Comme la terre, la roue tourne, irrémédiablement, au sein d’organisations mondiales ou présentées comme telles, qui régentent fort peu équitablement le monde depuis plusieurs années. C’est le cas depuis le 10 novembre dernier, avec l’élection (et non pas la nomination) d’un sujet chinois, Meng Hongwei, à la tête de la toute puissante et tentaculaire Interpol, la police mondiale. Cet intellectuel formé à l’université de Pékin, fonctionnaire depuis plusieurs années au sein d’Interpol, remplace à ce poste la françaises Mireille Ballestrazi, arrivée fin mandat.
Seulement, il semble que la démocratie, présentée par l’Occident comme la panacée en matière de gestion des Etats, voire, de la planète terre elle-même, semble devoir revoir ses frontières et limites. Des occidentaux eux-mêmes jaillissent craintes, plaintes et jérémiades qui trahissent d’appréhensions qui ne seraient jamais faits jour s’il s’était agi de l’élection d’un des leurs. Un certain nombre d’organisations non gouvernementales – qui pourtant défendent des intérêts gouvernementaux avérés sous prétexte de promotion de valeurs universelles – crient sur tous les toits leurs craintes de voir la Chine profiter de la position d’un de ses sujets pour traquer ses ressortissants poursuivis pour divers crimes. Comme si les organisations mondiales, comme Interpol, ne devraient jamais être dirigées que par les Occidentaux.
Comme souvent, beaucoup trop souvent même, c’est l’Ong occidentale Amnesty International qui embouche les trompettes de la stigmatisation du nouveau patron d’Interpol, accusant la Chine de se servir de l’organisation internationale pour traquer des personnes qu’elle accuse de terrorisme ou de crimes politiques, y compris pour des actes qui ne ne sont criminels que dans le cadre du code pénal extrêmement répressif chinois mais qui ne sont pas reconnus comme des crimes aux yeux du droit international.
Comme toujours aussi, des médias acquis à la cause des intérêts occidentaux relaient l’alarme déclenchée par Amnesty. Comme ce journal francophone ( !) tibétain qui titre « Tous aux abris » pour … dénoncer l’élection d’un asiatique à la tête d’Interpol : son élection est «…. Controversée en raison de la campagne chinoise pour traquer les fugitifs à l’étranger », écrit-il à l’intention de ses lecteurs tibétains. Ajoutant que « certains observateurs soupçonnent qu’elle serve de purge déguisée au sein même du Parti communiste chinois. Un de ses volets, l’opération Skynet, vise à rapatrier des suspects de corruption ayant fui à l’étranger » (tibet.fr, 11 novembre 2016).
Les appréhensions occidentales relatives à la nomination d’un chinois à la tête d’une organisation internationale chargée d’assurer l’échange d’informations sur les criminels entre quelque 190 Etats membres pose plusieurs questions, à commencer par celles relatives à la suprématie des législations internationales sur les législations nationales. Mais aussi celles qui tournent autour de ces sortes de démocratie, de justice internationale et autres stratagèmes extrêmement sélectifs conçus pour régenter à la planète au profit de l’Occident.
Des jérémiades d’Amnesty International contre la Chine filtrent un mépris parfait contre les lois chinoises pour combattre un certain nombre de crimes et la corruption dans un pays qui compte plus d’un milliard d’habitants à gouverner. Tout se passe comme si, pour Amnesty et les Occidentaux, le pays-contient qu’est la Chine devrait appliquer le même droit pénal que la petite Belgique, la France ou encore le Royaume-Uni. Encore que ces Etats Occidentaux, en proie à des nouvelles formes de criminalités, restreignent sans fards les espaces de liberté, voire de libertinages, jadis sacrés accordés à leurs citoyens. Rien qu’en France, la police a réclamé et obtenu récemment la révision de la loi sur la légitime défense en faveur d’agents de police de plus en plus agressés par des délinquants. On peut s’étonner que des mesures analogues en cours depuis des lustres dans des pays comme la Chine suscitent le mépris d’Amnesty International, jusque-là muet sur l’évolution récente des mesures de sécurisation des hommes et de leurs biens dans moult pays du vieux continent.
De même qu’on peut s’interroger sur le racisme sans fards que transpire l’alerte lancée par l’Ong britannique contre l’élection d’un sujet chinois à la tête d’Interpol. Qui dit élection dit désignation objective par le plus grand nombre de personnes habilitées à choisir. A la 85ème session d’Interpol à Bali, jeudi 10 novembre dernier, ce sont les urnes qui l’ont emporté de la manière la plus démocratique qui soit. Comment une ong internationale sensée défendre et promouvoir les valeurs charriées par les mêmes principes démocratiques en vient-elle à dénoncer une désignation dans les règles de l’art occidental en la matière ? La démocratie ne serait-elle qu’un habit sur mesure pour Occidentaux ?
A l’heure où des voix s’élèvent pour critiquer un certain nombre de crimes internationaux perpétrés par l’Occident en Irak, en Libye et dans un certain nombre de pays non Occidentaux mais au potentiel économique fort convoité, il est aisé d’apprécier à quel point l’évolution du monde sous la férule des valeurs occidentales en matière de gestion de sociétés prêtent à critique. Pris au piège de ses propres principes de gouvernance, à l’évidence l’occident perd les pédales. Il en ainsi concernant sa fameuse Cour Pénale Internationale (CPI), de plus en plus objet de contestation, et que nombre d’Etats, en Afrique notamment, ne rêvent plus qu’à déserter. Il y a de quoi, tout de même. L’Irak de Saddam Hussein a été envahi par les armées occidentales, son Chef d’Etat et sa famille assassinés, au nom de principes aux contours aussi malléables que les droits de l’homme et la sécurité … occidentale. Parce que de sécurité justement, il paraît plutôt que le pays de Saddam Hussein y ait dit adieu depuis que les Occidentaux l’ont militairement rasé il y a quelques décennies. Plus près de nous, en Libye, c’est au nom des mêmes principes fourre-tout que l’œuvre remarquable de Mouammar Khadaffi et son créateur, le colonel libyen, ont été rayées de la planète et du continent. Plongeant le pays et alentour dans un cycle infernal de déstabilisation dont les morts ne se comptent plus. Toutes les cours pénales internationales mondiales demeurent muettes face à ces crimes révoltants. Même lorsqu’ils sont dénoncés par certains occidentaux eux-mêmes, ainsi que viennent de le faire les parlementaires britanniques qui, plusieurs années après, avouent à la face du monde que l’expédition punitive libyenne n’était rien de plus qu’une razzia économique fomentée à l’instigation du Chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy.
Ainsi donc, lorsque l’Ong internationale britannique, Amnesty International, crie au voleur, il faut plutôt rechercher ce qui se cache derrière cet hallali : l’Occident craint la compromission de ses intérêts en Chine et ailleurs à travers le monde avec l’arrivée d’un expert chinois à la tête d’Interpol. Mais le stratagème ne marche plus. Plus comme par le passé, de toute évidence. Le système de gestion tournante de la direction d’Interpol a fonctionné. Des années durant, la Chine, membre de l’organisation, a patiemment attendu son tour. Elle l’a eu selon les règles de l’art conçues et mises en œuvre par les Occidentaux eux-mêmes. Il ne devrait rien y avoir à redire. Sauf s’il faut restreindre ces règles de l’art et les bénéfices qu’elles procurent à quelques Nations Occidentales triées sur le volet (économique). Auquel cas, autant le dire tout haut. L’Occident perd le Nord, à n’en pas douter.
J.N.