Joseph Kabila aura assurément glané quelques points sur le tableau de sa popularité au sein de l’opinion à la suite de la promulgation, le 31 décembre 2015, de la loi n°15/025 relative aux baux à loyer : 3 mois de garantie, pas plus ! Ça fait slogan dans la ville de Kinshasa. Hélas, l’exécution a fait défaut. Le ministre de tutelle, en charge de l’Urbanisme et de l’Habitat, Omer Egbake, n’en a cure…visiblement.
Pour ce membre l’association de défense des locataires de la RDC, la loi sur les baux à loyer est l’une de plus importantes mesures qu’est prise le Chef de l’Etat durant ses 15 ans de pouvoir. «C’est du social nec plus ultra!», renchérissait-il. Six mois après, beaucoup comme lui devraient déchanter. La vulgarisation de la loi a fait défaut. Et le mal est revenu au galop. La garantie locative à Kinshasa, singulièrement, se fixe au-delà de 3 mois légaux. Cinq, huit, dix, quinze! A prendre ou à laisser. La loi non édictée du tant pis pour personne l’emporte sur celle codifiée et rendue publique et exécutoire par le Chef de l’Etat. Et pour autant, le portefeuille de l’Habitat est entre les mains d’un … opposant, issu du rang du MLC/L., le boute-en-train Egbake Omer. Hélas, à chaque sortie médiatique, Son Excellence se complaît dans le folklore, avec son « Asbl » tribale, Alliba, Alliance des Bangala. Egbake aime s’égosiller à convaincre son assistance par ailleurs stipendiée combien le Chef de l’Etat a à cœur la communauté Ngala., comme si il pouvait en être autrement…en tant que garant de la Nation. Naturellement, au sein de l’opinion, l’on se demande si, en attendant une hypothétique équipe gouvernementale version Dialogue, le Chef de file des Libéraux bembistes, Thomas Luhaka, ne pourrait pas trouver mieux qui puisse gérer le secteur de l’Habitat. Ou encore, si selon les résolutions des Concertations nationales, ce portefeuille serait forcément réservé à l’opposition. En tout état de cause, il faut sauver les meubles. Quelque 2,5 millions de logements font défaut rien qu’à Kinshasa et sa périphérie. Prise en mode urgence, la décision du gouvernement de créer une banque du crédit immobilier (parmi les 28 mesures urgentes levées lors du conseil des ministres extraordinaires du 26 janvier 2016) déroute dans les longs termes faute des moyens financiers.
Puisque l’Etat ne peut que faire la politique de ses moyens, il sied de rendre opposable à tous la loi sur les baux à loyer. Mais, revers de la médaille, de l’avis des experts, la nouvelle loi a manqué de marquer le caractère libératoire du Franc congolais dans le payement du loyer.L’article 21 de ladite loi stipule en effet que « le loyer est fixé librement par les parties. Il est payé en monnaie ayant cours légal en RDC…. ». Il ne serait pas téméraire d’affirmer que toutes les monnaies du monde ont cours légal en RDC. Rand sud-africain, CFA, Kwanza angolais, le shilling ougandais qui a pratiquement supplanté le CdF en Ituri, le Franc rwandais, le dinar, le yuan chinois, le yen nippon, l’Euro … et naturellement le roi dollar. L’économie nationale en souffre. Ces deux dernières années, le gouvernement et la Banque centrale du Congo, BCC, se sont investis pour juguler la dollarisation de l’économie nationale. Sans grand succès, mais l’initiative a été saluée et soutenue par des institutions financières internationales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et la Société financière internationale, SFI.
Faisant l’économie de la loi inhérente à la nouvelle réglementation de change, le chargé des opérations à la BCC, Jean-Louis Kayembe, soutenait que «toutes les prestations se rapportant aux opérations ayant une incidence sur le vécu quotidien de la population r-dcongolaise doivent se faire exclusivement en Franc congolais».
Jean-Louis Kayembe avait notamment épinglé le paiement des loyers résidentiels. Le directeur des opérations à la BCC, avait même averti que les douaniers, la police, l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) et d’autres services devraient s’appliquer à faire respecter la nouvelle réglementation du change. Hélas, sur terrain, rien n’a changé depuis. A Kinshasa, du carburant au beignet, tout s’achète en dollar…notamment. Même dans les églises, l’offrande est exigée en dollar. Avis d’experts, les pouvoirs publics ne se sont pas assez investis en vue de promouvoir le pouvoir libératoire du franc congolais sur tout le territoire national, comme le stipule sans fioriture la constitution en son article 170. La monnaie, en l’occurrence, le CdF, est donc un des attributs de la souveraineté nationale et internationale du pays. En tout cas, la nouvelle loi sur les baux à loyer n’est guère de nature à faciliter les choses. Quelques semaines avant sa promulgation, un rapport de la Banque mondiale sur l’économie congolaise préconisait vivement la dédollarisation du système économique national si la RDC tient réellement à sa résilience.
Pour la Banque mondiale, les dernières décisions prises par les autorités r-dcongolaises, pour dompter la dédollarisation de l’économie nationale, n’auront été que cautère sur jambe de bois. Et pourtant, poursuit l’étude de la Banque mondiale, la politique de dédollarisation a le mérite de donner à la RDC plus de latitude pour utiliser la politique monétaire dans la gestion macroéconomique et permettrait ainsi sa résilience. L’étude justifie cette affirmation par le fait que la dé- dollarisation a été une réponse spontanée à des politiques budgétaires erratiques et à l’hyperinflation. Elle relève les effets de cette dollarisation, notamment la perte des marges de manœuvre en termes de politique monétaire, la dépendance excessive à l’égard des réserves en devises étrangères pour maintenir la stabilité monétaire et bancaire. L’on sait que 75% des comptes bancaires en RDC sont libellés en dollar. Et, la disposition selon laquelle le paiement des loyers se fait en toute monnaie ayant cours légal en RDC pourrait, redoutent des experts, ruiner les efforts du gouvernement et de la BCC, dans la croisade contre la dollarisation de l’économie.
POLD LEVI MAWEJA