Le dialogue politique rd congolais ouvert le 1er septembre 2016 s’est clôturé mardi 18 octobre, plus d’un mois et demi après, à la Cité de l’OUA à Kinshasa. Avec à la clé un accord politique âprement négocié entre les parties prenantes au dialogue, l’Opposition politique emmenée par l’UNC Vital Kamerhe, la société civile à l’exception notable de l’Eglise catholique, la Majorité présidentielle et une brochette de personnalités politiques. Pour l’essentiel, les parties prenantes à ce dialogue ont convenu du respect scrupuleux de la constitution en vigueur en RD Congo, qui n’a pas été modifiée et ne le sera sans doute plus. Mais en raison des contraintes liées à l’organisation des élections dans les conditions acceptables, une période intérimaire entre la date de la fin du mandat du Président de la République élu en 2011 la tenue de nouvelles élections fixées en avril 2018 prend cours. Elle sera dirigée par Joseph Kabila, le Chef de l’Etat en place jusqu’à son remplacement par le nouveau président élu, ainsi que le stipule l’article 70, alinéa 2 de la constitution congolaise en vigueur. Un nouveau premier ministre issu de l’opposition politique sera nommé dans la vingtaine et dirigera un gouvernement d’union composé de toutes les sensibilités politiques ayant participé au dialogue afin de mener à bon port le processus électoral. Pour se rassurer mutuellement, les parties prenantes au dialogue de Kinshasa ont aussi convenu de revoir la composition de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) en prenant en compte la requête des forces de l’Opposition de procéder au changement de leurs représentants en son sein. Des sources indépendantes assurent au Maximum que même la territoriale pourrait se voir recomposée par le nouveau gouvernement attendu pour rassurer les opposants.
L’accord politique conclu au terme du dialogue de la Cité de l’OUA vide donc de sa substance l’essentiel des revendications et préalables brandies par l’opposition politique en RD Congo. Celles qui tournent autour de l’alternance politique au terme du second et dernier mandat présidentiel de Joseph Kabila et de la tenue effective d’élections apaisées et crédibles. Ne restent plus en suspens que ces préalables extrémistes et conflictogènes brandies par l’opposition politique radicale conduite par Etienne Tshisekedi et Moïse Katumbi qui prônent le non-Etat au terme du dernier mandat de Joseph Kabila Kabange en décembre prochain. Katumbistes et tshisekedistes réunis récemment dans un conclave de quelques heures à Kinshasa proposent une période transitoire, eux aussi, mais dont la durée n’est pas connue. Qui serait régie par une sorte de nouvelle loi fondamentale aux contours mal définis jusque-là. Et ce, après le départ, sans autre forme de procédure, de Joseph Kabila du pouvoir, à contrario du prescrit de l’article 70 de la constitution. C’est le come back parfait du nihilisme tshisekediste des années ’90, lorsqu’il fallait coûte que coûte « faire partir le dictateur Mobutu Sese Seko ».
En République Démocratique du Congo, l’accord politique conclu mardi dernier a été accueilli avec un soulagement manifeste par une grande partie de l’opinion. Celle qui est proche de la majorité au pouvoir et de l’opposition représentée à la Cité de l’OUA, ainsi que de nombreux indifférents et anonymes. Dans les territoires de l’Est du pays, à Goma et à Bukavu notamment, l’événement a été marqué par des scènes spontanées de liesses populaires.
Naturellement, l’opposition tshisekediste-katumbiste qui évolue sous la bannière du Rassemblement des forces acquises au changement et ses sympathisants récusent l’accord politique de la Cité de l’OUA et l’a manifesté en appelant à une journée ville morte sur toute l’étendue du pays mercredi 19 octobre 2016. Qui a été « diversement suivie », selon une expression consacrée par RFI qui signifie en réalité que la réussite ne fut pas au rendez-vous : la vie dans certaines villes a tourné au ralenti le jour de la journée ville morte décrétée par Tshisekedi en personne, plus par peur des bandes de jeunes drogués qui ont provoqué des ravages les 19 et 20 septembre derniers que par adhésion au mot d’ordre des extrémistes. Dans d’autres par contre, tout s’est passé comme d’habitude, les gens se déclarant lassés par les sempiternellles villes mortes du ‘lider maximo’ de l’UDPS.
