Enlevés le 12 mars dernier à la hauteur du pont Moyo au Kasaï Central sur la route Bukonde-Tshimbulu, les corps des experts onusiens, Michael Sharp et Zahida Katalan et de leur interprète rd congolais, Betu Tshindela, ont été retrouvés le 27 du même mois enfouis dans une fosse commune non loin du lieu où ils avaient été aperçus pour la dernière fois par des villageois. Détail horrible, la tête de la jeune suédoise avait été tranchée et n’a pas été retrouvée, sans emportée par les terroristes qui les ont tués pour des rites fétichistes. Demeurent encore introuvables à ce jour, les trois motocyclistes congolais qui accompagnaient les deux infortunés membres de l’équipe d’experts des Nations-Unies partis, selon toute vraisemblance à la recherche de preuves d’atteintes aux droits de l’homme dans cette région rd congolaise secouée depuis plusieurs mois par les exactions du groupe terroriste Kamwina Nsapu, du nom d’un chef coutumier tué lors d’affrontements avec les forces de l’ordre qu’il avait attaqué l’année dernière, les accusant d’avoir « profané » sa résidence à la suite d’une perquisition.
La découverte des corps des chercheurs onusiens a suscité un vif émoi aussi bien à Kinshasa qu’à travers le monde. Mercredi 5 avril, au cours d’un discours devant les deux chambres parlementaires congolaises réunies en congrès, le président Joseph Kabila a promis châtiment exemplaire aux auteurs de ce crime et d’autres qui ont ciblé des centaines de policiers et des civils dans la région qui, selon le N°1 congolais « ne resteront pas impunis ». Peu avant le Chef de l’Etat rd congolais, Antonio Guterres, le nouveau patron de l’ONU, avait dit sa confiance dans la justice rd congolaise pour démêler l’énigme qui entoure l’assassinat odieux des deux chercheurs onusiens au centre de la RDC.
Rapatriés à Kinshasa depuis quelques jours, les dépouilles de Michael Sharp et Zahida Katalan ont été rapatriés dans leurs pays d’origine a déclaré David Gressly, le représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations-Unies en RD Congo. Mais cela n’enlève rien à l’émotion, très vive, qui a secoué les âmes bien pensantes qui s’interrogent encore sur les conditions de la survenue d’un drame qui, selon plusieurs observateurs, aurait pu être évité s’il avait existé une collaboration élémentaire entre les structures onusiennes et les autorités de la RD Congo.
Des sources au Secrétariat général de l’ONU à New York rapportent, en effet, que depuis le début de leurs enquêtes sur la situation au Kasai Central, Michael Sharp et Zahida Katalan avaient été chaperonnés par la célèbre chercheuse senior américaine de l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch (HRW), Ida Sawyer. « C’est elle qui leur a recommandé ses propres réseaux, notamment l’interprète et divers autres collaborateurs locaux dans la région du Kasaï Central », assure cette source onusienne interrogée en marge de la dernière session du Conseil de sécurité de l’ONU sur la RD Congo. Préposée de Hrw, Ida Sawyer est quasiment interdite de séjour en RD Congo depuis que les services d’immigration de ce pays avaient refusé de renouveler son visa il y a plusieurs mois. Depuis lors, Mme Sawyer a tenté sans succès de se réintroduire clandestinement sur le territoire rd congolais via la ville de Goma par des méthodes jugées frauduleuses par les autorités congolaises qui l’ont expulsé sans ménagements. Elle s’est alors mise à publier régulièrement des « rapports sur la situation des Droits de l’Homme en RDC » en les datant de… Kinshasa comme si elle s’y trouvait alors qu’en réalité elle se sert de relais locaux pour effectuer ses enquêtes sur les violations des droits humains au pays de Joseph Kabila dont elle semble avoir pris le gouvernement en grippe. Un officiel onusien qui a préféré gardé l’anonymat a confié à nos rédactions que la chercheuse senior de Hrw semble avoir décidé de mettre à profit les résultats des recherches de Michael Sharp et de Zahida Katalan dans la province congolaise du Kasaï Central où des rumeurs persistantes sur l’existence de fosses communes faisaient rage depuis plusieurs semaines contre le gouvernement de Kabila. Le commentaire diffusé par Ida Sawyer à l’annonce de la mort tragique des deux chercheurs est assez éloquent à cet égard : « Nous adressons nos plus sincères condoléances aux familles, aux collègues et aux amis de Michael et de Zahida, qui ont perdu la vie alors qu’ils oeuvraient pour la vérité, la justice et pour mettre fin aux violences et aux abus que les Congolais de la région du Kasaï et ailleurs subissent depuis longtemps. Nous espérons que les efforts de recherche de l’ONU permettront de localiser rapidement Betu, Isaac, et leurs deux autres collègues congolais », a-t-elle écrit, ignorant manifestement que le pauvre Betu avait été retrouvé dans la même fosse que les deux enquêteurs onusiens, la Monusco n’ayant communiqué que sur les deux victimes expatriés…
A Kinshasa, certaines autorités dissimulent de plus en plus mal leur agacement vis-à-vis des méthodes de travail onusiennes. « Il aurait suffit que les autorités locales du Kasaï Central soient informées du séjour des deux chercheurs pour que le drame soit évité », explique au Maximum un cadre du ministère de l’intérieur. Pour cet expert en matière de sécurité, les deux chercheurs auront commis l’erreur d’éviter tout contact avec les officiels « sans doute parce qu’ils étaient venus dans le pays avec la conviction que les crimes de masse et autres violations des droits humains sur lesquels ils devaient enquêter et trouver des preuves ne pouvaient être que le fait desdites autorités ». Autrement, ils ne se seraient pas hasardés sans aucune précaution dans une région où les Forces régulières (FARDC) et la Police nationale qui y avaient affronté des bandes de terroristes venaient de perdre plusieurs dizaines d’hommes. Interrogé, le chef de la police de Kananga a vivement déploré cette attitude cachotière. « On aurait pu leur déconseiller cet itinéraire dangereux ou au moins leur offrir une escorte pour leur sécurité », a-t-il dit.
La faute à un accord de siège – le fameux document qui détermine les relations entre la mission onusienne en RD Congo et les Nations-Unes – assurément mal négocié. Un diplomate africain en poste à Kinshasa stigmatise à cet effet le fait qu’en Lybie où il a été affecté après Kinshasa, l’ancien représentant du secrétaire général de l’ONU, Martin Kobler, n’a même pas le droit de prendre contact avec les populations et qu’au Soudan, un aéronef de la mission onusienne ne peut prendre les airs sans avoir obtenu le feu vert des autorités gouvernementales et/ou locales de ce pays. Tout le contraire du Congo-Kinshasa où la mission des Nations-Unies s’est vue octroyée carrément un terminal qui échappe totalement aux services des migrations, à la porte d’entrée du pays, l’aéroport international de N’djili !
En tout état de cause, la responsabilité de Mme Ida Sawyer dans le passage de vie à trépas des deux malheureux chercheurs onusiens semble patente. De Kananga, les sources du Maximum renseignent que les proches d’Isaac Betu Tshindela, l’interprète congolais tué en compagnie des chercheurs onusiens s’estiment en droit de réclamer des dommages-intérêts de la chercheuse senior de Hrw qui, en cherchant à instrumentaliser le jeune homme pour assouvir sa volonté d’en découdre avec le régime de Joseph Kabila, l’a conduit avec Michael Sharp et Zahida Katalan vers le traquenard qui leur a coûté la vie.
J.N.