L’information fait les choux gras dans les réseaux sociaux où elle est relayée à satiété, par des acteurs politiques de l’opposition ou leurs sympathisants : mercredi 28 septembre 2016, le département du Trésor US a adopté des sanctions financières contre deux généraux rd congolais, Gabriel Amisi Kumba et John Numbi. Leurs avoirs aux Etats-Unis sont gelés et il est interdit à tout ressortissant américain de faire des transactions avec eux. Motif évoqué : les deux généraux se seraient « engagés dans des actions qui ont sapé le processus démocratique en RDC et réprimé des libertés et droits politiques du peuple congolais », selon les déclarations de John Smith, directeur de l’agence du Trésor US. Plus précisément, les Etats-Unis reprochent au Général Major Gabriel Amisi d’avoir commandé des unités Fardc dans la répression des manifestations politiques. De fait, c’est grâce à la détermination des éléments de la 11ème région militaire commandée par Amisi, que le Palais de la Nation, siège du parlement, a pu échapper à un incendie programmé par les opposants depuis janvier 2015 pour « faire comme à Ouagadoudougou ».
Au Lieutenant général John Numbi, ancien patron de la PNC suspendu de ses fonctions depuis la ténébreuse affaire Chebeya il y a plusieurs années, les Américains reprochent des « intimidations avec menaces de violences » pour s’assurer la victoire des candidats affiliés à la coalition kabiliste aux élections des gouverneurs et vice-gouverneurs dans l’ex-Katanga natal de Joseph Kabila au mois de mars dernier. Sans qu’aucune plainte n’ait confirmé devant les instances judiciaires congolaises l’existence de ces menaces.
Ainsi donc, en RD Congo, les Etats-Unis auraient le droit de sanctionner des officiers de l’armée, un corps professionnel où la principale règle consiste à ne jamais agir sans en avoir reçu d’ordre. Les américains ne l’ignorent pas, il faut donc chercher la signification des décisions du département du trésor au-delà de ce qui est claironné officiellement. En commençant par relever que les décisions de mercredi dernier porte, officiellement, à trois, le nombre de généraux PNC ou Fardc offerts en pâture par les américains. Pour des broutilles, si l’on compare les faits leur reprochés à ceux que la communauté internationale reproche ou peut reprocher aux Généraux comme Laurent Nkundabatware, John Makenga et d’autres tueurs du même acabit qui sévissaient sur le territoire de la RD Congo il y a seulement quelques années, et dont les troupes ont tué, violé, pillé, impunément.
En réalité, ce sont plutôt 5 Généraux Fardc qui sont frappés par des sanctions occidentales. Parce qu’il faut ajouter aux Généraux Kanyama, Amisi et Numbi, les Généraux Sikabwe Fall et Bruno Mandevu, à qui l’ONU reproche des atteintes aux droits humains alors qui dirigeaient les opérations militaires en Ituri. Inutile de relever que les accusations portées contre les deux derniers généraux sont toutes aussi farfelues. A Fall Sikabwe, la Monusco reproche de n’avoir pas assez fait pour empêcher Morgan Sadala, le chef rebelle responsable, entre autres, de l’extermination de gardes et Okapi de la réserve d’Epulu dans l’ex province Orientale.
Cinq officiers généraux d’une armée sous fatwa, ce n’est certainement pas la meilleure façon de consolider des forces de défense rd congolaise en reconstitution et dont on attend qu’elles soient à même d’assurer la défense de l’immense territoire national du pays de Patrice Emery Lumumba. Non. La stratégie américaine s’inscrit manifestement dans un projet plus vaste, qui consiste à entretenir un vaste ventre mou, un Etat failli, selon le terme consacré, en RD Congo. « C’est l’armée qu’on tue », explique au Maximum un analyste du ministère rd congolais de la Défense nationale sous anonymat. Une stratégie qui remonte à plusieurs années, depuis l’époque des brassages des rebelles dans les Fardc, au début des années ‘2000. « En matière militaire, on ne brasse pas rebelles et éléments des forces loyales. Il n’y a rien de pire. Rebelles et mutins, on les élimine, si on veut disposer d’une armée digne de ce nom. On ne mélange pas le bon grain de l’ivraie … », explique l’interlocuteur du Maximum. Les Occidentaux n’ignorent rien de ces principes sacrés de l’art militaire. Cela ne les a pas empêchés d’investir des millions dans les opérations de brassage des troupes qui ont généré au moins deux nouvelles rébellions en RD Congo : celle de Laurent Nkundabatware et celle de la bande à Bosco Ntaganda. Casser du sucre sur les dos d’officiers généraux rd congolais parmi les plus compétents, c’est la nouvelle stratégie pour empêcher les Fardc de se régénérer, manifestement.
J.N.