Le calme est revenu à Tshimbulu depuis mercredi soir après une vigoureuse intervention des Forces armées de la République Démocratique du Congo. Le chef Kamwena Sampo, chef d’une milice qui s’est constituée dans cette partie de la province du Kasaï Central, est en cavale abandonnant nombre de très jeunes gens qu’il avait enrôlé pour une motivation inconnue pour tout casser sur leur passage.
Selon une première version des faits parvenue aux rédactions du Maximum, Kamwena Sampo aurait constitué une milice de quelques centaines de jeunes, dont des enfants de 8 ans, au nez et à la barbe des autorités administratives, policières, sécuritaires et judiciaires du Kasaï Central qui semblent, en l’espèce, avoir brillé par une incompétence inqualifiable. « Plusieurs chefs de villages de la chefferie de Kamwena avait été mis à contribution et envoyé au warlord Sampo des quota de jeunes dont l’âge variait entre 8 et 25 ans pour constituer un prétendu groupe d’autodéfense depuis plus d’un an », ont indiqué plusieurs ressortissants de la contrée. Une information corroborée dans le rapport sur la situation sécuritaire présentée au Chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange, lors de son dernier passage à Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï Central. « Il était impossible pour le Président de la République d’appréhender la gravité du problème car les auteurs du rapport, soucieux de faire bonne figure, avaient délibérément minimisé les faits en les dépeignant comme relevant de conflits communautaires ou de pouvoir coutumier qui traversent régulièrement les zones rurales du pays. Le Président s’est donc limité à recommander des solutions concertées à ce problème jugé mineur », témoigne un proche conseiller du Chef de l’Etat.
Un Etat dans l’Etat
C’était sans compter avec les véritables intentions de Kamwena Sampo qui étaient de se constituer une sorte d’Etat dans l’Etat où il pourrait régner sans partage au sein de sa chefferie.
Alors qu’il séjournait en Afrique du Sud, le chef Kamwena Sampo, apprenant qu’une perquisition judiciaire avait été effectuée dans sa résidence par le parquet de Tshimbulu qui voulait connaître la vraie nature des activités de centaines d’enfants et de jeunes organisés autour de lui, serait entré dans une fureur aveugle. De retour à Tshimbulu, il érigea des barrières sur les principales artères autour de la contrée. Un prêtre catholique empruntant cette voie sera une des premières victimes de cette bande de jeunes drogués qui le dépouillèrent de tous ses biens, allant jusqu’à le déshabiller. Depuis lors, les incidents se sont multipliés. Le 8 août, ils ont déferlé par dizaines sur Tshimbulu armés de quelques armes de chasse et de coutelas, semant la terreur sur leur passage. La résidence du Colonel Charles Kyungu, commandant de la police territoriale locale, est assiégée. Cinq agents de police affectés à la garde des lieux sont surpris, débordés et tués à coup de machette par des miliciens qui mettent le feu au bâtiment après l’avoir pillé. Le colonel Kyungu qui s’était dissimulé dans un coin du grenier, échappera de peu aux flammes et parviendra à s’extraire du brasier pour aller alerter ses supérieurs à Kananga après que des policiers venus à la rescousse soient parvenus à desserrer l’étreinte des assaillants qui s’en iront bouter le feu à l’antenne locale de la CENI et au parquet. Ce premier affrontement entre les forces de sécurité et les inciviques se soldera par la mort de cinq assaillants parmi lesquels un enfant de 9 ans. Ce sera le début de leur débandade après que l’un d’eux ait crié : « On nous a trompé ! Le fétiche du chef Kamwena ne nous donne pas l’invulnérabilité ». C’était le sauve-qui-peut généralisé aussi bien des civils que des miliciens qui iront rétablir des barrières loin de l’agglomération. Pendant tous les jours qui suivirent, Tshimbulu, vidé de ses habitants, ressemblera à une ville fantôme. Ce n’est que mercredi dernier tard dans la soirée et jeudi matin que les habitants, informés de la mise en déroute de Kamwena Sampo et de l’arrivée des troupes des Fardc, ont regagné leurs pénates.
Curieuse sortie du Sénateur Munongo
Sur ces entrefaites, le sénateur Munongo, président de l’Association nationale des autorités traditionnelles et coutumières (Anatc) s’était fendu d’un curieux communiqué appelant « les parties » à ce conflit à raison garder et engageant le gouvernement à négocier avec Kamwena Sampo et sa milice « en respectant les prescrits de la loi organisant l’autorité coutumière ». Une façon comme une autre de minimiser des comportements criminels (recrutement d’enfants dans un groupe armés, usage de drogue, insurrection armée, meurtres et pillages et bande organisée).
