Exercer une activité dans la sphère publique a été naguère considéré comme un sacerdoce valorisant. Avec le retrait de l’administration coloniale au début des années ‘60, plusieurs postes vacants électifs étaient à portée de main d’un personnel politique autochtone peu expérimenté. Tout a été dit sur l’impréparation de l’élite congolaise voulue par les Belges pour qui l’indépendance de la riche colonie devrait être renvoyée aux calendes grecques. En témoigne, l’indignation suscitée à Bruxelles face au « plan de 30 ans » proposé en 1955 par le professeur Van Bilsen pour préparer les Congolais à se prendre utilement en charge. Alors que l’Afrique francophone avait ses Léopold Senghor et l’Afrique anglophone ses Julius Nyerere et autres Kwame Nkrumah, le Congo Belge était délibérément maintenu par ses « propriétaires » de l’époque dans la médiocrité. La première université n’y vit le jour que 4 années avant 1960, ne laissant aucune chance aux nouveaux diplômés d’avoir le temps nécessaire d’arriver à maturation.
La soif légitime de dignité et de liberté des pères de l’indépendance déjouera ce dispositif obscurantiste de colonialistes à l’esprit décidément obtus et mesquin, cherchant par tous les moyens à arrêter le cours de l’Histoire. Forts de la formation élémentaire acquise dans des séminaires, des centres d’apprentissage professionnel et autres écoles normales, quelques autodidactes congolais comme Lumumba, Kasavubu, Gizenga ou Mulele sont parvenus à reculer les limites de l’ignorance et se mettront au diapason de la modernité pour imposer l’abolition sans autre forme de procès du nouvel esclavage qu’un euphémisme avait baptisé « colonisation ». Le monde et l’Afrique sont restés fiers de ces self made men congolais qui n’eurent pas à rougir dans la conduite des affaires de l’Etat à l’aube de l’indépendance. Malgré le contexte défavorable, ces pères fondateurs de la Nation congolaise avaient bel et bien l’étoffe d’hommes d’Etat. Leur parcours dément l’idée répandue selon laquelle l’homme politique congolais est irrémédiablement condamné à une incurable débilité.
La médiocrité n’est pas une fatalité
Dressés tels des chiens de chasse pour démentir les capacités de leur propre peuple à définir leur propre situation hors de la volonté des maîtres, certains intellectuels congolais sont passés maître dans l’art de la caricature de leur société. Ils croient faire bonne impression en déclamant avec une pédanterie infantile les « tares » qui gangrènent une communauté à laquelle ils appartiennent, tout en s’exonérant de l’obligation d’en proposer des panacées adéquates. Tout se passe comme si les cerveaux de ces compatriotes, dont certains se disent pourtant bardés des diplômes, étaient tragiquement obscurcis par une irréparable constipation d’idées novatrices.
Ils se délectent dans une permanente auto flagellation en distribuant aux quatre vents leurs « réflexions » sur la légèreté congénitale des acteurs politiques congolais qui, à les en croire, friserait la démence. La question méthodique que suscite cette gesticulation est celle des causes à l’origine de tant d’insouciance et de légèreté de ces « intellectuels » incapables de mesurer l’incidence de ces prédictions anticipatrices systématiquement négatives et auto-dévalorisantes sur le devenir de leur pays.
Syndrome de Stockholm
Un certain nombre de politiciens congolais ont fait les beaux jours d’un néocolonialisme suicidaire sans comprendre qu’ils étaient eux-mêmes victimes d’une circonvention étrangère faisant d’eux les auteurs des traumatismes causés à leur mère-patrie. Ils ont ainsi sacrifié le devenir de leur nation sur l’autel d’une insouciance coupable. Pis : les bourreaux se sont arrangés comme ils savent souvent le faire pour effacer les traces de leur forfaiture dans la mémoire de leurs victimes en présentant notamment à l’opinion la corruption comme une invention « zaïroise » de Joseph-Désiré Mobutu et ses tout premiers compagnons. Comme si il pouvait exister des corrompus sans corrupteurs…
En effet, tenant déjà à tout prix à substituer les animateurs des institutions démocratiques mises en place à l’indépendance par des « nègres de service » leur obéissant au doigt et à l’œil, les impérialistes avaient payé les consciences d’une clique d’inconscients qu’ils avaient recrutés. Le moniteur belge des années 1960, 1961, 1962,… fait état des consistantes lignes budgétaires se chiffrant en millions des francs belges alloués par le parlement belge à la corruption de la classe politique pour récompenser gracieusement tous ceux qui acceptaient de fouler aux pieds le Pacte Républicain de l’autodétermination du peuple congolais.
