A l’occasion des dates anniversaires de la mort des héros nationaux, Laurent-Désiré Kabila et Patrice Emery Lumumba, les 16 et 17 janvier 2017, le ministre de la communication et médias, Lambert Mende Omalanga, a déployé une intense activité communicationnelle, ponctuée notamment par deux importants exposés, dont celui sur la jeunesse. Le Maximum propose à l’attention de ses lecteurs, la dernière de ces interventions du porte-parole du Gouvernement. Texte intégral.
Au cours de l’année 2016, de nombreux appels ont été lancés aux jeunes de la part des politiciens de tous bord. Placée à dessein au-devant de la scène politique, la jeunesse congolaise a été ainsi fréquemment appelée à départager d’un côté les partisans de l’eschatologie du grand soir à la date qu’ils prétendaient fatidique du 19 décembre 2016, car elle marquait la fin du mandat du Président de la République élu pour un second mandat en 2011 et, de l’autre, ceux qui, se conformant aux prescrits de la constitution dont l’article 70 alinéa 2 affirme que pour autant que les élections n’avaient pas pu être organisées dans les délais prévus, le Président en exercice reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président de la République élu. Au mois de septembre, une éruption de violence a mis aux prises les jeunes partisans extrémistes des deux thèses avec à la clé des morts d’hommes et des actes de vandalisme et de destruction de biens à Kinshasa. Le Titre de cette conférence, « le rôle de la jeunesse dans la préservation de la paix » s’inspire donc utilement d’une nécessité sociale et historique éprouvée.
Cette effervescence politique de triste mémoire de septembre à Kinshasa permet de réaliser a posteriori à quel point l’espace politique congolais n’a dans son expression apophantique, de la jeunesse qu’une acception pour le moins utilitaire au sens péjoratif. Victime des fameux programmes d’ajustements structurels imposés à notre pays dans les années ‘80 par les institutions de Bretton Woods, la jeunesse congolaise semble être considérée par une certaine classe politique cynique comme de la chair à canon, une bombe à retardement qu’on peut actionner au gré de ses besoins.
Plusieurs tentatives de déstabilisation ou de conquête du pouvoir par diverses rébellions et agressions armées ayant échoué, quelques acteurs politiques qui ne veulent pas du verdict des urnes ont rapidement jeté leur dévolu sur des raccourcis insurrectionnels en fanatisant quelques jeunes en quête de repères… Des jeunes qui sont ainsi devenus sous leur influence machiavélique des auteurs des actes de violence et de destruction auxquels nous avons assisté au cours des mois de septembre, octobre novembre et décembre derniers.
La paix chèrement acquise, au prix, faut-il le rappeler, du sang des plusieurs milliers de nos compatriotes a été tournée en dérision par des ambitieux sans foi ni lois prêts à jeter leur pays dans l’apocalypse qui ont instrumentalisé l’enthousiasme et l’innocente candeur propres à une certaine jeunesse pour la mobiliser à cette fin. Sans aucun scrupule, ces émules de Machiavel était ont fait miroiter aux jeunes l’espoir alléchant d’une reproduction du printemps arabe, comme si notre pays au passé déjà si macabre pouvait espérer se porter mieux que tous ces pays arabes jadis prospères qui, à l’instar de la Lybie, sont devenus sous nos yeux une véritable lie de l’humanité, sauf lorsque, comme l’Egypte, un sursaut national a pu mettre un terme aux ravages du fameux printemps.
A la question de savoir quel rôle la jeunesse de ce pays que nos vénérés Pères de l’indépendance comme Patrice Emery Lumumba nous ont légué est appelée à jouer afin de préserver la paix qui reste la condition sine qua non pour bâtir un pays plus beau qu’avant, ma réponse va s’articuler pragmatiquement en cinq points.
Un : Les jeunes doivent accepter de s’enrôler massivement, quel que soit leur niveau de formation scolaire ou académique, au sein des Forces Armées de la République. En effet, le scandale géologique qu’est notre pays entraîne, entre autres conséquences, celle de susciter des convoitises aussi bien dans la région qu’aux quatre coins du monde. Quelqu’un avait dit à ce sujet que ce n’est pas facile d’être le grand Zaïre. Il n’avait pas tort. La RDC avec toutes ses potentialités et ses richesses ne peut en aucune manière espérer vivre dans la quiétude que si, et seulement si, elle devenait une véritable citadelle fortifiée par une armée puissante et dissuasive. La performance des armées repose, depuis les temps immémoriaux, essentiellement sur la bravoure de ses ressources humaines. Notre patrie qui ne peut être défendue que par ses fils et ses filles requiert un rapport nouveau entre sa jeunesse et le drapeau national. Je me pose même la question de savoir s’il ne fallait pas, au regard toutes les agressions et menaces d’agressions contre la RDC au cours de ces vingt dernières années, rendre le service militaire obligatoire à un certain âge ou tout au moins faire en sorte que tous nos jeunes soient des réservistes de nos forces armées même si ils n’y servent pas obligatoirement, comme en Israël. A cet égard, une question doit nous interpeller : si certaines puissances qui se sont auto érigées en maîtres du monde nous imposent des guerres atroces pour faire main basse sur certains de nos principalement des minerais stratégiques, qu’en sera-t-il de la guerre de l’eau qui pointe à l’horizon avec le réchauffement climatique généralisé ?
