Ambiance particulièrement morne, lundi 20 février 2017 avant-midi encore, à l’église catholique St Dominique situé à quelques mètres de la maison communale de Limete. Ça saute aux yeux au premier coup d’œil : le portail, toujours ouvert comme dans tous lieux de culte, reste hermétiquement fermé. Le portique de l’église aussi. Mais aussi, cette escouade d’éléments de la police nationale congolaise, armés jusqu’aux dents, qui bivouaquent carrément à l’ombre en face de l’église. N’importe qui saurait qu’ici c’est passé quelque chose qui sort de l’ordinaire.
Les faits remontent aux petites heures du jour, dimanche 19 février 2017 : des individus à l’évidence mal intentionnées ont pris d’assaut la petite église. Une vingtaine, selon les témoignages de la sentinelle rapportés au Maximum par des paroissiens encore sous le choc, le même jour autour de 10 heures. Ils s’en sont particulièrement pris au tabernacle, aux statues de la Ste Vierge Marie, renversant et cassant tout sur leur passage. A côté d’un cierge, une bouteille en plastique : « elle contenait de l’essence. Ils ont tenté de mettre le feu à l’église à allumant les bougies. Mais ça a échoué », explique un servent, convaincu qu’il s’agit d’un miracle.
A St Dominique, ce dimanche matin, et un peu partout à Kinshasa et en RD Congo depuis cette profanation, une seule question, insistante : qui a bien pu oser en arriver là ? « Les cheveux se dressent sur ma tête. J’assiste à la messe chaque matin, je n’ai jamais osé dépasser le tabernacle, par respect pour le lieu », fulmine un paroissien. Qui ne peut pas dissimuler ses soupçons, les mêmes qui trottent derrière la tête de chacun ici, même si nul n’ose crever l’abcès : « C’est tout de même dans cette église que venait prier le « Vieux » !, lâche-t-il. Le « Vieux », c’est naturellement Etienne Tshisekedi, le leader de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), le parti politique qui s’oppose aux pouvoirs politiques rd congolais depuis les années ’90. Sa résidence est située non loin de l’église, sur la 10ème rue Limete. En fait, le paroissien ne comprend pas que des combattants s’en soient pris au lieu de culte de leur mentor ! Parce que presque tous ici sont convaincus que les profanateurs se recrutent dans les rangs de ses partisans farouches. Il y avait de quoi.
C’était l’église du “Vieux”
La veille, des paroissiens, mais aussi le curé de St Dominique qui s’est confié à la presse, l’assurent, des tracts menaçant églises, écoles et autres édifices catholiques de pires représailles. Si les négociations politiques facilitées par les évêques de la CENCO n’étaient conformes à leurs attentes. Des attentes où se mêlent confusément la nomination du fils défunt, Félix Tshisekedi, à la primature, ou encore à la tête du Conseil National de Suivi de l’Accord et du Processus électoral (CNSA). L’attribution à l’UDPS de l’un ou l’autre strapontin s’avérait incertaine depuis quelques jours, en raison de désaccords persistants entre la Majorité Présidentielle et le Rassemblement des Forces Politiques et Sociales acquises au changement (RASSOP), mais aussi et surtout, de sérieux déchirements parmi des opposants qui ne cachent plus leurs propres ambitions depuis le décès du « Vieux ». Pour tout couronner, il y a eu ce communiqué de la Nonciature Apostolique à Kinshasa, annonçant la nomination d’un nouvel évêque à Mweka, samedi 17 février. Le nouvel évêque remplaçant ainsi Mgr Gérard Mulumba, ci-devant jeune frère d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Vilaine coïncidence, parce qu’en réalité, Mgr Mulumba sollicitait de sa retraite depuis près de deux ans, selon les sources du Maximum. Son remplacement n’a donc rien à voir avec la situation politique de la RD Congo. « Mais il a pu passer comme tel dans certaines têtes brûlées. Ce n’était pas le moment de l’annoncer », suggère fermement un sympathisant de l’UDPS, interrogé dimanche soir.
Réaction du gouvernement
Parce qu’entre-temps, un communiqué officiel signé du ministre de la communication et des médias et porte-parole du gouvernement a été diffusé sur la chaîne publique. Il faut état d’informations selon lesquelles : « … ces malfrats lançaient des slogans hostiles à la hiérarchie de l’Eglise catholique pour ses prétendues accointances politiques en relation avec les discussions directes qui se déroulent depuis la fin de l’année dernière entre acteurs politiques et sociaux congolais sous les bons offices de la Conférence épiscopale nationale du Congo ». Et, naturellement, condamne une profanation qui constitue « … une atteinte grave à une des libertés fondamentales garanties par la Constitution de la RDC ». Même les combattants de l’UDPS ne sont pas nommément cités, l’allusion est assez claire. Surtout pour ceux qui, à la permanence de l’UDPS où se tient le deuil du leader de l’opposition décédé le 1er février à Bruxelles et sur les réseaux sociaux, ont vécu l’accueil réservé il y a quelques jours à Mgr Fridolin Ambongo et sa suite, partis présenter les condoléances aux tshisekedistes. C’est à peine si le prélat, accueilli avec des slogans menaçants et hostiles à l’église catholique, n’avait pas été molesté.
Dénégations à l’UDPS
Certes, sur la Radio Top Congo captée à Kinshasa dimanche soir, Bruno Tshibala, le secrétaire général adjoint de l’UDPS, a réfuté toute implication de son parti dans le crime de lèse-pape de St Dominique. Mais la dénégation, toute de posture comme d’habitude, passe mal. D’autant plus mal que quelques heures plus tôt dans la journée, Félix Tshisekedi Tshilombo, le fils du défunt, s’en est allé rassurer les religieuses d’un couvent de Limete : elles faisaient l’objet de sérieuses menaces des … combattants. Ces jeunes casseurs endoctrinés à longueur de journées, qui avaient déjà proprement passé à tabac une autre icône de l’UDPS, l’Ingénieur Alexis Mutanda, venu s’associer à ceux qui pleuraient Etienne Tshisekedi au siège du parti, dimanche 12 février. Qui semblent échapper au contrôle de quiconque, désormais : « ils se prennent en charge ».
Car c’est cela qui leur a été inculqué depuis des décennies. Et même tout récemment encore : « le peuple doit se prendre en charge », entend-on chaque fois que les choses ne marchent pas dans le sens des desiderata des acteurs politiques de l’opposition. « Se prendre en charge » n’est et ne sera jamais rien d’autre que casser biens publics et privés, comme on l’avait vu le 19 septembre dernier. L’héritage le plus évident légué à la jeunesse, au peuple, par le lider maximo de l’Udps est bien celui-là : la désacralisation de tout pouvoir, religieux fût-il, sauf le sien propre.
J.N.
Messsage de S