Comment va la Fibank ? RAS, rien à signaler… à interpréter le silence sinon l’indifférence de la Banque Centrale du Congo (BCC), l’autorité de régulation du système bancaire, face aux inquiétudes émises par la FEC (Fédération des Entreprises du Congo), lors de sa dernière AGO, par la bouche de son président Albert Yuma. L’homme, on le sait, n’a cure de la langue de bois. Par ailleurs, la BCC a récemment injecté un deuxième (?) 50 millions de dollars sur le marché… au profit des banques commerciales, dans l’espoir de calmer la tempête de dépréciation de CdF face au dollar. Résultat : effets contraires. Le dollar s’est échangé le week-end à plus de 1.000 FC. Le circuit bancaire ne rassure guère…Enquête.
«Après la BC, Banque Congolaise, deux autres banques commerciales de la place sont près du tombeau. Il s’agit dune grande banque et d’une autre qui n’est pas la moindre. Je ne dis pas cela pour créer la panique. J’alerte l’opinion pour préserver l’épargne des R-dCongolais », confiait par ailleurs, Michel Somwe, ex-DG de la BCA et ancien membre du secrétariat du comité de suivi des banques en difficultés à la BCC.
Pas d’assurance des dépôts bancaires en RDC.
Information contre information. Chez Déogratias Mutombo, à la BCC donc, l’on s’est vite hâté de démentir. Mais Michel Somwe était resté formel. «A moins qu’on joue à la complaisance jusqu’au bout pour éviter de dévoiler les faiblesses et les complicités des uns et des autres, avait-il rétorqué. On peut continuer à entretenir un malade de façon artificielle. Cela s’est déjà fait avec la BCCE, Banque congolaise du commerce extérieur, déclarée en faillite et en liquidation, qui a cependant continué à recevoir des crédits de la BCC ». Près de 15 mois après le «yebela» (« soyez prudents ») lancé par Michel Somwe, la BIAC est, on le sait, en quasi faillite. Et comme les animaux malades de la peste, toutes les banques commerciales opérant en RDC, foi de Michel Somwe, clopinent. Elles mériteraient d’être plutôt appelées des «boutiques». Et l’ancien membre du Secrétariat du comité de suivi des banques en difficultés à la BCC de poursuivre, «quasiment toutes les banques commerciales opérant en RDC sont malades à l’image de la Banque Centrale du Congo… Je n’en connais pas une seule qui soit saine». La confusion atteint des degrés paroxystiques sur la garantie des épargnes. Il nous revient que, près de 5 ans après la liquidation de la Banque Congolaise, nombre de ses clients ne sont toujours pas rentrés dans leurs droits. Dans l’ «enfer BIAC» quelque 400.000 comptes dont 2.500 entreprises de diverses tailles sont exposés au feu de la faillite. Il nous semble d’ailleurs que bon nombre d’épargnants se sont précipités pour récupérer tous leurs avoirs de la banque. En RDC, l’assurance des dépôts bancaires n’existe pas, l’autorité de supervision bancaire, non plus, renseignent des experts. La BCC s’est octroyée cette mission alors qu’elle nécessite une commission spéciale. Pour autant, il serait téméraire d’affirmer que la BCC contrôle tous les rouages du secteur bancaire en RDC.
Dans son récent ouvrage, «Risques bancaires et dispositifs prudentiels de gestion en RDC », paru en avril 2016 aux éditions l’Harmattan, Emile Mudiangani Ilunga fait, en effet, comprendre que le système financier de la RDC a paradoxalement des acteurs puissamment redoutables (groupes d’intérêts, propriétaires, intermédiaires cachés) capables de faire échec à une décision mûrement réfléchie de l’autorité de contrôle, en clair, de la BCC… Ce n’est plus un secret pour personne. Au cours d’une prestation devant les députés à l’assemblée nationale, à huis clos, le Gouv Déogratias Mutombo avait carrément accusé le Premier Ministre, Matata Ponyo, d’être à la base des difficultés de la BIAC. Qu’il n’a pas suffisamment collaboré au redressement de sa trésorerie. Que la primature avait sans raison valable suspendu le refinancement de cette banque. Que quelque 40 millions USD devant être versés à la banque ont été gelés. Alors qu’il avait précédemment rassuré les clients de la banque du risque zéro quant à la perte de leurs avoirs, le gouverneur de la BCC a, on le sait, décidé par la suite de traduire en justice les anciens gestionnaires de la BIAC pour mauvaise gestion. Avant d’annoncer la cession future de la BIAC à un repreneur. Qui dit mieux ? L’ABC, Association des banques congolaises, a, depuis, quasiment cessé toute manifestation. Avis d’experts, le système bancaire r-dcongolais fait encore face à de nombreux défis et/ou risques dont celui du déficit communicationnel. Ce qui n’a rien à avoir avec le secret bancaire.
Risques et crise.