Deux : Pour contribuer efficacement à la préservation de la paix, les jeunes devraient s’appliquer à rompre avec la conception plus ou moins péjorative et porteuse d’impuissance de leur état dans l’idiolecte politique congolaise. Tout se passe en effet comme si ce qualificatif de « jeune » avait une résonnance soit condescendante soit auto dérisoire car il est accolé à des personnes supposées mal formées ou ne disposant que de compétences insuffisantes, ce qui les rendrait éligibles à toutes sortes de manipulations « moutonnières » à des fins politiciennes, économiques, sociales ou autres. Pourtant, la jeunesse est ontologiquement valorisante dans la mesure où elle est la seule opportunité offerte dans une vie humaine pour se distinguer par toutes sortes de performances sur tous les plans. L’histoire de l’humanité nous enseigne que les plus grandes prouesses ont été réalisées par des personnes jeunes en commençant pour les croyants par Jésus le Christ qui est considéré dans les saintes écritures comme le plus grand homme de tous les temps. C’est dans la jeunesse que l’imagination, la créativité, la force et l’audace sont les plus débordantes. Dans notre pays, la République Démocratique du Congo, la plupart des exploits qui ont échappé à l’outrage du temps ont le fait d’hommes et de femmes dans la fleur de l’âge. Les hauts faits des Kimpa Vita, Simon Kimbangu, Patrice Lumumba dans le secteur de notre émancipation et de la politique, Wendo Kolosoy, Jeff Kabasele Grand Kallé, Luambo Franco, Jules Shungu Wembadio Papa Wemba, Rochereau Tabu Ley pour les Arts, Kibonge, Kalala, Mputu Trésor pour les sports, les œuvres des érudits comme Mudimbe, Ngal, Malu wa Kalenga, et tant d’autres qui sont entrés dans la mémoire collective ont été accomplis dans leur jeunesse. Parmi les derniers exploits en date, je ne résiste pas au plaisir de citer celui de Joseph Kabila Kabange, un jeune officier de nos forces armées qui, à vingt-neuf ans d’âge seulement en 2001, a hérité de ce véritable pays-continent après l’assassinat du 3ème Président quelques jours plus tôt et qui, à la surprise générale, a réussi avec un calme olympien, à en récoler les puzzles pour, in fine, le transformer en un havre de paix où tout espoir d’émergence est désormais permis.
Trois : l’une des plus belles manières de construire une paix durable par la jeunesse congolaise consiste pour celle-ci à prendre à bras le corps le devenir de la nation qui se construit journellement par un dur labeur, fruit d’une maîtrise décomplexée de la science et de la technologie dans une planète mondialisée dont l’évolution vertigineuse rend la concurrence de plus en plus acharnée. Le génie congolais n’est pas une vue de l’esprit. Il existe. En témoigne, la profusion protéiforme de nos expressions artistiques. Il est temps que ce génie qui sommeille dans notre jeunesse du fait des illusions messianiques diffusées par des politiques en manque d’inspiration et une multitude de faux prophètes soit enfin déverrouillé. L’apogée du Congo ne sera pas une génération spontanée. Ce sera le fruit du travail ardent de notre jeunesse dès lors qu’elle aura à cœur de donner à la mère patrie beaucoup plus que ce qu’elle n’en attend.
