Il fait couler énormément d’encre, le conclave tenu par une frange de l’opposition rd congolaise, à l’initiative de l’UDPS Etienne Tshisekedi, grâce à un financement dont tout laisse croire qu’il est issu de fonds publics belges, obligeamment mis à disposition par les libéraux francophones au pouvoir en Belgique. Du 8 au 10 juin 2016, la Dynamique de l’opposition emmenée par Martin Fayulu Madidi et autre Patrick Mayombe, l’Alternance pour la République de Delly Sessanga, le G7 conduit par Olivier Kamitatu, Charles Mwando et Gabriel Kyungu, se sont réunis pour des échanges destinés à « sceller l’unité des Forces Politiques et Sociales acquises au changement autour des objectifs communs », selon les termes du communiqué rendu public à l’issue des travaux. Des échanges, qui auraient tout aussi bien pu se tenir à Kinshasa qui ne manque pas d’espaces pour abriter de telles rencontres, selon une critique grinçante de l’UNC Vital Kamerhe contre les conclavistes, au lieu du lointain – et coûteux – hôtel du Château du lac à Genval, à une vingtaine de km au sud de Bruxelles.
En fait d’objectifs communs à atteindre, les opposants de Genval ont convenu en principe d’exiger « le respect de la constitution » qui, à leurs yeux, ne se réduit qu’aux extraits de la loi des lois relatifs au nombre et à la durée des mandats présidentiels, c’est-à-dire « le départ du pouvoir du président Joseph Kabila le 19 septembre 2016 ». Genval a aussi exigé l’arrêt des poursuites judiciaires contre les membres de l’opposition, qui, même lorsqu’ils ont à répondre des délits ou crimes de droit commun, sont parés du très honorable manteau de « prisonniers politiques ». Mais les conclavistes ont surtout appelé à la mise en œuvre de la Résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations – Unies relative au processus électoral rd congolais. C’est celle qui, à la suite logique de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, invite la classe politique rd congolaise à « dialoguer pour se convenir d’un processus électoral consensuel et conforme à la constitution ».
Contre le dialogue ?
Certes, Genval s’est farouchement prononcé « contre le dialogue politique national convoqué par le Président Joseph Kabila ». Mais en lui préférant celui qu’évoque la Résolution 2277, il ne change rien à l’affaire, le contenu demeurant le même. Pour nombre d’observateurs, cette substitution de dénomination du forum qui se tiendra bel et bien à Kinshasa sous la facilitation d’un Edem Kodjo, certes renforcé par un panel d’experts de la CIRGL et de la SADC, deux organisations sous – régionales également parties prenantes à l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, consacre en fait la victoire des deux véritables poids lourds de l’arène politique congolaise que sont Joseph Kabila Kabange et Etienne Tshisekedi wa Mulumba.
A Genval, le vieux lion a montré qu’il avait encore des crocs acérés. Il a déployé tous ses talents pour convaincre « les jeunes gens », comme il aime à désigner souvent ses interlocuteurs de l’opposition même si certains comme Mwando Simba ont presque son âge, de la nécessité d’aller au dialogue, quel que soit le nom qu’on veut donner à cette rencontre qui décidera du processus électoral et de l’avenir immédiat de la RD Congo. « C’est par le dialogue que tout finit par s’arranger», avait-il déclaré dans le discours prononcé à l’ouverture des travaux, le 8 juin 2016.
Nouveau regroupement rassembleur
Comme pour mettre les petits plats dans les grands, les conclavistes ont mis sur pieds une structure de suivi des décisions de Genval dénommée le Rassemblement. Là aussi, le ‘lider maximo’ de l’Udps a raflé la mise : le Rassemblement est géré par un conseil de sages dirigé par lui en sa qualité d’initiateur de la rencontre de Genval. Le « Vieux » semble donc avoir concédé aux jeunes turcs venus de Kinshasa pour atteindre les objectifs qu’il s’était fixé depuis des lustres : discuter avec la famille politique au pouvoir, baliser un processus électoral consensuel, et pourquoi pas ? Partager le pouvoir d’ici les prochaines élections.
