Le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a mis un accent particulier sur la relance de l’agriculture lors de son speech de la rentrée du 15 septembre 2016. Le gouvernement s’y engage déjà, selon le ministre de l’Economie, Modeste Bahati Lukwebo, dans le cadre de la diversification de l’économie nationale. Mais les moyens financiers ne suivent pas.
Le gouvernement projette de se doter de sept nouveaux parcs agroindustriels, type Bukanga Lonzo, a fait savoir le ministre de l’Economie, même si Bahati n’a pas avancé la moindre date quant à ce. Aussi, une mission d’identification des plantations et des élevages laissés à l’abandon fera le tour de la RDC pour leur relance.
A moins de six mois de l’échéance du programme agricole 2012-2016 exécuté par le gouvernement r-dcongolais, le syndicat national des ingénieurs agronomes se montre plutôt perplexe par rapport aux objectifs escomptés, entre autres, réduire le taux de malnutrition aigüe des enfants de 0 à 5 ans qui demeure à 43%. Au moins 19% de R-dCongolais font toujours face à la sous-alimentation… la mise en œuvre du Programme national d’investissement agricole, PNIA, piétine, pendant que la relance de la Banque de crédits agricoles, BCA, a été renvoyée aux calendes grecques.
D’autres ‘‘Bukanga lonzo » en vue
Le parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo qui a coûté une bagatelle somme de 83 millions de dollars n’est qu’un arbre qui cache mal la forêt des besoins en investissements dans le secteur agricole, a fait comprendre Albert Yuma, président de la Fédération des entreprises du Congo, FEC, lors de la dernière assemblée générale ordinaire de ce principal patronat de la RDC. Quelque 1.800 plantations (hévéa, palmier à huile, coton, café…sucrière) demeurent à l’abandon, depuis des lustres, sur l’ensemble du territoire national et ne sont guère à l’abri d’une spoliation, apprend-on au Secrétariat général de l’Agriculture.
Selon Sylvestre Motayo Mbela, patron de la SECAF, Société d’exploitation de café, les cultures pérennes (café, cacao, thé et hévéa) résistent tant mieux que mal à la crise des cours des matières premières à l’échelle internationale. D’autant plus qu’en Côte d’Ivoire, les ressources générées par le cacao avec le café participent à hauteur de 15% à la formation du Produit intérieur brut, PIB, et près de 40% des recettes d’exportation de ce pays. En RDC, cet industriel déplore que des négociants rwandais et ougandais contrôlent l’essentiel des exportations de café de l’Est de la RDC du fait que la filière locale souffre d’u manque de financement pour mieux canaliser la vente de son produit à l’étranger. «Si l’Etat investit 15 millions de dollars dans la culture, à coup sûr, il gagne, à moyen terme, au moins 45 millions de dollars», fait savoir Motayo. Ce qui ne semble pas faire partie des options de l’Etat…même à moyen terme. La part du secteur agricole dans le budget 2016 était de 8%. Elle devrait se rétrécir suite à la révision à la baisse du budget de 8 à 6 milliards de dollars.
Une affaire de gros sous
Le président du Sénat, Léon Kengo avait lui aussi déploré que les cultures pérennes soient laissées à l’abandon alors qu’elles rapportaient, il y a quelques décennies, jusqu’à 45% des revenus de l’Etat en monnaies. Le sénateur Mokonda Bonza y est revenu dans sa question orale posée, début juin 2016, au Premier ministre Matata Ponyo. Matata Ponyo y a réservé une suite plutôt évasive sur le plan numéraire. Pourtant, dans le cadre du programme du Cadre intégré renforcé, CIR, les partenaires traditionnels de la RDC dont FAO, PNUD, USAID et ONUDI, se sont engagés à soutenir la relance de la production de l’huile de palme, appelée or orange du fait de sa demande qui va crescendo au niveau mondial. Première étape, le Kongo Central, dans le Mayumbe. Ici le projet a nécessité 4.359.080 dollars. Alors que le CIR a décaissé plus de la moitié du montant requis, soit 2.661.080 dollars, le gouvernement r-dcongolais s’est engagé à ne verser que 237.000 dollars! Et le reste, soit 1.461.000 dollars, c’est aux bénéficiaires de le trouver. Qui sont-ce ? De petits producteurs familiaux qui n’ont pas accès aux crédits bancaires, ont déploré des associations paysannes lors de la dernière foire agricole de Matadi soutenue par l’organisme néerlandais de développement, SNV. Hélas, l’appel lancé aux banques et autres investisseurs nationaux et étrangers à soutenir l’agriculture en RDC, à travers le Programme national d’investissement agricole, PNIA, lors du dernier forum agri-business (mars 2015) n’aura vraisemblablement eu qu’un écho limité. «C’est au gouvernement d’en manifester avant tout l’intérêt», fait comprendre cet ingénieur agronome, « voilà pratiquement 5 ans que le projet de la relance de la Banque des crédits agricoles a été annoncé…mais rien n’est venu». La création d’une banque agricole fait, en effet, partie de 28 mesures dites urgentes prises par le gouvernement lors du conseil extraordinaire des ministres du 26 janvier2016. Près de six mois après, la décision prise en mode « urgence » semble plutôt avoir été renvoyée dans les moyens et longs termes. M. Leny Ilondo, auteur d’un article scientifique, intitulé « RD Congo : éviter un risque financier systémique » propose plutôt que le gouvernement et la BCC accordent aux banques commerciales des allègements substantiels pour soutenir leur déploiement consécutif au processus de bancarisation, d’autant plus que le démembrement des provinces et la montée de leur autonomie nécessiteraient des investissements additionnels pour ces banques.
POLD LEVI