Tribulations après tribulations, Joseph Kabila a fini par trancher. Dans ce plus pur style qu’on peine, pourtant, à lui reconnaître : en demeurant autant que possible logique et conséquent avec lui-même et respectueux de ses engagements, surtout constitutionnels.
Au terme du dialogue et de l’accord politique de la Cité de l’OUA, en octobre dernier, il était entendu que le premier ministre serait issu des rangs de l’opposition qui a pris part aux travaux dirigés par le Togolais Edem Kodjo. Des noms ont été avancés, de personnalités aux profils divers, qui auraient pu renforcer l’ancrage populaire du pouvoir en place à Kinshasa, quelque peu malmené par le populisme de l’opposition radicale menée par l’UDPS Etienne Tshisekedi.
Vital Kamerhe, arrivé 3ème à l’issue de la présidentielle 2011 après … Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi ; mais déjà deuxième meilleur plébiscité au terme des législatives 2006 après l’ex gouverneur de l’ex province du Katanga, Moïse Katumbi, partait avec les pronostics des observateurs. En rejoignant le camp des adhérents au dialogue politique boudé par les radicaux de l’opposition, l’UNC a, à l’évidence, beaucoup apporté dans la crédibilisation de ses assises. Mais Joseph Kabila est passé outre ces considérations en portant son choix, jeudi 17 novembre 2016, sur l’UDPS Samy Badibanga Ntita.
Dans cette course à la primature, beaucoup d’autres personnalités étaient pointées par les observateurs, et sans doute Joseph Kabila lui-même : notamment, Léon Kengo wa Dongo, dont on sait que sans être l’homme le plus populaire du pays, dispose d’un agenda politique qui aurait pu servir en cette période d’offensive occidentale tous azimuts contre le pouvoir en place à Kinshasa. Le président de la chambre haute du parlement de la RD Congo aurait préféré, compte tenu de son âge avancé, proposer à sa place l’un ou l’autre de ses fidèles lieutenants. Joseph Kabila n’a pas mordu à l’hameçon.
Ont également été pressentis premier ministre du dernier gouvernement rd congolais avant les prochaines élections, le professeur Mokonda Bonza, ci-devant ancien directeur de cabinet du Maréchal Mobutu, dont l’expertise n’est certainement pas à démontrer. Mais aussi, le RCD/Goma, Azarias Ruberwa Maniwa. Sans compter que jusqu’en dernière minute, il semble que le Raïs rd congolais ait espéré que les radicaux du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement du tandem Tshisekedi-Katumbi, pourraient élargir l’adhésion à l’accord politique de la Cité de l’OUA, signé le 18 octobre dernier par la plus grande part d’acteurs politiques que compte la RD Congo.
La surprise du Chef
Mais non. La surprise du Chef est tombée jeudi 17 novembre au milieu de la journée, qui transpire du Joseph Kabila tout craché : respectueux des principes légaux, de sa parole et de ses engagements.
A travers la nomination par ordonnance de l’UDPS Samy Badibanga à la primature, le Président de la République a, de toute évidence, tenu à crédibiliser davantage le dialogue politique de la Cité de l’OUA, que d’aucuns en RD Congo et dans la communauté internationale, ont voulu minimiser.
Mais il y a plus : en nommant le président du groupe parlementaire UDPS & Alliés à l’assemblée nationale, le Président de la République demeure dans la logique du processus de démocratisation enclenché en RD Congo depuis 2006 avec les premières élections démocratiques libres, transparentes et … tout ce qu’on a voulu au sortir de quelque 30 années de régime dictatorial au pays de Patrice Emery Lumumba. Parce qu’au terme des derniers scrutins électoraux organisés en RD Congo, le parti d’Etienne Tshisekedi, le candidat à la dernière présidentielle arrivé deuxième après Joseph Kabila, représentait aussi la première force de l’opposition au sein du parlement avec une quarantaine d’élus nationaux à son compteur. Au plan institutionnel, il n’y avait donc pas mieux qu’une alliance UDPS/Majorité dans la perspective de la consolidation de l’unité nationale d’ici les prochaines élections. A cet égard, Joseph Kabila se sera révélé on ne peut plus légaliste.
Sans compter qu’au plan politique, pour faire face au refus tshisekediste de rejoindre le camp des signataires de l’Accord politique de la Cité de l’OUA, la désignation du Kasaien Samy Badibanga est de nature à diviser l’électorat kasaïen, et donc à réduire l’opposition au processus électoral que Joseph Kabila tient à mener à bon port pour assurer une passation de pouvoir pacifique au terme de son second et dernier mandat à la tête de la RD Congo.
L’opposition aux premiers rangs
De Samy Badibanga, plus que de l’UNC Vital Kamerhe, on peut difficilement soutenir qu’il ne soit pas membre de l’opposition politique rd congolaise, ni, du reste, de l’UDPS/Tshisekedi, parti politique sur les listes duquel il a été élu député national en 2011. Le 3ème fils de Samuel Badibanga, un cadre de la fonction publique, est né et a grandi entre la commune de la Gombe et celle de Limete à Kinshasa, avant de poursuivre des études universitaires en Europe, et de revenir à Kinshasa où il est conseiller spécial d’Etienne Tshisekedi depuis les années ‘2000. Le nouveau premier ministre est détenteur d’un diplôme de l’Institut Supérieur des Sciences Humaines de Genève, qu’il a complété, comme tout bon Kasaïen qui se respecte, par un diplôme de l’Ecole du Haut Conseil du Diamant d’Anvers et de l’International Gemological Institute d’Anvers.
En 1986, Samy Badibanga est administrateur délégué de SOCODAM Sprl, avant de devenir Administrateur Directeur Général de SAMEX TRADING Sprl, une entreprise détentrice de plusieurs permis de recherches minières et partenaire de BHP-Billiton, dont il devient consultant de 2005 à 2010.
Il crée en 2006 la Fédération des Explorateurs et Extracteurs (FEE) en RDC pour promouvoir la bonne gouvernance dans la gestion des ressources naturelles, peu de temps après avoir été maître de conférences lors des rencontres IPAD [Quoi ?][Quoi ?] RDC du secteur minier de 2005 à 2009.
Le parcours à l’UDPS
C’est depuis 1994, néanmoins, que Samy Badibanga est membre d’honneur de l’UDPS. De 2009 à 2001, il est le conseiller spécial d’Étienne Tshisekedi. À ce titre, il est chargé de la stratégie diplomatique de ce dernier, ce qui comprend communication, image, organisation et direction de sa campagne pour les présidentielles de 2011.
Alors que de nombreux candidats de l’UDPS avaient été élus députés nationaux aux élections législatives concomitantes, Tshisekedi avait décreté l’annulation de ces dernières. Malgré les instructions du leader de l’ UDPS, 42 élus du parti, dont Samy Badibanga, ont siégé au Parlement, considérant leur élection comme crédible et souhaitant respecter le peuple congolais qui leur avait ainsi accordé sa confiance.Sans pour autant rompre le cordon ombilical avec le parti de la 10ème rue Limete-Résidentiel. Au dernier meeting populaire d’Etienne Tshisekedi sur le Boulevard Triomphal, Samy Badibanga, assis aux premiers rangs, comptait parmi les invités d’honneur.
J.N.