeurs à enrôler depuis 2011 et la guerre à l’est contre le M23 qui aurait plombé le budget et, partant, asséché les fonds disponibles pour les élections. Or, la RDC est actuellement en proie à un regain d’instabilité, d’est (Nord et Sud-Kivu, Katanga) en ouest (Kongo central) en passant par le centre (ancienne province du grand Kasaï). Une situation dont Joseph Kabila pourrait tirer argument comme justification à un report sine die des élections“.
Ses propos sont pertinents
Plus qu’une réponse à une préoccupation relative à la tenue de la présidentielle, ce que les Occidentaux et leurs médias attendent du Chef de l’Etat de la RD Congo, c’est la preuve accablante qu’il ne veut pas quitter le pouvoir. Et donc l’occasion de justifier les immixtions récurrentes de leurs mentors dans l’évolution politique du pays. Comme en Somalie, au Soudan ou en Libye dans un passé récent.
C’est la raison pour laquelle la question (plus justement l’accusation) à laquelle répond l’interviewé est occultée. Les journalistes du Spiegel avaient ainsi interrogé Joseph Kabila : “La date limite de l’élection manquée a déclenché des émeutes sanglantes. À la suite, la Conférence épiscopale nationale congolaise (CENCO) a négocié un accord entre le gouvernement et l’opposition, y compris votre promesse de tenir des élections d’ici la fin de cette année“.
La réponse du Chef de l’Etat rd congolais est celle-ci : “Je n’ai rien promis. J’aimerais que les élections se déroulent le plus tôt possible. Mais nous voulons des élections parfaites, pas n’importe quelles élections. Et c’est la commission électorale qui organise les élections dans ce pays – c’est ce que la plupart des gens oublient. Nous avons une commission indépendante qui, conformément à notre constitution, est chargée d’organiser les élections. Cette commission travaille déjà et les résultats sont positifs. Nous nous dirigeons vers 24 millions d’électeurs déjà inscrits. Nous avançons“.
La réponse est claire : Joseph Kabila assure n’avoir rien promis, parce que promettre des élections ne relève pas de lui mais d’une commission indépendante. « C’est ce que la plupart des gens oublient », souligne-t-il en guise de précision. Avant d’indiquer des progrès vers la tenue des scrutins, tels que rendus publics par la Commission Electorale Nationale Indépendante.
Ce faisant, le Président de la République reste en symbiose parfaite avec le fameux Accord de la Saint Sylvestre auquel il n’a jamais été partie prenante, les discussions ayant accouché de cet accord s’étant déroulé entre des groupes politiques et n’ayant impliqué aucune institution publique. Or, le Président de la République en RD Congo est une institution publique à lui seul…
Tout le chapitre VI dudit accord est consacré au processus électoral. Le point IV.3 est clair en ce qu’il stipule que “Les parties prenantes s’accordent que la CENI tiendra dûment informés l’Assemblée Nationale et le Conseil National de Suivi de l’Accord ainsi que les autres parties prenantes au processus électoral du chronogramme qui prendra en compte les opérations pré-électorales et électorales ci-après :
– Fin de la constitution du fichier électoral consolidé;
– Adoption de la loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale et la loi électorale ainsi que leur promulgation par le Chef de l’Etat;
– Convocation des scrutins par la CENI ;
– Election en une seule séquence des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales ;
– Prestation de serment et installation du nouveau Président de la République élu“.
Le même accord émet des recommandations à l’endroit du Gouvernement, du Parlement, du Cnsa, du Csac, de la Majorité présidentielle, de l’Opposition et de la Société, des partis politiques, de l’Autorité coutumière, des confessions religieuses et même de la Monusco, domaine par domaine. La Céni, elle-même, s’est vue attribuer des missions précises.
Du reste, dans ce chapitre, aucune recommandation autre que celle de promulguer la loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale n’a été expressément adressée par l’accord à l’institution Président de la République.
Dans sa réponse à Der Spiegel, Jospeh Kabila est donc resté respectueux de l’Accord du 31 décembre 2016, de la constitution de son pays sur laquelle l’accord s’est formellement adossé (chapitre 1er) et ces propos sont pertinents.
Réaction déroutante ?
Cette perfidie de la part de ceux qui ont fait le choix délibéré de diaboliser le Chef de l’Etat rd congolais va de pair avec l’empressement avec lequel ils se sont répandus dans leurs colonnes et leurs ondes pour lui asséner une estocade inutile, qui ne pouvait que rater, parce que trop tirée par les cheveux.
On peut, en effet, se demander comment une interview parue dans l’édition 23/2017 datée du 27 mai 2017 de l’hebdomadaire allemand n’a été « découverte » par les grands médias occidentaux qu’à partir du 3 juin, à la veille de la date anniversaire du Président de la République. Comme si le but était simplement de tuer symboliquement le 4ème Chef d’Etat Congolais. L’effet recherché déborde résolument de l’information rendue publique, à l’évidence.
Omer Nsongo die Lema et Le Maximum
LA PRESSE OCCIDENTALE SUR KABILA : Qui veut tuer son chien …
