En République Démocratique du Congo L’Eglise catholique s’embourbe maladroitement sur l’arène politicienne, se noie dans la corruption la plus abjecte et tente maladroitement de faire avaler des grosses couleuvres à ses ouailles en justifiant ce dévoiement par une prétendue mission « prophétique ». Plus de doute possible.
L’implication des évêques catholiques dans des dossiers louches visant la déstabilisation des institutions de la RDC est flagrante. Ils ont cessé d’incarner « l’Eglise au milieu du village » et s’alignent désormais sur les positions surannées du clergé du temps colonial. On sait que le Roi Léopold II qui avait réussi à convaincre ses pairs européens lors du dépeçage de l’Afrique à la conférence de Berlin de 1885 de lui attribuer l’actuel Congo-Kinshasa quitte à faire de ce véritable scandale géologique une colonie ouverte aux appétits de toutes ces puissances mercantilistes. Et que pour contrôler ce mastodonte, le Roi des Belges avait eu recours à la bien-nommée « trinité coloniale », c’est-à-à-dire, une administration coloniale adossée sur la force publique de triste mémoire, les sociétés à charte, particulièrement la société générale avec ses multiples tentacules, et l’Eglise catholique romaine dont les prêtres n’étaient rien moins que des fonctionnaires salariés de l’Etat colonial comme d’autres. C’était la parfaite alliance entre le sabre et le goupillon. Elle avait fonctionné sans accrocs jusqu’à la fin de l’ère coloniale.
Lorsque Patrice Lumumba et ses compagnons se mobilisent à la fin des années ’50 contre la colonisation, des nostalgiques en Belgique rament à contre-courant de l’Histoire et recrutent des « collabos » parmi les Congolais pour bloquer la machine ou la faire dérailler. Quelques membres des élites politiques congolaises répondent présents à cette sollicitation contre-nature. Ils sont regroupés notamment au sein d’une formation politique dénommée Parti national du progrès, le PNP, qui deviendra dans la savoureuse historiographie sociopolitique congolaise « PeNePene na mindele » (littéralement : « près des blancs »). Ils ne sont pas les seuls. Par conformisme ou dans un sursaut purement corporatiste, des membres du clergé catholique, Belges et Congolais, se lancent eux aussi, dans une virulente campagne de dénigrement du mouvement indépendantiste. « Je me souviens d’une cérémonie eucharistique organisée dans notre paroisse et au cours de laquelle, le prêtre, un compatriote, nous avait invité à prier et à faire pénitence pour que les funestes projets des aventuriers qui veulent arrêter la marche de la civilisation en invoquant à tort des termes comme l’indépendance puissent échouer », témoigne un septuagénaire retraité de l’enseignement. Un commerçant de Matadi affirme pour sa part avoir entendu de ses oreilles un prêtre belge lancer du haut de sa chaire des imprécations contre « le dangereux communiste Lumumba qui veut vous mener sur une voie sans issue, une voie que tous les bons chrétiens doivent combattre parce que si le communisme triomphe dans votre pays, votre vélo sera la propriété de tout le monde, votre maison sera à la disposition du tout venant. Même votre épouse… ».
PNP et Rassemblement de Genval : troublantes similitudes
L’éviction physique du père de l’indépendance congolaise, Patrice-Emery Lumumba, sera de la sorte amplement justifiée en son temps par la hiérarchie de l’Eglise catholique romaine du Congo qui, depuis, n’a jamais procédé à une quelconque autocritique à ce sujet, se contentant de lancer des anathèmes « prophétiques » (sic !) contre toutes les institutions politiques du pays, accusées, à tort ou à raison, de louvoyer dans la mise en œuvre d’une démocratisation taillée sur mesure pour des intérêts étrangers.
A ce jour, il est évident que la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) roule pour les néolibéraux belges qui semblent avoir résolu de profiter des difficultés de la RDC pour remettre le grappin sur l’ex colonie avec l’appui d’une partie inconsciente et inconséquente de la classe politique congolaise. Raison pour laquelle les évêques sont sortis du bois pour obtenir « coûte que coûte » la fin des poursuites judiciaires contre Moïse Katumbi afin de lui permettre de rentrer au pays pour y déposer sa candidature à la prochaine élection présidentielle.
