Le ministre de la Justice, garde des sceaux et droits humains, Alexis Thambwe Mwamba, a annoncé jeudi 23 juin 2016, au cours d’une conférence de presse au Palais de justice, la mise aux arrêts du député provincial du Sud-Kivu, Frédéric Batumike Rugimbayo, pour avoir constitué une milice qui se livre aux attaques suivies des tueries contre les militaires, policiers et civils.
L’inculpé et 74 autres personnes sont mis à la disposition de la justice militaire où un dossier judiciaire a été ouvert à leur charge à l’Auditorat supérieur du Sud-Kivu pour répondre des faits qui leur sont reprochés. Il s’agit, entre autres, des crimes entrant dans le cadre du Statut de Rome dont la RDC est signataire à savoir, crime contre l’humanité par viol et par meurtre, entretien d’un mouvement insurrectionnel, enlèvement, coups et blessures volontaires aggravés.
Dans leurs différentes opérations, ce mouvement rebelle dénommé « Jeshi ya Yesu » (Armée du Seigneur) s’attaquait, vers les années 2012-2013, à la population civile qui n’était pas de l’obédience du député ou qui résistait à son pouvoir ou à ses crimes.
Les milices de ce mouvement lançaient des attaques systématiques sur les positions des FARDC, tuant et emportant les armes. Le 11 juillet 2014, l’attaque de ces rebelles a coûté la mort à un lieutenant des FARDC, deux soldats grièvement blessés et deux armes AKA 47 emportées.
Frédéric Batumike serait également commanditaire de plusieurs meurtres à Kavuma notamment celui d’un sujet allemand, Walter Müller, ingénieur agronome, propriétaire de la concession Bishibiru, occupé à ce jour par l’inculpé Frédéric Batumike. Il serait également commanditaire du meurtre de l’activiste de droits de l’homme Kasali qui dénonçait les crimes commis par le député et sa bande.
Un ancien membre de sa milice, Kakonyi, a été tué dans les mêmes circonstances, pour avoir dénoncé les agissements de ce fameux député ainsi que l’assassinat de Dubaluga, chef du groupement de Bughore, dans le Sud-Kivu.
Des fétiches pour se rendre invulnérable
Les membres de ce mouvement se sont entourés d’un féticheur du nom de Kabuchungu qui, sur ses conseils, violaient en série des fillettes de 3 à 10 ans qu’ils enlevaient dans des maisons familiales.
L’objectif était de recueillir le sang hyménal des jeunes victimes vierges en vue de préparer des fétiches « anti-balles ». On a enregistré à ce jour plus ou moins 129 victimes.
De la procédure
Le dossier se trouve actuellement dans la phase d’instruction afin de réunir les preuves à charge et à décharge, a indiqué Thambwe Mwamba. Outre le député, 74 personnes ont été interpellées et mises en détention. Celles qui ne sont pas impliquées dans ce dossier seront libérées.
Dans sa lettre du 08 juin dernier, le ministre de la Justice avait demandé au président de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu de lever l’immunité du député pour sa mise en accusation, indiquant que passé le délai de 30 jours, il y aurait application du Statut de Rome qui pose le principe du « défaut de pertinence de la qualité officielle du suspect, lorsque les poursuites concernent les crimes internationaux ». Autrement dit, avec ou sans la levée de l’immunité dudit député, les poursuites peuvent être engagées.
Frédéric Batumike était élu en 2006 député provincial du territoire de Kabare, cité de Kavuma, province du Sud-Kivu. Il aurait constitué une milice dans ce territoire qui se serait muée en mouvement insurrectionnel.
Répondant à une question sur les préalables du groupe de politiciens qui se sont réunis dernièrement à Bruxelles au sujet de la libération des politiciens, Thambwe Mwamba a exprimé ses regrets de constater que des personnes poursuivies pour des infractions de droit commun se cachent derrière leur statut politique pour se disculper ou s’échapper à des poursuites éventuelles.
Quant au rapport du Bureau conjoint des Nations Unies sur les violations des droits de l’homme, Thambwe Mwamba a dit qu’il réserve une réponse écrite à ce sujet. Concernant la dernière condamnation de Moïse Katumbi, ancien gouverneur de l’ex-province du Katanga, il a dit que sa défense a la possibilité d’aller en appel pour faire corriger les erreurs constatées tel que le prévoit la procédure judiciaire congolaise.
Par ailleurs, le dossier Jean-Pierre Bemba entre dans le cadre du Statut de Rome, a indiqué le ministre congolais de la Justice qui a précisé que la RDC n’est pas partie dans ce procès dont les faits ont été commis hors du territoire national.
RBV