Quatre : La nouvelle citoyenneté est la quatrième manche de la réponse à la question de l’apport de notre jeunesse à la préservation de la paix. La conquête d’un avenir pacifique qui est synonyme d’une prospérité à tous égards ne peut que s’emboîter sur une bonne connaissance de notre propre histoire et des leçons qui en résultent. La jeunesse congolaise doit prendre sur elle les humiliations subies par nos ancêtres qui ont eu à souffrir des expériences avilissantes de l’esclavagisme et de la colonisation. Ces deux fléaux continuent à nous être subtilement imposés en dépit de l’abolition puis de l’indépendance à travers les échanges économiques non équitables et le néocolonialisme imposés par l’impérialisme décadent. Ces descendants d’esclavagistes et de colonisateurs ne réprouvent pas leur héritage, mais nous manipulent en faisant semblant d’être devenus meilleurs défenseurs du respect des droits de l’homme chez nous que nous-mêmes qui les avons inscrits dans notre Constitution. Leur matraquage médiatique savamment orchestré nous fait passer pour des sauvages sans aucune considération pour leurs propres enfants, comme si ceux dont ils ont hérité et qui ont enchaîné nos aïeux comme des bêtes de somme, qui leur ont imposé la chicotte, la corvée, l’amputation des membres, qui ont assassiné nos Héros Nationaux comme Lumumba ou Mzee Kabila il y a respectivement 56 et 16 ans, qui continuent à nous imposer des guerres atroces pour faire main basse sur nos minerais… seraient moralement mieux cotés. Toutes ces réalités historiques et géostratégiques doivent être intériorisées par la jeunesse, fer de lance de l’émergence, pour qu’elle devienne plus consciente de ses devoirs qui sont tout aussi nobles que ses droits. Je voudrais à cet égard attirer votre attention sur les propos du Président français hier en réponse à une analyse très critique du nouveau président américain Donald Trump sur le développement des pays européens. Nous avons tous entendu François Hollande déclarer sèchement : « L’Europe n’a pas besoin de conseils extérieurs pour lui dire ce qu’elle a à faire ». Mme Angela Merkel a quant à elle rétorqué en ces termes : « Nous, Européens, nous tenons notre sort entre nos propres mains ». Mais curieusement ce sont les mêmes Européens qui passent le plus clair de leur temps à nous asséner des leçons de gouvernance et de gestion. Il y a quelques jours Monsieur Hollande s’est permis de dire s’agissant du calendrier électoral en RDC : « je ne transigerai pas sur le respect des dates pour la tenue de ces élections », nous obligeant à lui rétorquer que « nous, RDC, n’étions pas un département ou une sous-préfecture de la République Française… » N’ayant jamais mérité l’ornière présente, la RDC est génétiquement porteuse d’un avenir beau, aux dires même de Patrice Emery Lumumba dans son testament. Toutefois, nous prévenait-il, ce bel avenir attend de chacun de nous, et surtout de la jeunesse le cas échéant, qu’elle accomplisse son devoir sacré : celui d’être une offrande pour la transfiguration du destin national.
Cinq enfin : Pour pouvoir préserver la paix dans ce beau pays qui est le nôtre, la jeunesse doit savoir flairer le piège du révisionnisme et du chaos qui consiste à aller de révolution en révolution. Ce révisionnisme perpétuel qui se présente à nous, pavé des meilleures intentions comme l’enfer risque de nous faire tourner en rond. A coup sûr, notre pays a déjà atteint ce qui peut être considéré comme le point de non-retour vers la dictature. Avant la tenue des deuxièmes élections démocratiques dans notre pays en 2006, notre peuple avait ployé l’échine sous une dictature qui a été renversée le 17 mai 1997. Depuis lors, tous les efforts ont convergé vers la restauration de la souveraineté du peuple à travers des élections libres, démocratiques et transparentes. Le Président Joseph Kabila a finalement y est parvenu en rendant possibles des élections presque générales successivement en 2006 et en 2011 avant que notre centrale électorale ne soit rattrapée par des crampes sécuritaires et opérationnelles qui ont techniquement rendu irréalisables des élections dans les délais prévus pour 2016. Prévoyant, le Président a en sa qualité de garant de la Nation appelé à davantage de cohésion à travers un dialogue national pour une convergence de toutes les intelligences à la rescousse d’un processus électoral fiable et apaisé. Ce dialogue tenu sous l’égide de l’Union Africaine et a accouché d’un accord le 18 octobre dernier. Resté ouvert et perfectible, cet accord a été complété par un compromis signé le 31 décembre grâce aux bons offices des évêques catholiques, auxquels cette tâche avait été confiée par le Président de la République. Ainsi, pour paraphraser un sarcasme en vogue sur les réseaux sociaux, l’année 2016 a-t-elle été enterrée avec ses fameux « Yebela » et « Wumela », cédant la place à la raison retrouvée et un gouvernement d’union nationale où toutes les forces vives de la nation vont travailler ensemble, dans le but de sauver le processus électoral et de conserver les acquis socioéconomiques de ces quinze dernières années. La téléologie de cette boussole politique ne doit jamais être perdue de vue dans la transposition herméneutique de notre vivre-ensemble pacifique.