Le chairman du Tout Puissant Mazembe est donc l’oiseau rare que les néolibéraux au pouvoir dans l’ancienne métropole et leurs réseaux tant en Europe qu’aux Etats-Unis ont choisi pour diriger la RDC, non pas parce qu’il a un projet de société de quelque nature que ce soit pour le peuple de ce pays, mais uniquement en raison des promesses mirobolantes que ce businessman leur a faites dans l’eldorado minier qu’est la RDC. Fidèle allié et serviteur des intérêts de quelques gros caïmans de la haute finance internationale qu’il a toujours défendu avec acharnement pendant ses dix années à la tête de la province minière du Katanga, Katumbi avec son pedigree, n’est en outre pas susceptible, une fois placé au pouvoir, de regimber contre les oukases de ces mentors impérialistes à l’instar d’un Mzee Laurent Désiré Kabila et de son fils et successeur, l’actuel président Joseph Kabila.
L’alibi de l’inclusivité au service de la radicalisation
C’est ce camp de la remise de la RDC sous coupe réglée de quelques capitalistes européens que la CENCO a décidé de soutenir contre vents et marrées. En contribuant à la stratégie de leurs agents d’influence consistant à discréditer l’Union africaine dans sa tentative de résoudre la crise de confiance entre les acteurs politiques congolais à travers l’accord politique du 18 octobre 2016. Et en prenant fait et cause pour l’aile radicale (ou extrémiste) du Rassemblement de l’opposition dans toutes ses tentatives de déstabilisation du pays à l’issue des discussions directes entre forces politiques signataires et non signataires de l’accord du 18 octobre 2016 en date du 31 décembre.
Donatien Nshole, le volubile Abbé Secrétaire général et porte-parole de la CENCO qui avait embouché les trompettes pour vitupérer contre le caractère « non inclusif » du dialogue d’octobre 2016 facilité au nom de l’Union africaine par le sémillant diplomate togolais Edem Kodjo, n’avait curieusement trouvé aucun inconvénient à aller se pavaner au conclave du Rassemblement de l’opposition qui venait d’être porté sur les fonts baptismaux à Genval, une banlieue de Bruxelles… Pince sans rire, il a déclaré qu’il s’agissait pour l’Eglise catholique de convaincre les membres de cette plateforme téléguidée de s’asseoir à la même table que le reste de la classe politique et sociale congolaise !
En fait, ce conclave du Rassemblement pro-belge n’avait eu comme seul objectif que d’affûter les stratégies pour la radicalisation du plus grand nombre possible d’acteurs politiques et sociaux de la RDC pour créer les conditions idéales d’une version locale des « printemps » arabes dont on peut apprécier à ce jour les résultats en Libye et en Irak.
C’est donc toute honte bue que les évêques catholiques prêtent main forte aux impérialistes et à leurs laquais en RD Congo. Ils ont pratiquement vendu leur entregent aux plus offrants pour booster une opposition aux abois depuis la signature de l’accord de la Cité de l’Union Africaine le 18 octobre 2016, la circonvenir pour la pousser à démolir les résolutions pertinentes de l’accord politique signé grâce à la médiation africaine et promouvoir une sorte d’affrontement au corps à corps entre elle et tous ceux qui, dans le cadre de cet accord, avaient convenu de solutions non conflictuelles pour faire aboutir un processus électoral transparent et apaisé conformément aux prescrits de la constitution !
