La révélation remonte en réalité, à plusieurs mois, lorsque des médias britanniques (BBC) et allemands (Deutsche Welle) ont rapporté que Moïse Katumbi Chapwe, l’ex. gouverneur de la défunte province du Katanga, a déboursé une somme de USD 100 millions dans un contrat de lobbying aux Etats-Unis. C’était au mois de juin 2016, alors que le milliardaire lushois est en proie à de sérieux problèmes judiciaires parce que soupçonné d’entretenir des mercenaires, et qu’il vient précipitamment de se déclarer candidat à la prochaine élection présidentielle en RDC. Contrat de lobbying ? C’est un doux euphémisme, en réalité. Parce que derrière l’affaire confiée au cabinet Akin Gump Strauss Hauer & Feld LLP pour six petits mois se cache, entre autres, une Ong internationale, United for Africa’s Democratic Future. L’objectif de l’organisation ainsi parée d’oripeaux de l’aide humanitaire est carrément de « dégager » l’actuel président de la RD Congo, Joseph Kabila, au plus tard en décembre prochain. L’existence de l’Ong internationale de Moïse Katumbi a, elle aussi, été révélée à l’opinion il y a plusieurs semaines par le chercheur américain Jason Stearn du GEC (Groupe d’Etudes sur le Congo). Mais c’est notre consœur Jeune Afrique qui a dévoilé le pot aux roses le 23 août dernier, en révélant que l’affaire mise sur pied depuis 2015 avait pour directeur exécutif Rick Gittleman. Lui, c’est un ancien d’Akin Gump qui a eu à se sucrer auparavant dans l’entreprise minière Suisse Glenncore bien connue au Katanga et dans une autre, l’américaine McMoran. Les deux entreprises minières ont, cela va de soi, fait leurs meilleurs jours au Katanga lorsque Moïse Katumbi régnait sans partage sur cette riche province congolaise. Le conseil consultatif de United for Africa’s Democratic Future est assuré par l’ex. secrétaire d’Etat adjoint américain chargé des Affaires africaines, Johnnie Carson, révèle encore JA. Carson est l’actuel « M. Afrique » de Hillary Clinton, la candidate démocrate à la Maison Blanche. Mais on y retrouve aussi l’Italo-Congolaise Cécile Kyenge, l’ancienne ministre italienne et actuelle eurodéputée qui s’illustre par un activisme tonitruant en faveur du « changement démocratique et sans délai de pouvoir à Kinshasa ». Elle n’y siège pas seule, parce qu’un Général Américain, James Jones, y apporte ses conseils en matière de sécurité. James Jones, un nom connu de la justice congolaise car c’est l’employeur de Darryl Lewis, le pseudo agriculteur américain chargé de sécurité de Moïse Katumbi, arrêté en avril 2016 au cours d’une manifestation publique interdite à Lubumbashi et qui s’est avéré être un mercenaire offrant ses services au plus offrant.
Nébuleuse de candidat à la présidence
Véritable nébuleuse donc, que cet activisme du candidat déclaré à une présidentielle dont la date est encore loin d’être connue. On se souvient que, attrapé par la police à Lubumbashi, Darryl Lewis, avait par la suite avoué devant le consul de son pays être un ancien marine formé au Mississipi avant de servir durant 4 ans, de 1985 à 1989 dans l’armée US avant d’effectuer des missions militaires notamment au Kosovo et au Burundi. Il se prévalait en outre dans des offres de services « on line » de compétences avérées en matière d’opérations spéciales, de protection rapprochée, de formation et d’entraînements autant que de renseignements et d’anti-terrorisme, sans compter une expertise dans le maniement d’armes de guerre. Ce n’est pas tout : en Bosnie, Lewis avait effectué une mission de protection dans le cadre d’un contrat avec ITT, une compagnie américaine mondialement connue, notamment pour avoir organisé le coup d’Etat qui mit fin au régime démocratique du président socialiste chilien Salvador Allende en 1973. L’ancien militaire US arrêté à Lubumbashi en juin dernier avait également prêté ses services à Blackwater Security, une entreprise réputée en matière de recrutement de mercenaires, qui figure en bonne place parmi les organisateurs de la fameuse rencontre d’acteurs politiques de l’opposition rd congolaise à l’île de Gorée au Sénégal. L’homme est donc tout sauf un garçon de chœur. Moïse Katumbi autant que lui.
Révélations consignées
Entendu sur PV en avril et mai derniers, devant des représentants de l’Ambassade US à Kinshasa et des avocats, Darryl Lewis a déclaré que l’ancien gouverneur du Katanga avait pris contact avec la firme Jones Group International du général à la retraite Jones Logan James en vue du recrutement d’anciens soldats américains pour des missions à déterminer par Katumbi. En janvier 2016, c’est une certaine Barbara Murnane, assistante de Jones Logan James, qui s’était adressée par courrier à l’ambassade de la RD Congo à Washington pour solliciter des visas d’entrée en faveur Christopher Andrew, Easterling Euguene Reuben et Darryl Lewis. Une demande visa couverte par une invitation de l’entreprise lushoise de protection (œuvrant déjà au Stade Mazembe de Kamalondo à Lubumbashi), Pomba One Security. Ils ne sont pas les seuls à s’être rendus en RD Congo, selon des informations de la DGM révélées par Alexis Thambwe Mwamba, le ministre de la justice qui avait enjoint le Procureur Général de la République d’ouvrir un dossier à charge l’ancien gouverneur du Katanga. Entre octobre 2015 et avril 2016, au moins 658 sujets Américains étaient entrés en RD Congo par l’ex. province du Katanga, dont 254 femmes et 404 hommes. Parmi eux, une bonne dizaine d’ex-Marines dont un bon nombre avaient été aperçus dans la ceinture de sécurité de Moïse Katumbi. En toute illégalité car ils ne détenaient aucun permis de travail en cours de validité dans le pays. Mais l’homme est connu pour ses pratiques de contournement des lois et des principes moraux et sa propension à acheter et à pervertir tout ce qui bouge autour de lui au profit d’un ego surdimensionné.
A l’Ambassade rd congolaise à Washington, les visas octroyés à des ex-Marines Américains ont violé une instruction du ministre des Affaires Etrangères relative à la procédure en matière d’octroi des visas et des dispositions pertinentes en matière de traitement des dossiers de demande de visas. En principe, les dossiers de demande doivent être envoyés à Kinshasa préalablement à toute réponse, négative ou positive. Sur les ex-Marines de Katumbi, aucune demande de visa ne fut envoyée à la centrale pour l’aval de Kinshasa jusqu’à la date du 8 février dernier, lorsque les membres du groupe de Darryl Lewis obtinrent les précieux sésames qui leur permirent de venir en RD Congo. Idem à l’Ambassade rd Congolaise de Pretoria (Afrique du Sud). L’ex-Marine Toon Jr III Leonard O’Neal, réputé en transit, y a obtenu un visa d’entrée en RD Congo le 26 décembre 2015 sans que le dossier n’ait été transmis à Kinshasa pour avis préalable. De même qu’à Lubumbashi, les responsables provinciaux de la DGM, alors aux ordres du tout puissant (et généreux) gouverneur Katumbi se montrait extrêmement complaisante dans la prorogation des visas des agents américains de la ceinture de sécurité de Moïse Katumbi, à partir de simple visas de transit.
À l’évidence, le candidat président de la RD Congo a le don particulier de tout pourrir sur son passage en attendant son accession à la magistrature suprême. Qu’en sera-t-il du Congo si, d’aventure, il parvenait à ses fins de mettre le grappin sur le ‘top job’ ?
J.N.