Une conférence-débat sur les 15 ans du moratoire sur la conversion des titres forestiers s’est tenue dernièrement dans la capitale. Placée sous le thème, « Moratoire en RDC, 15 ans après : bilan et perspectives», il s’en est dégagé un constant : la RDC est en mal d’un Robin de bois pour mettre de l’ordre dans ce secteur.
La conférence-débat à laquelle participaient des experts de l’Environnement, rd congolais, des expatriés ainsi que des activistes de la société civile, a accouché d’un chapelet des recommandations, parmi lesquelles le gouvernement de la RD Congo et, particulièrement, son administration forestière, doivent accélérer le processus de l’élaboration du document de la politique forestière nationale et renforcer l’application de la réglementation forestière en mettant à la disposition de la Direction de contrôle interne et vérification, DCVI, des moyens logistiques et financiers pour assumer ses missions. En clair, pour des experts, avant moratoire égal après moratoire, à quelques exceptions près.
Les experts recommandent notamment la mise en place d’une commission d’enquête indépendante devant faire la lumière sur tous les cas de violation du moratoire, en identifier les auteurs et les traduire devant la justice, ainsi que l’amélioration du climat des affaires dans le secteur des forêts. Aussi, les partenaires au développement ont-ils été chargés d’exiger la mise en application intégrale des engagements pris par le gouvernement rd congolais dans le cadre des processus et mécanismes actuels porteurs des financements sécurisés, notamment, le processus REDD+, la CAFI, Initiative pour les forêts de l’Afrique centrale. En gelant l’exploitation de ses forêts, l’Etat espérait jouir de substantiels revenus en guise de compensations par la communauté internationale. Ces cinq dernières années, les rapports du PNUD, de la Banque mondiale, etc., font état de considérables dons en termes des dizaines des millions de dollars en faveur de la RD Congo. Mais leur impact sur le budget n’est guère perceptible.
Voilà 15 ans que l’État s’est pourtant interdit d’octroyer, de renouveler ou encore d’étendre des concessions forestières. Il a pour ce faire engagé un processus de conversion des anciens titres forestiers en contrats de concession forestière, en étendant le moratoire en matière d’octroi des titres d’exploitation forestière jusqu’à la publication des résultats définitifs du processus de conversion des titres et de zonage. Ce moratoire couvre également toute acquisition de droit d’exploitation, y compris par échange, relocalisation ou réhabilitation d’anciens titres. Mais dans l’industrie du bois, l’autorité de l’État est bafouée avant tout par ceux-là mêmes qui devraient la rendre effective : les administrations provinciales de l’Environnement, les gouverneurs de provinces, et même le ministère de tutelle, lit-on dans un rapport du ministère de l’Environnement. Même les galonnés de l’armée s’en sont mêlés, rapportent les Nations-Unies dans un récent rapport. Dans cette ambiance où tout le monde commande et où personne n’obéit, il serait illusoire d’escompter ne serait-ce qu’un semblant de contrôle par l’État, en dépit de l’appui logistique de l’Union européenne.
Certes, le ministère de l’Environnement dispose d’une liste à jour des exploitants industriels de bois regroupés au sein d’une fédération nationale, qui est une branche de la Fédération des entreprises du Congo (FEC). Mais la réalité est qu’au-delà des exploitants officiels, il y a de gros braconniers, des raseurs de forêts qui échappent à tout contrôle ou, plutôt, qui jouissent de la protection et de la complicité quasiment à tous les niveaux de l’appareil d’État.
En mission d’inspection dans le territoire de Bongandanga, le gouverneur de la Mongala, Bienvenu Esimba, a suspendu, le 11 mars2017, cinq chefs de groupement de ce territoire. Ils sont accusés d’avoir octroyé illicitement des concessions forestières à des exploitants forestiers artisanaux. Ces exploitants forestiers auraient coupé du bois pendant plusieurs années sans payer à l’Etat le moindre frais. Ce cas est loin d’être isolé, des coupes sauvages avec des moyens industriels ont été rapportées dans l’ex-Province orientale. Des braconniers chinois sous la protection des éléments armés se sont livrés à cœur joie à la coupe des essences les plus précieuses, dont l’afromosia. Dans le Katanga, la coupe illégale du bois rouge n’étonne plus personne. Il a, en effet, été observé dans le chef des inspecteurs forestiers, un laxisme motivé par la recherche de gain et le manque de capacités opérationnelles sur le terrain, ont notamment déploré les experts lors de la conférence sur les 15 ans du moratoire.
POLD LEVI