Toute honte bue
Subterfuges et dissimulation ont été mises à contribution par les évêques pour convaincre le président de la République, Joseph Kabila, de leur confier une mission des bons offices entre les parties signataires de l’accord du 18 octobre 2016 et l’aile extravertie de l’opposition congolaise. Par un retournement inattendu de la situation, les discussions facilitées par les évêques aboutirent à un nouvel accord taillé sur mesure pour les extrémistes du Rassemblement, les autres parties prenantes ayant accédé à l’idée d’un round de négociations plus inclusives et à la signature d’un nouvel accord, celui du 31 décembre, superposé sur celui du 18 octobre 2016. Un pied de nez au principe de l’« African ownership » (solutions africaines aux problèmes africains) cher à toutes les instances représentatives du continent. Les tireurs des ficelles non africains cachés dans les placards de la « communauté internationale » poussent ainsi audacieusement leurs pions sous les soutanes des calotins rd congolais. Le comble du ridicule sera atteint lorsque à l’instigation des Européens le président de la CENCO, Mgr Marcel Utembi, flanqué de l’inénarrable Abbé Donatien Nshole, fera le déplacement de New York pour proclamer devant le Conseil de sécurité des Nations Unies l’illégitimité de toutes les institutions politiques en place en RD Congo, en violation délibérée de la lettre et de l’esprit de la constitution et des pouvoirs dévolus par les articles 69 et 70 de ladite constitution à celui qui avait confié à l’épiscopat la mission des bons offices qui lui fournissait ainsi l’occasion de pérorer au siège de l’ONU !
Le « Plan B » des évêques : Une tutelle étrangère sur la RDC
Jusqu’au 31 décembre 2016, tout semblait marcher comme sur des roulettes. Il ne restait qu’à finaliser la mise en œuvre de l’accord politique de la Saint Sylvestre avec l’arrangement particulier. Les têtes couronnées de la CENCO donnaient cependant l’impression d’être mal à l’aise avec ce résultat qui était en principe un succès, quoique en demi-teinte pour eux. Il consistait à organiser un cycle de trois élections (présidentielle, législatives nationales et provinciales fin 2017) avec un gouvernement d’union dirigé par un membre de l’opposition issu de la plateforme du « Rassemblement » tout en respectant la constitution dans sa lettre et dans son esprit en ce qui concerne toutes les institutions électives issues des scrutins de 2011. C’était un bon compromis qui était la solution idéale et la moins coûteuse en temps, la Commission électorale ayant entrepris de préparer les échéances électorales en procédant à l’enrôlement des électeurs. Mais il faut croire que les voies des évêques catholiques rd congolais sont aussi insondables que celles du Seigneur. Après qu’ils aient fait rapport au Chef de l’Etat de la fin de leur mission des bons offices en faisant constater le « succès à plus de 90% » de celle-ci et en s’en remettant pour la finalisation de ce qui restait au leadership présidentiel qu’ils ont ‘expressis verbis’ invité à « s’assumer », ils sont revenus à la charge dès que le Président, après une série de consultations avec la classe politique, annonça la nomination de Bruno Tshibala Nzenze, le porte-parole du Rassemblement aux fonctions de Premier ministre chargé de former le gouvernement d’union pour la période préélectorale et électorale. Se prévalant cette fois d’une mission « prophétique », des prélats auto-constitués on ne sait trop sur quelle base en « groupe de suivi de l’accord politique » se sont élevés pour faire chorus avec Félix Tshilombo Tshisekedi, candidat malheureux au prestigieux strapontin et qualifier l’initiative présidentielle de « non conforme à l’accord du 31 décembre ». Une usurpation flagrante des pouvoirs de nomination du Premier ministre et d’arbitrage dévolus par la constitution au seul Président de la République.