Certes, à travers le monde, toutes les activités d’emprunts et de prêts font face à des risques (risques de crédit, risques de marché, risques de liquidités, risques opérationnels, risques-pays… risques de change et risques de taux d’inflation, lesquels ont été relativement maîtrisés au regard de la stabilité relative du cadre macroéconomique de ces dernières années en RDC). Mais le tendon d’Achille du système bancaire r-dcongolais demeure le risque d’anti-sélection qui relève, en effet, de l’asymétrie de l’information. «La personne physique ou morale qui vient emprunter ne dit pas toujours la vérité sur l’affection du prêt sollicité. Le Fonds de promotion de l’industrie, FPI, appelé à se transformer en une banque d’affaires, a longtemps été victime de l’asymétrie de l’information», fait comprendre le prof. Michel Somwe, ancien DG de la Banque des crédits agricoles et ex-cadre de la BCC en charge des banques commerciales en difficultés. Selon le rapport d’une commission d’enquête parlementaire (disponible depuis fin décembre 2015 mais non encore traité à l’Assemblée nationale), 70% des projets financés par le FPI entre 2008 et 2014, n’ont pas, en effet, été réalisés et/ou sont tout simplement fictifs. Dans une telle supercherie, la connivence entre l’institution financière et l’emprunteur est, dans la plupart de cas, établie. L’on se rappellera, par exemple, qu’aux accusations de mauvaise gestion, les anciens responsables de la BIAC imputent à l’Etat des prêts non remboursés qui titilleraient les 30 millions de dollars.
«Des rapports incestueux».
« Les dépôts constituant des fonds des tiers, l’exigence première dans le chef des banques demeure l’assurance, à l’endroit des clients, de la sécurité, de la disponibilité et de l’accessibilité à leurs fonds en cas de besoin », note pour sa part le prof Kabuya. «L’asymétrie de l’information est source du risque d’anti-sélection et d’aléa moral entre les banques et les emprunteurs. Ce risque résulte de la relation principal-agent des banques à l’égard des propriétaires. Mais il est aussi un risque de type relation « principal-agent » inversée qui s’observe de plus en plus dans notre paysage. Il serait plus exact, de le qualifier de « rapports incestueux » entre propriétaires et dirigeants de banque », relève ce professeur d’économie bancaire à l’Unikin et à l’UPC. « Détenir des actifs financiers correspond à posséder des créances réalisables à l’avenir. C’est le cas lorsque vous détenez une part dans une entreprise ou que vous êtes titulaire d’un dépôt bancaire. Cependant, sachant que l’avenir est par essence incertain, nous pouvons en déduire qu’il en est de même de toute créance, elle est subordonnée aux événements non encore réalisés. Cet état de fait ne poserait aucun problème si les mêmes informations utiles à l’appréciation de la valeur probable et future des actifs financiers étaient accessibles à tous. Malheureusement, c’est rarement le cas, la règle est généralement celle d’une asymétrie de l’information», regrette Eric Mboma, DG de Standard Bank RDC. Qui renchérit « (…) il s’ensuit une réelle opacité du bilan des banques dans la mesure où une part importante des actifs bancaires comprend les prêts dont la réelle valeur n’est pas directement observable par des néophytes. Il est donc très difficile pour les non-initiés d’évaluer avec précision la valeur réelle des actifs et donc de prendre la mesure de sa véritable situation financière».
Quand la Chambre refuse d’ouvrir…
Cet aspect de chose a été évoqué au sujet de la bancarisation de la Fonction publique, à tel enseigne que le président de l’Assemblée nationale, la Chambre basse du Parlement r-dcongolais, Aubin Minaku, avait, urbi et orbi, déclaré que la bancarisation de la paie de la Fonction publique ferait l’objet d’un «contrôle systématique». Le speaker de la Chambre basse avait, pour ce faire, convié les élus à fouiner en profondeur dans les dépenses du personnel de l’Etat dans le cadre du contrôle parlementaire. Mais à brûle-pourpoint, la chambre fait girouette, le sujet est caviardé de son canevas. Alors qu’il pleut des accusations de détournements des fonds destinés à la paie, notamment dans les secteurs de la santé et de l’enseignement de base, impliquant, de l’avis des mouvances syndicales, de plus hauts responsables. Et elles montent dans l’opinion, des allégations inhérentes à des «opérations retour», selon lesquelles certaines banques commerciales retourneraient moyennant commission de substantielles sommes à la BCC car, les effectifs de la Fonction publique seraient vachement gavés. L’enveloppe salariale sur toute l’étendue du territoire national se chiffre, pour l’exercice 2016, à quelque 2.165,9 milliards de FC. Ce poste des dépenses aura donc connu un taux d’accroissement de près de 30% par rapport à 2015 où il s’est chiffré à 1.960,7 milliards de FC, soit plus de 2,100 milliards de dollars. Pour autant, des fonctionnaires dans l’arrière-pays, notamment au Sankuru, disent faire le frais de la bancarisation. Leurs salaires s’en trouvent chaque fois rabiotés. Ce qui ne serait pas tout à fait vrai. Nombre des fonctionnaires, même la capitale, ignor(ai)ent que l’ouverture d’un compte bancaire est payante. L’information, la bonne, n’a pas, au préalable, circulé.
Faut-il pour cela désespérer de l’avenir de notre secteur bancaire ? En réalité, il n’existe pas de risque nul. Ce qui importe, c’est de pouvoir l’identifier, l’évaluer, le prévenir et le maîtriser, déclare M. Kabuya, professeur d’économie bancaire. Fin octobre 2015, la BCC a célébré la journée internationale de l’épargne sous le thème « épargner en RDC pour mon avenir, oui c’est possible». Selon les statistiques datant de fin 2015 livrées par le vice-gouverneur de la Banque centrale du Congo, Jules Bondombe, la RDC compte plus de 11, 4 millions des comptes bancaires.
Pold LEVI Maweja