Ce qui n’empêche pas la « communauté internationale », surtout les européens et leurs médias diffusées à profusion sur le continent africain de vouer aux gémonies l’accord conclu mardi dernier. 24 heures avant la clôture officielle des travaux du dialogue et la signature de l’accord politique qui les sanctionne, lundi 17 octobre, l’Union Européenne, influencée par un lobbying très actif des libéraux belges qui soutiennent l’opposition tshisekediste-katumbiste fustigeait le renvoi de la présidentielle au mois d’avril 2018, allant jusqu’à brandir des menaces à l’encontre des acteurs politiques rd congolais s’ils ne revoyaient pas leur copie en raccourcissant le temps pendant lequel le président Kabila devait demeurer au pouvoir. Même son de cloche de la France dont le ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, déclarait que l’accord de la cité de l’OUA « ne résout pas la crise politique ». A ce concert de récriminations qui ignorent imperturbablement ceux des rd congolais qui sont favorables aux conclusions du dialogue politique national, il faut ajouter celles de l’Envoyé spécial des Etats-Unis dans la région des Grands Lacs. Tom Perriello, qui s’est montré peu disert sur la question, en appelle au respect de la constitution de la RD Congo. Même s’il n’indique pas à quelle partie de cette constitution il fait allusion.
Mais la chanson est désormais connue, en Afrique et en RD Congo, depuis l’agression franco-britannique de la Libye pour des raisons bassement économiques : les Occidentaux, c’est derrière leurs intérêts économiques qu’ils courent depuis la période de la traite négrière. Dans le dossier rd congolais, il apparaît, de plus en plus, que les africains n’entendent plus s’en laisser conter outre mesure par leurs anciens « maîtres ». Le soutien sans failles apporté au facilitateur international nommé par l’Union Africaine, Edem Kodjo, atteste de cette volonté des africains de s’assumer : récusé par les tshisekedistesl-katumbistes et leurs clients occidentaux, l’ancien premier ministre togolais est demeuré droit dans ses bottes et a conduit les travaux jusqu’à leur terme mardi 19 octobre 2016.
A la clôture du dialogue, mardi à la Cité de l’OUA, les organisations régionales africaines ont pour leur part fait chorus en rehaussant la cérémonie de leur présence : outre le commissaire de l’Union Africaine en charge des questions de la paix et de sécurité, Smaïl Chergui, qui a carrément déclaré sur RFI que l’accord politique conclu en RD Congo « est le meilleur possible dans cette phase », Eduardo Dos Santos, le Chef de l’Etat Angolais dont le pays préside la CIRGL a dépêché en soutien à Kinshasa son ministre des affaires, Georges Chikoti. Pour tout couronner, le président en exercice de l’UA, le Tchadien Idriss Deby Itno, s’est félicité de l’accord politique intervenu en RD Congo dans communiqué rendu public le 18 octobre 2016. « Il saisit cette heureuse occasion pour adresser ses très vives félicitations au gouvernement ainsi qu’aux autres acteurs politiques ayant participé au processus pour leur sens du compromis qui a permis, à travers cet accord, de jeter les bases de l’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes en République Démocratique du Congo.
Il se félicite en outre de ce qu’une date consensuelle pour la tenue des élections présidentielles et législatives ait été arrêtée et le respect intégral des dispositions de la constitution réaffirmé », lit-on sur ce document que Le Maximum s’est procuré. L’Union Africaine prendra acte de l’accord politique de Kinshasa au cours de la semaine, selon les déclarations de Smaïl Chergui à nos confrères de RFI (lire interview en p. ). Quelques jours avant le rendez-vous du 26 octobre à Luanda en Angola, où la question rd congolaise sera au menu d’une rencontre internationale réunissant l’ONU, l’Organisation Internationale de la Francophonie, la CIRGL, la SADC, la CEEAC et le COMESA.
L’avenir politique de la RD Congo ne devrait plus dépendre de la seule volonté des Occidentaux.
J.N.