Comme la plupart des nationalistes lumumbistes épargnés par cette entreprise diabolique de suicide collectif, Mzee Laurent Désiré Kabila avait, à juste titre, fait rimer sa « révolution-pardon » – dont le vingtième anniversaire sera célébré le 17 mai dernier au grand dam des révisionnistes qui ont tenté perfidement de saboter cette date historique en organisant une marche pour prétendument dénoncer la régression démocratique qui aurait coïncidé avec cette date – avec l’impérieuse nécessité du renouvellement de la classe politique. Pour le troisième Président de la RD Congo, il était temps que les hommes politiques congolais cessent d’être des agents au service des puissances étrangères et qu’ils ne se sentent obligés que par le contrat social qui les lie au seul souverain qu’est le peuple congolais.
L’impossible conversion
Plongé dans les eaux les plus poissonneuses, un morceau de bois même bien sculpté ne deviendra jamais un poisson, dit le dicton. En dépit des gâchis causés par des interférences étrangères depuis l’indépendance et qui ont maintenu notre peuple dans une précarité de laquelle il a encore du mal à sortir, certains hommes politiques congolais, et non des moindres, ne se gênent pas à l’idée d’aller chercher auprès des bourreaux traditionnels de leur peuple des recettes pour conquérir un colifichet du pouvoir. Ils n’hésitent plus à brandir en guise de légitimation leurs entourloupettes immorales avec des dirigeants européens nostalgiques d’un passé colonial qu’ils ne se cachent pas de vouloir réinstaurer à vil prix. Cette inconséquence face aux multiples leçons de l’histoire est pour le moins répugnante et anachronique. Autant ceux qui sont passés à la trappe à l’aube de l’indépendance peuvent se voir accorder le bénéfice du doute en faisant amende honorable, autant ceux qui reproduisent de manière moutonnière leurs égarements en plein vingt et unième siècle méritent d’être cloués au pilori de l’histoire de notre quête légitime de souveraineté, condition sine qua non de la prospérité.
La diversion électorale
Il existe effectivement une convergence flagrante d’intérêts entre ceux qui, jadis, prenaient plaisir à diriger la République Démocratique du Congo par procuration et leurs laquais congolais. Ces derniers ont fini par se complaire d’un dégoûtant statut d’oligarques, vampirisant à souhait leurs propres compatriotes. Il s’ensuit que la démocratie, pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple, ne pouvait pas faire bon ménage avec une telle pègre. De ce fait, passer de législature en législature loin des parvis du pouvoir faute de n’y avoir pas été mandaté par le peuple devient un véritable casse-tête. C’est peu de dire les élections, aussi longtemps qu’elles se passeront dans les conditions de pluralisme et transparence sur lesquelles travaille la CENI, leur donnent le tournis. A partir de là, il convient d’interpréter leurs faits et gestes comme des manœuvres dilatoires visant à les faire échapper au couperet électoral. Et leurs maîtres à penser outre-mer n’en demandent pas plus pour faire pourrir le statu quo jusqu’au moment où leur interventionnisme sera perçu comme étant dans l’ordre des choses, dès lors que la preuve aura été apportée que la République Démocratique du Congo est une gageure pour ses élites congénitalement « inaptes à la gérer », et dont la gouvernance ne peut être envisagée que sous la voûte d’une tutelle « internationale ».
