Samy Badibanga n’a encore donné suite au mémo des services publics (SCTP ex-ONATRA, OGEFREM, DGDA, OCC…) opérant au port international de Boma sur la levée du décret de son prédécesseur Matata interdisant l’importation de véhicules de plus de dix ans d’âge. Pourtant, l’onde de choc de cette mesure jugée suicidaire se ressent jusqu’à Kinshasa et donne des arguments au Bundu Dia Mayala ex-BDK de Ne Muanda Nsemi.
Le député Fabrice Mpwela, élu au Kongo central, déplore que le gouvernement ait la sourde oreille aux doléances de services précités alors que la situation va de mal en pis. Particulièrement pour la population active de la province.
Pourtant le mémo des services publics rejoint le coup de gueule du gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Deo Gracias Mutombo sur le fameux décret de Matata. Depuis que cette mesure est entrée en application, le mécontentement est général dans Boma et a gagné l’autre ville portuaire, Matadi. Ces deux principales villes de la province du Kongo-Central dépendent majoritairement de l’activité économique au port. Or il se fait que c’est le marché d’occasions (bill of cost dit bilokos en parler rd-congolais), essentiellement les véhicules qui fait tourner à plein régime les deux ports, et donc fait vivre la grande partie de la population. Il sied de rappeler que Matata a fondé son décret sur «la volonté de limiter l’impact nuisible des véhicules polluant l’environnement » La ville de Boma a été dernièrement rudoyée par une pluie diluvienne ayant causé plus de 50 morts et plusieurs disparus, vit économiquement en grande partie grâce au vieux port public. La tension sociale qui couvait depuis l’application de cette mesure a monté d’un cran et est actuellement davantage perceptible, font comprendre les responsables des syndicats des services commis à ce port. L’appel à la désobéissance civique et à la chasse aux non-originaires de la province du Kongo-Central, lancé par le gourou du mouvement politico-religieux Bundu-dia-Kongo, le député Ne Muanda Nsemi, pourrait avoir un large écho dans la ville en raison de la précarité sociale, redoute ce cadre de la SCTP, ex-ONATRA. Le nombre des véhicules importés a sensiblement baissé, entraînant des conséquences néfastes sur la vie économique de Boma. Les navires qui ramenaient plus de deux mille voitures à Boma, en déchargent actuellement moins de cinq cents. Par conséquent, les recettes liées à l’importation ont sensiblement baissé, au détriment de tous les services précités.
Plusieurs agences en douane ont fermé leurs portes, faute de marchés. Livrés à l’oisiveté, certains jeunes déclarants ont fini par se lancer dans le grand banditisme dans la ville. Le gouverneur de la province du Kongo-Central, Jacques Mbadu, est, en effet, passé outre ce décret qui contraint notamment tout importateur soit à détruire soit à réexporter à ses propres frais tout véhicule d’occasion vieux de plus de 10 ans au moment de son dédouanement. Jacques Mbadu a, en effet, obtenu des hautes instances politiques du pays qu’un navire longtemps amarré à Boma déchargeât sa cargaison des centaines de voitures d’occase. Il a évoqué des raisons « d’impérieuse nécessité » pour sa province qui suffoquait déjà économiquement à la suite de ce décret. Et de l’avis des experts, les ports de Boma et Matadi étant la plaque-tournante de l’économie nationale, l’impact de la mesure devait affecter d’autres segments de l’économie nationale.
En RDC, la DGDA n’a pas encore publié les recettes des importations de véhicules aux conditions posées par le gouvernement. Seule certitude, ces recettes se sont réduites comme peau de chagrin, faute d’autoriser l’entrée en RDC des teufs-teufs de plus de 10 ans. Pourtant, le gouvernement a installé des centres de contrôle technique, notamment dans la capitale, afin de détecter toute anomalie sur un véhicule. Ce check-up, foi de cet importateur auto, coûte au bas mot 75 dollars. L’on sait qu’aux dernières estimations de la Commission nationale de prévention routière (CNPR), au moins de 280 000 véhicules roulaient à Kinshasa, il y a près de 5 ans. En 2015, le gouvernement s’est engagé à implanter une usine de montage des véhicules dans la capitale. Rien n’est venu depuis lors. Par ailleurs, la législation congolaise a établi une dizaine de taxes et autres droits pour importer un véhicule au port de Boma, qui compte parmi les ports de plus chers du monde, selon des déclarants en douane. Pour un véhicule d’occase acheté à 1 000 euros en Europe, il faut payer 4 000 dollars à la douane, sans compter les sempiternels pourboires. Plutôt des déboires pour les services de l’État.
Ruth Bakomba Nadine Kingombe, Hélène Otshumba