A force de banaliser ainsi les pires abominations par une conception abusive de la « solidarité » (professionnelle, politique ou autre), nombre de leaders d’opinion en RDC en viennent à passer par pertes et profits ce qui est essentiel pour les citoyens d’un pays, quel qu’il soit, notamment la sécurité sans laquelle il n’y a ni démocratie, ni Etat de droit, ni respect des droits de l’homme. On ergote autour du format du dialogue convoqué par le Président Kabila ou envisagé par la Résolution 2277 (encore que pour la grande majorité du peuple, il n’y a aucune différence entre les deux dès lors que l’on se parle). Entre temps des problèmes sérieux requérant la bonne gouvernance au quotidien sont laissés à l’abandon.
Les pieds sur terre
Il faut savoir gré à ce sujet à Joseph Kabila et à son gouvernement qui semblent encore garder les deux pieds sur terre et comprendre la nécessité de rester mobilisés pour la résolution des problèmes concrets de la nation par-delà les turbulences du jeu politique ambiant. A cet effet, une initiative comme le séminaire de haut niveau organisé à Kinshasa du 2 au 5 août dernier sur le cadre et processus de gestion des armes et des munitions en RDC, mérite d’être encouragé.
L’objectif de ce séminaire était l’évaluation de base des acteurs et des capacités nationales, afin de contribuer à identifier et apporter les moyens susceptibles de permettre une gestion efficace des armes particulièrement de petit calibre et des munitions dans le pays. Comme on le perçoit, ce séminaire s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par la RDC pour contrer la menace que représentent pour la sécurité nationale le transfert illicite, la fabrication artisanale, l’accumulation entre des mains non autorisées et/ou le détournement d’armes légères et de petit calibre à travers le territoire national. La finalité est principalement d’arriver à organiser en toute sureté et efficacité la gestion, l’entreposage et la sécurité des stocks d’armes et de munitions. Elle consiste également à parvenir à élaborer une feuille de route pour identifier des options en vue de renforcer les politiques nationales, les programmes et les procédures de gestion du cycle complet de vie des armes et des munitions en RDC.
Campagnes de récupération
Quoi qu’on ait pu dire sur ces campagnes par le passé, il est indéniable qu’elles ont permis de récupérer plus de 37.000 armes et munitions entre 2005 et 2010. Elles ont surtout « réduit la virulence de certains groupes armés » comme l’a reconnu le Ministre de la Défense, Crispin Atama Tabe Mogodi. Il ne faut pas perdre de vue qu’il existe encore une dizaine de groupes armés résiduels sur la soixantaine qui écumaient la partie Est du pays. À ces groupes qui se sont distingués récemment dans des atrocités humainement inacceptables dans la partie septentrionale de la République (Beni, Bunia…), s’ajoutent des situations préoccupantes dans des zones où sont signalés ce qu’on pourrait considérer comme des conflits de faible intensité comme récemment en territoires de Manono (Tanganyika), Katako-Kombe, Lubefu (Sankuru) et Tshimbulu (Kasaï Central). Des énergumènes en possession d’armes individuelles et d’armes de chasse souvent de fabrication locale s’y adonnent à des opérations de vendetta à la suite de conflits fonciers ou de querelle de légitimité autour du pouvoir coutumier avec nombre de pertes en vies humaines.
Après les coups de semonce sanglants qu’ont été les attaques des tristement célèbres « bakata Katanga » sur Lubumbashi et d’une bande d’exaltés aux ordres du pasteur Mukungubila dans la capitale, le gouvernement de la République (dit de cohésion nationale) doit éviter de se laisser distraire dans la bouillabaisse des éternels recommencements de négociations sur le dialogue pour gérer la République, particulièrement face à la question de la prolifération des armes légères et de petit calibre qui a favorisé depuis quelques années la manifestation de la violence armée dans le pays. A cet effet, le Ministre de la Défense nationale, Crispin Atama Tabe, a encore raison de dire que pour enrayer l’instabilité chronique depuis vingt ans dans l’Est de la RDC, il est indispensable d’exercer une pression militaire sur les groupes armés et d’œuvrer dans le même temps à leur désarmement, volontaire ou forcé. Il faut également veiller à ce que la présence d’armes dans la population civile ne puisse exacerber les conflits ethniques latents ou aggraver en les extrapolant des conflits économiques et sociaux, notamment les conflits fonciers.
Les questions des bandes armées irrégulières d’autodéfense ou « coupeurs de routes » et des armes légères et de petit calibre ne doivent plus être négligées par les autorités tant nationales, provinciales que locales après les douloureuses expériences vécues par notre peuple ces dernières années.
J.N.
Tshimbulu de pold
KASAI CENTRAL : Tshimbulu, comme au temps du « Far West »
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