On ne peut expliquer autrement la complaisance avec laquelle ceux qui prétendent aux plus hautes fonctions dans l’appareil de l’Etat se sont amusés, sans alternative aucune, à récuser des calendriers électoraux aussi bien partiel que global. Il suffisait que le bout du tunnel électoral soit enfin en vue pour que l’opinion ait droit à une avalanche des faux fuyants, comme lorsqu’il fallait tourner en bourrique le gouvernement Samy Badibanga en acceptant de se soumettre à la logique du dialogue préalablement raillée, uniquement pour faire barrage à sa feuille de route principale qui était l’appui financier et sécuritaire à l’organisation urgente des élections par la CENI.
Avec un peu de lucidité et de clairvoyance, ces compatriotes qui perdent constamment la boussole dans leur boulimie malsaine du pouvoir auraient pu s’aviser de ne plus avoir recours à des intrigues obsolètes pour la simple et bonne raison que les temps ont changé, et que les Congolais n’accepteront plus d’être menés en bateaux par une horde d’aventuriers roulant pour des agendas qu’on ne cache plus…
Les terroristes « Kamwina Nsapu », bras armé des confusionnistes
Au début l’affaire ressemblait à une fable. Certaines voix tiraient dès la radicalisation du tristement célèbre chef Kamwina Nsapu la sonnette d’alarme sur la métastase à venir. La cuisante déculottée reçue par le leader historique de l’UDPS à la présidentielle de 2011 ne passait pas dans certains milieux où des plans revanchards ont commencé à être échafaudés, sans nécessairement jouir de la caution d’Etienne Tshisekedi, reconverti en partisan de la non violence et de l’Etat de droit après son expérience malheureuse à l’ombre de Mobutu dans les années 1960 et 1970. Quelques faucons dans sa base ethno-tribale semblent avoir fait le choix du pire, à en croire les dernières révélations du quotidien US The New York Times.
La rébellion armée classique étant jugée sans lendemain face à la puissance de feu de forces loyalistes que Joseph Kabila a organisé et restructuré pour en faire la 10ème armée d’Afrique, il aurait été décidé de puiser dans le mysticisme ancestral et la crédulité de très jeunes gens, parfois des enfants, pour tester une version kasaïenne des Maï Maï du Kivu. Dès le début de l’année passée, un charlatan aurait été mandaté par le fameux Kamwina Nsapu afin de récolter tous les gris-gris ambiants en terre luba-kasaienne dans le but d’en faire une arme fatale contre les forces de l’ordre et d’immuniser les combattants contre les balles de la police ou de l’armée. Les habitants du Kasai se souviennent effectivement d’un mystérieux exorciste muni d’une moustiquaire, qui passait de village en village récolter ces fétiches. Il suffisait, témoignent les riverains, que l’exorciste débarque dans un village et allume son feu sacré (Tshota en langue luba). Toute personne possédant des fétiches dans les alentours se voyait proposer de l’argent en échange des gris gris. La moisson du préposé de Kamwina Nsapu sera notamment abondante en terres luluwa, bakwanyambi, Kazumba, babindi et bakete. Avant de faire rapport au grand chef, l’exorciste ne réussira pas à subjuguer les pende, tshokwe, tetela et autres kuba qui lui refusèrent l’accès sur leurs terres. Ceci expliquerait, raconte-t-on, toutes les persécutions qu’endurent les ressortissants de ces groupes lorsqu’ils tombent entre les mains des terroristes.
Pour expérimenter l’invincibilité supposée de ses adeptes, Kamwina Nsapu engagea un bras de fer avec les forces de police. Et y perdit la vie non sans avoir envoyé à la mort une vingtaine de policiers. Son mythe était fondé en réalité sur la peur panique que les exaltés qu’il droguait systématiquement distillaient partout où ils passaient. Des sources affirment que les escarmouches au Kasaï central n’étaient qu’une préparation pour un assaut final programmé pour les 19 et 20 des mois de septembre au mois de décembre de l’année passée. Certains parmi eux, dont ceux qui savaient manipuler les armes de chasse et de guerre, auraient réussi à gagner la capitale grâce à l’aide de certains politiciens du coin. On les a vus à l’œuvre lors des émeutes de l’an passé, reconnaissables qu’ils étaient par leur patois et leur consommation du chanvre et de la viande de chien en pleine opération.