« Les intentions de ces évêques-là ne sont pas nettes à l’égard des Intérêts Nationaux du peuple congolais », s’insurge un prêtre séculier de la capitale qui a tenu à conserver l’anonymat. « C’est la Divine Providence qui a voulu déjouer leur plan machiavélique de recolonisation du pays auquel ils se sont prêtés avec leur sacré toilettage apporté au texte de l’arrangement particulier qui n’est qu’une véritable tentative de coup d’Etat constitutionnel », ajoute-t-il ironiquement. Et de fustiger particulièrement les nombreux ajournements des séances lors des discussions directes du Centre interdiocésain de Kinshasa, ainsi que les contacts « sulfureux » entre les évêques et les missions diplomatiques européennes à Kinshasa, de même que leurs voyages à Rome, Genève, Paris, Bruxelles, Washington et New-York en Suisse, en Belgique et à la ferme ‘Futuka’ du Haut Katanga, propriété du richissime ex. gouverneur Moïse Katumbi, l’homme-lige des néo-libéraux belges qui contrôle effectivement le Rassemblement de l’Opposition créé au Palais de Genval. Ils y auraient fait une moisson abondante de « dîmes politico-prophétiques » en billets verts après avoir reçu les dernières recommandations de Didier Reynders et de Jean-Marc Ayrault, ces ennemis déclarés de Joseph Kabila qu’ils ont juré de remplacer à la tête de la RDC par un président plus docile.
Baroud d’honneur
La mort du leader historique de l’opposition congolaise Etienne Tshisekedi le 1er février 2017, aura plongé dans le désarroi tout ce petit monde de conspirateurs. Les néolibéraux belges et leurs poulains du Rassemblement aile Limete et de la CENCO qui comptaient sur l’aura du sphinx de Limete pour intoxiquer la masse et réussir des mouvements d’insurrection violente susceptibles de raser le pouvoir et permettre aux baroudeurs et autres sapeurs-pompiers aux aguets en Occident d’imposer un « régime spécial » qui n’était rien d’autre qu’un coup d’Etat.
Etant tombée dans leur propre piège, la CENCO et ses affidés s’efforcent de limiter les dégâts en se lançant dans une furieuse campagne internationale contre les conclusions des consultations conduites par le président Kabila ayant abouti à la nomination le 7 avril 2017 de Bruno Tshibala, proche collaborateur jusqu’au bout de feu Etienne Tshisekedi. Ce mouvement de yoyo a provoqué une onde de choc au sein du Rassemblement de l’opposition lui-même où le Groupe des alliés à Etienne Tshisekedi dirigé par Jean-Pierre Lisanga Bonganga et la Dynamique de Joseph Olenghankoy ont dénoncé en chœur la prise de contrôle du RasOp par Moïse Katumbi. Ils ont tous apporté leur soutien au Premier ministre Tshibala. La réaction épidermique de Félix Tshisekedi (auto-exclusion des « insolents ») n’a comme conséquence que de relancer de plus belle les vieilles fissures des murs de l’opposition datant certes, des années 1990 alors que même que Valentin Mubake en rajoutait une couche en revendiquant pour lui le précieux strapontin qui lui aurait été promis par le grand disparu…
Le Rassemblement de l’opposition est ainsi victime de ses propres turpitudes. Il nage au gré des vagues et en voulant se faire cornaquer par une Eglise catholique déjà épinglée par l’histoire comme un auxiliaire parfait du néocolonialisme, montre sa véritable face de bras séculier de l’impérialisme, trop près (PeNePene) de l’impérialisme. Une église dont les têtes couronnées jamais désavoués par leurs héritiers de ces temps avaient soutenu en 1960 la neutralisation politique et l’assassinat de Patrice Emery Lumumba. C’est en vain que les Congolais attendent une revisitation critique par la CENCO de cette page de l’histoire de l’Eglise catholique dont les précurseurs révérés avaient brillé par des prêches incendiaires contre Lumumba le « dangereux communiste » accusé de vouloir « vendre le Congo aux soviétiques » et dont l’idéologie qualifiée fallacieusement de « communiste » prônait « une politique diabolique de mise en commun de tous les biens d’usage courant, y compris vos femmes ».
Comme pour narguer les patriotes et nationalistes victimes de l’éternelle collusion entre leur congrégation et les hérauts de la recolonisation, le bon Abbé Nshole a déclaré ‘urbi et orbi’ à la télévision : « Nous allons nous battre ! ». Toute la question est de savoir contre qui et pour quoi…
Le Maximum & Gaspard MUGARUKA B-M