Il y a peu, à l’Assemblée nationale, l’un était ancien président du groupe parlementaire UDPS & alliés, et l’autre à la tête des élus PPRD. Jamais, de mémoire de journaliste, les deux leaders de groupes parlementaires n’ont eu de convergence de vue, si ce n’est pour faire front commun contre Matata, lorsque le 1er ministre sorti s’est hasardé à rabioter dans les émoluments de leurs honorables. Gouvernement d’union nationale oblige, les deux élus chefs de file se retrouvent au sein de la même équipe gouvernementale : le premier, Samy Badibanga, est Premier ministre, et le second, Emmanuel Ramazani Shadary , Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur.
C’est une lapalissade, le succès et même la longévité du gouvernement d’union nationale version Dialogue politique national dépendra autant de la suite des négociations de la CENCO que de la cohésion gouvernementale, particulièrement de l’harmonie des rapports entre les deux anciens présidents de groupes parlementaires. Issu de l’UDPS – quoique contesté par certains dans ce parti politique – Samy Badibanga est dans le viseur des critiques, de ceux-là qui l’attendent à l’œuvre, au tournant, sur ses capacités de Premier ministre issu des rangs de l’opposition, à imprimer ses marques, à faire appliquer ses directives comme chef du gouvernement, par exemple, par son ministre de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadary, que des analystes peinent encore à compter parmi les modérés de la Majorité. On aura noté, en tout état de cause, que l’ambiance n’était pas joviale comme il est de coutume, jeudi 22 décembre 2016 à la cérémonie d’investiture du gouvernement à l’Assemblée nationale, et moins lors à la cérémonie de remise et reprise entre le 1er sortant, Matata, et l’entrant, Badibanga à laquelle Ramazani Shadary et les présumés opposants, l’ATD José Makila (ministre des Transports) et le PT Steve Mbikayi (ministre ESURS) ont pris part, les traits plutôt tirés. « C’est dans leur nature d’avoir l’air furieux…en tout cas peu souriants », confie un confrère habitué de la Chambre basse. «Jusqu’à preuve du contraire, poursuit-il, accordons-leur le bénéfice de doute, quant à leur bonne foi de collaborer avec le Premier ministre ». Napoléon Bonaparte aimait à le dire, les seuls traités qui comptent sont ceux que concluent les arrières-pensées. Il est pourtant acquis que les services de sécurité, particulièrement la police qui relève du ministère de l’Intérieur, auront du pain sur la planche d’ici aux prochaines élections générales, singulièrement la présidentielle. Aussi la météo sociale annonce-t-elle plutôt de longs jours des grisailles, d’incertitudes, où un accident de route sinon une rencontre de foot peuvent avoir une incidence fâcheuse sur le train-train quotidien, contraignant la police et même les autres forces de sécurité à intervenir dans le cadre de leurs missions régaliennes. Même s’il ne l’a pas ouvertement admis, le ministre sortant des Sports, Dénis Kambayi, avait prévenu tout dérapage dont le nouveau gouvernement pourrait tirer profit en suspendant le championnat national de foot jusqu’au 15 janvier prochain. Dans son speech en marge de la remise et reprise à la Primature, Badibanga a, certes, félicité la police pour avoir dompté les manifs et les tentatives de casses les 19 et 20 décembre dernier, mais il a aussi conseillé de la retenue aux agents de la paix dans les interventions des forces de sécurité. Qui relèvent en grande partie des prérogatives de son ancien rival à la chambre basse du parlement, Ramazani Shadary.
Gérer la rue et rassurer les investisseurs.
Plus que les médias, la rue, et pas seulement à Kinshasa, sera le cadre privilégié de l’expression sociopolitique. De gré ou de force. Ce qui, malheureusement, traîne comme une fatalité ses corollaires de pertes en vies humaines et de casses, surtout des activités mercantiles. Economiste, homme d’affaires, Samy Badibanga sait pertinemment que l’argent, les affaires, ça n’aime pas les bruits, surtout ceux des bottes. Une ville quadrillée par la police et autres forces de sécurité, ce n’est jamais une image rassurant pour les investisseurs. La Fédération des entreprises du Congo, FEC, a d’ailleurs, lors des accises de Dialogue à la Cité de l’UA, dit et rappelé combien l’économie était fille d’ordre sociopolitique. Sûr sûr, la contestation sera permanente autant dans la capitale que dans les grandes agglomérations de l’arrière-pays, Goma, Butembo, Uvira, où les mouvements citoyens (Filimbi, Lutcha…) mobilisent d’ailleurs plus que les partis politiques pour battre le pavé. Pas du tout aisé, pour Samy Badibanga, de ménager la chèvre et le chou, en fait de garantir les libertés et droits fondamentaux consacrés dans la constitution, dont le droit de manifester, tout en épargnant au régime Kabila des désagréments susceptibles de le pousser à recourir à la coercition… sur ukase du ministre de l’Intérieur. Or il se trouve que le principal acteur de l’action gouvernementale est le Premier ministre Badibanga.
NKM&POLD L.