Ça rétropédale ferme dans les relations entre la RD Congo et les Nations-Unies. Depuis que l’ancien premier ministre du Portugal, Antonio Guterres, a pris les commandes de l’organisation mondiale le 1er janvier dernier. Au départ de son prédécesseur, le japonais Ban-ki-Moon (qui proposait la réduction de la présence onusienne), la RD Congo et l’ONU en étaient au dialogue stratégique : des réunions au sommet entre la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation de la RD Congo (MONUSCO) et le gouvernement rd congolais pour évaluer l’efficacité de la présence des casques bleus avant toute reconduction du mandat de la plus grande mission onusienne jamais diligentée dans un pays, forte de la bagatelle de 20.000 hommes. Parce que le gouvernement rd congolais, avec lui une partie de plus en plus importante de sa population, nourrissaient des motifs d’insatisfaction quant au rendement de la force onusienne. De l’insatisfaction entretenue par un certain nombre scandales, dans les régions de l’Est du pays, où des civils avaient parfois été massacrés à quelques mètres de stations onusiennes. A Goma, dans la province du Nord-Kivu, c’est à peine si les casques bleus onusiens n’avaient pas agressés par des populations en furie … contre ce qu’elles considéraient comme leur indolence.
Le dialogue stratégique, c’est comme s’il faut le conjuguer au passé, désormais. Parce que le 10 mars 2017, le nouveau secrétaire général des Nations-Unies, l’Européen Antonio Guterres, a unilatéralement relancé l’idée du renforcement des 20.000 hommes de troupes onusiennes en RD Congo. Prenant ainsi quasiment le relais d’un autre européen, l’allemand Martin Köbler, qui a passé son mandat à la tête de la Monusco en RD Congo à conditionner toute réduction du nombre des casques bleus à une batterie de principes à respecter en matière de droits de l’homme, crimes sexuels, etc. Antonio Guterres a demandé au Conseil de sécurité des Nations-Unies l’envoi de 320 casques bleus supplémentaires en RD Congo, « par craintes de possibles poussées de violences avant les élections … » et aussi pour aider à protéger les civils. Le Secrétaire Général des Nations-Unies propose que ces nouvelles unités soient déployées à Lubumbashi et à Kananga où il n’y a pas de police de l’ONU pour le moment, selon une dépêche de l’Afp datée du 11 mars courant. Il a également requis 36 véhicules blindés de transport de troupes supplémentaires pour les Casques bleus, selon la même source.
La demande d’augmentation des troupes de la Monusco, et donc aussi la prolongation du mandat onusien en RD Congo attendue fin mars, comme chaque année, intervient après une véritable de campagne de dénonciations des crimes des droits humains, œuvre du Bureau Conjoint des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme à Kinshasa (BCNDH), dont le gouvernement a vivement dénoncé les lacunes et les incuries. Notamment, parce que les atteintes dénoncées ne sont pas suffisamment documentées et s’interdisent toute vérification par la partie rd congolaise. Plus encore, ce sont ces dénonciations, œuvres d’officines proches des milieux de l’opposition politique rd congolaise, qui semblent avoir motivé l’adoption et la publication de conclusions, très proches de l’arbitraire, par le Conseil de l’Union Européenne lundi 6 mars courant. Soit 4 jours seulement avant la demande d’Antonio Guterres, ce qui laisse planer comme un air de complot contre les institutions rd congolaise. « L’enfer parait coordonné comme un accordéon », commente un diplomate rd congolais en séjour à Kinshasa, interrogé par Le Maximum.
380 Casques bleus de plus sur les 20.000 déjà en place peuvent-ils améliorer la situation sécuritaire en RD Congo ? Kinshasa en doute, si elle n’en rigole pas carrément. Déjà, pour venir à bout de la rébellion du dite du M23, il avait fallu faire appel une brigade supplémentaire d’intervention rapide composée de troupes africaines essentiellement et dirigée par un commandant brésilien. Que peuvent quelques centaines de policiers de plus ?
Il est donc clair que d’augmentation de troupes onusiennes, Kinshasa ne veut guère. Le gouvernement rd congolais plaide plutôt, depuis des lustres, pour une affectation plus rationnelle des casques-bleus, essentiellement dans les points chauds du territoire national. C’est ce que Lambert Mende Omalanga, le ministre de la communication et des médias et porte-parole du gouvernement, explique que : « Nous avons de sérieux problèmes de sécurité qui ne se résolvent en termes de renforcement quantitatif, mais plutôt qualitatif. Il y a déjà une force importante de la Monusco ici, mais qui travaille selon des stratégies de guerre conventionnelle face à ces groupes qui utilisent de méthodes asymétriques. Nous allons étudier tout cela. Le renforcement quantitatif ne va pas résoudre le problème, mais si ce en terme des stratégies militaires qualitatives, nous sommes intéressés. Il faut que la Monusco adapte sa réponse aux dangers en face. » La rengaine tourne à la supplication : là où Kinshasa sollicite des changements qualitatifs, les Nations-Unies imposent la quantité, qui ne résout rien aux problèmes.
Fin février dernier, à l’occasion du sommet de l’UA à Addis-Abeba, Léonard She Okitundu, le vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères rd congolais avait pourtant longuement débattu de la question avec le même Antonio Guterres, dans la cadre du dialogue stratégique entre les deux parties lui légué par Ban ki Moon. « Pour réfléchir autour de l’évaluation de l’efficacité de cette mission en vue de la restauration de la paix », avait expliqué le plénipotentiaire rd congolais à la presse. Ça, c’est circonlocutions diplomatiques. En langage clair, la RD Congo et un certain nombre de ces partenaires du contient jugent la mission onusienne inefficace. C’est qui a été affirmé à Dar-es-Salam le 24 février dernier, quelques heures seulement avant le sommet d’Addis-Abeba où les ministres des Affaires Etrangères de la SADC ont constaté et fustigé cette inefficacité. «Au Conseil de Sécurité, le mois prochain, il y aura le débat sur la reconduction du mandat de la MONUSCO. Ici, on a constaté l’inefficacité des forces des Nations Unies en RDC pour l’éradication des groupes armés. La question qui a fait débat est de savoir pour quelle raison, depuis bientôt 20 ans, la mission des Nations Unies n’accomplit pas sa tâche. Alors qu’on est dans le cadre juridique du chapitre 7 de la Charte de l’ONU qui implique le recours à la force, tout se fait en RDC comme si nous étions dans le cadre du chapitre 6, donc dans les négociations. Je crois que cette phase est dépassée ; aujourd’hui, il s’agit d’utiliser la force pour rétablir la paix au Congo. On a constaté aussi que la brigade d’intervention s’est impliquée alors que les vingt mille hommes ne sont pas utilisés dans le cadre du chapitre 7», déplorait carrément le Chef de la diplomatie rd congolaise. Ce n’est pas l’entendement du nouveau SG des Nations-Unies qui donne l’impression de croire que 380 Casques-bleus supplémentaires peuvent opérer des miracles à Kananga et à Lubumbashi.
J.N.
RENFORCER LA PRESENCE D’UNE FORCE DE 20.000 HOMMES ? Un air de complot chez Antonio Guiterres