Ce qui semblait relever de l’affabulation vu de l’extérieur de l’espace kasaïen commence à rejoindre la certitude du réel à partir de vidéos des « exploits » macabres postés par ces exaltés eux-mêmes en guise de propagande pour frapper d’épouvante quiconque tenterait de leur résister. On les voit par exemple obliger faire le signe V cher au leader de l’UDPS lorsqu’ils entrent dans une localité. Le chef d’une bande à l’œuvre annonce clairement dans une des vidéos qu’ils ne cesseront les hostilités qu’après la nomination de Félix Tshilombo Tshisekedi comme Premier Ministre, selon leur propre interprétation de l’accord de la Saint Sylvestre.
Pendant ce temps, ceux qui croyaient profiter de leurs crimes se sont emmurés dans un silence sépulcral, se moquant souvent des efforts fournis par le gouvernement pour rétablir l’ordre. Au contraire, avec légèreté, ils ont pris en affection les terroristes utilisant le label Kamwina Nsapu que certains sont allés jusqu’à qualifier de « mon peuple » dans des tweets où il est fait aux forces de l’ordre le grief de tuer des terroristes. Pas un mot sur les meurtres rituels et les décapitations de pauvres innocents agents de l’Etat ou de la CENI ou des Congolais qui ont eu le malheur de croiser leur chemin et de ne pas parler la langue luba. Rien sur l’assassinat suivi des mêmes rituels de mutilation de cadavres des experts des Nations Unis malgré l’arrestation annoncées de quelques suspects.. Rien ! Aucune émotion !
Le galvaudage des dates historiques !
Un chroniqueur ayant pignon sur rue dans la capitale n’a pas caché son indignation à l’annonce par Félix Tshisekedi d’une marche du Rassemblement à la date historique du 17 mai 2017, qui est celle de la commémoration du 20ème anniversaire de la révolution congolaise emmenée par le lumumbiste Laurent Désiré Kabila. Sacrilège. Félix Tshisekedi a-t-il oublié que son Rassemblement à lui vit grâce notamment aux apports des grands bénéficiaires de cette « révolution-pardon » du 17 mai ?
En réalité, cette tendance à brouiller les pistes en désacralisant les dates charnières de l’histoire politique de la République Démocratique du Congo semble devenir la marque de fabrique de l’UDPS/messianique sous la férule du fils Tshisekedi à qui quelques proches, poussés par l’appât du gain facile, ont juré de léguer à tout prix l’héritage politique d’Etienne Tshisekedi.
Les Congolais ont encore en mémoire la sentence : « après le 30 juin 2005, 1+4=0 ». En clair, il fallait dissoudre tous les efforts de la transition dans les décombres du chaos sans se préoccuper de régler la question de la « légitimité » (sic !) de l’exercice du pouvoir par les premières élections démocratiques tenues en RDC depuis l’indépendance. Dix ans plus tard, ceux-là même qui avaient boycotté l’enrôlement des électeurs et le processus référendaire accusant le projet de constitution de tous les maux sont devenus des défenseurs fanatiques de la même constitution du 18 février 2006 promulguée par Joseph Kabila, et dont visiblement ils se foutent et de l’esprit et de la lettre. Tout ce qui importait était de faire revenir le pays à la case de départ en galvaudant des dates dites constitutionnelles au profit des agendas de leurs sponsors étrangers.
Insoutenable légèreté d’acteurs politiques sans foi ni lois…
JBD
DIVERSION ELECTORALE EN RD CONGO : Kamwina Nsapu : le bras armé des confusionnistes
