L’asphyxie financière de la ville de Kinshasa est réelle. Et, elle a pour cause, non pas nécessairement la mégestion, moins encore la faible mobilisation des recettes de la DGRK, mais le gouvernement…Matata, selon le ministre Kimbuta des Finances. La rétrocession qui représente 80% du budget de la ville-province ne tombe qu’au compte-goutte et jamais à périodes échues. La situation est encore plus dramatique dans l’arrière-pays.
A Kinshasa, foi d’un conseiller économique du gouvernorat, la rétrocession attendue depuis le mois d’août n’est tombée que début novembre. Pour un budget 2016 de quelque 378 milliards de FC, plus de 290 milliards de FC doivent provenir du gouvernement central. Hélas, quand même l’argent de la rétrocession arrive, elle est considérablement réduite car le gouvernement central s’accapare d’autorité du budget relatif à la (re)construction et exécute des travaux pour lesquels l’Hôtel de ville n’est jamais consulté. C’est le cas des travaux de plantations des fleurs et pelouses notamment le long du mur de clôture du Camp Kokolo ou encore le long de l’avenue de la Justice qui aurait coûté 8 millions de dollars. Le gouvernement Kimbuta en ras-le-bol et tient à ce que cette façon d’agir cesse…pour des relations harmonieuses entre le gouvernement central et les provinces. Le Sud-Ubangi est la première de 26 provinces à s’être dotée d’un budget pour l’exercice 2017. Il se chiffre à quelque 38 milliards de FC, mais le Gouv José Makila a misé sur la rétrocession pour financer à plus de 90% sa loi des finances publiques provinciales. Au Kasaï oriental, même s’il n’a pas encore bouclé son budget, Ngoy Kasanji compte sur le respect de la parole donnée de Kinshasa pour sauver l’aéroport de Bipemba d’une grosse tête d’érosion. Ces trois cas de figure témoignent à suffisance de ce que les provinces s’attendent à davantage de considération de la part du Gouvernement central à Kinshasa.
Le prochain Premier ministre issu des rangs de l’opposition aura donc du pain sur la planche. Le régime intérimaire, en clair la cohabitation, verrait, contrairement à ce que redoute une bonne frange de l’opinion, le Président moins en conflit avec son Premier ministre que celui-ci avec les Gouv des provinces. Aussi, Joseph Kabila pourrait être d’un secours appréciable pour son Premier ministre.
« Le Chef de l’Etat est en droit de rappeler le PM à l’ordre »
Le Président –et non pas la présidence – de la République est , en effet, une institution de l’Etat. Le Premier ministre ne l’est pas, mais plutôt le gouvernement au même titre que le parlement (Assemblée nationale et Sénat) ainsi que les cours et tribunaux. Le président de la République, Chef de l’Etat, est en droit constitutionnellement de rappeler à l’ordre le Premier ministre chef du gouvernement. Certes, il n’est pas le chapiteau au-dessus de la mêlée…un aigle face aux crapauds, pour reprendre l’image du Maréchal Mobutu du temps de la transition tumultueuse des années ‘90, mais, afin d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, la continuité de l’Etat, le Président, en l’occurrence Joseph Kabila, peut jouer à l’arbitre en cas de conflits interinstitutionnels. : l’on sait, que ces 10 dernières années, à défaut de laisser appliquer le principe de la retenue à la source des 40% des recettes réalisées par les provinces, le gouvernement central s’emploie à une rétrocession. Mais celle-ci pose problème lorsque le gouvernement central impose aux provinces les affectations desdites ressources. «On me construit de larges boulevards quand, moi, je projetais construire un hôpital à Kinsenso », a, une fois, fulminé le Gouv de Kin, André Kimbuta. Ça n’est point une révélation, à l’exception de l’Ubangi et du Bas-Uélé avec respectivement José Makila et Lola Kisanga qui se réclameraient d’une certaine opposition, toutes les provinces sont gérées par des personnalités d’obédience MP, Majorité présidentielle. Du temps de la première mandature de Kabila, l’alors Gouv de l’Equateur, Jean-Claude Baende, bloqué par le gouvernement dans son projet de biomasse convenu avec des experts finlandais, s’en est remis, certes sans succès, à la sagesse du Chef de l’Etat. Car le garant du respect des traités et des accords internationaux, c’est encore le Chef de l’Etat, Joseph Kabila donc. Pour autant, durant la cohabitation ou d’un régime intérimaire, le Comité de suivi de la mise en œuvre des recommandations du Dialogue, veillera notamment aux rapports harmonieux entre le Président et le Premier ministre opposant. Car, avis d’analystes, autant que dans les nominations des ambassadeurs, des mandataires publics, dans l’armée et dans la police auxquelles doivent impérativement et préalablement se convenir le Chef de l’Etat et le Chef du gouvernement, les traités commerciaux pourraient s’avérer un moellon d’achoppement entre le Président et son Premier ministre.
NADINE KINGOMBE MWAYUMA