Ce n’est vraiment plus qu’un secret de polichinelle : pour Etienne Tshisekedi et les siens, la participation au pouvoir est un gage de réussite aux prochaines élections à plus d’un égard. Selon les indiscrétions parvenues à Kinshasa au plus fort des négociations secrètes en Espagne et en Italie, Tshisekedi, le fils de son père, devait signer son entrée au gouvernement en qualité de vice-président de la République ou vice-premier ministre au terme du dialogue politique national. Et ce, dans le cadre d’une nouvelle période de transition à définir de manière consensuelle avec la majorité au pouvoir.
Nouvelle transition
En rapport avec ces ambitions politiques plus ou moins immédiates, rien ne semble avoir changé dans le chef du sphinx de Limete. Tshisekedi tient absolument à sa transition, assurent nos confrères du quotidien Le Monde. « Je suis prêt, je m’y suis préparé. Le peuple est mûr pour la démocratie », déclarait-il encore jeudi dernier. Le président de l’Udps peut donc se frotter les mains devant les membres du G7 qui étaient allés à Genval dans l’espoir de faire adouber leur champion – et sponsor – Moïse Katumbi par Tshisekedi et son Udps. Ils se sont rendus compte que les choses n’ont pas été aussi simples qu’elles le paraissaient sur les plans des maîtres à penser libéraux francophones.
Mais les conclavistes ne semblent pas dupes. Les observateurs du conclave de Genval auront noté l’omniprésence de Moïse Katumbi au cours des travaux de l’hôtel du Lac, malgré son absence physique. Au four et au moulin se trouvait Gabriel Soriano Katebe Katoto, le demi-frère de l’ancien gouverneur de l’ex. province du Katanga, qui manoeuvrait dans les coulisses, dans l’espoir de favoriser une OPA dans cet endroit idyllique qui avait déjà abrité le mariage de Moïse et Carine Katumbi. On peut douter que le clan se soit donné tant de peine pour le plaisir de faire cadeau à un acteur autre acteur politique, Etienne Tshisekedi fût-il. Les fonctions de président du comité des sages du Rassemblement confiées au patron de l’UDPS sont symboliques, assurent nombre de conclavistes qui avaient été rameutés par les lobbyistes de l’ex roi du Katanga. Ils font observer ‘mezza voce’ que les ambitions des présidentiables ont été tues pour préserver l’unité de l’opposition. A nos confrères du quotidien Le Monde, le chef d’un parti politique de l’opposition n’a pas mis les gants pour déclarer que «Etienne Tshisekedi n’est pas capable, physiquement, d’être président du Congo». C’est tout dire du climat de confiance qui a régné parmi les conclavistes de Genval.
Seulement une frange de l’opposition
Au-delà de ces questions internes, il reste que le conclave n’a rassemblé autour du « Vieux » qu’une partie de l’opposition, peut-être même la partie la plus insignifiante, même si elle est la plus bruyante. Sur le terrain, chacun de ces messieurs ne représente pas grand-chose en dehors de sa circonscription électorale, s’il en a une. Tel est le cas d’un Delly Sessanga, l’élu de Luiza dont le parti politique, l’Envol, ne compte qu’un élu, lui-même. L’ancien mobutiste Patrick Mayombe et son colistier de la Dynamique de l’opposition, Martin Fayulu, ne valent pas mieux. L’un est élu d’une circonscription rurale de la province de l’Equateur et l’autre, un élu de Kinshasa où on sait que 2.000 voix ont pu suffire pour arracher un siège à l’Assemblée nationale. Il n’en va pas autrement pour les tonitruants délégués du G7 à Genval. Christophe Lutundula et la nouvelle formation politique qu’il a créée n’a également qu’un élu (lui-même) au parlement et c’est à peine si les « poids lourds » de cette mouvance katumbiste, Charles Mwando Nsimba et autres Gabriel Kyungu peuvent revendiquer plus de 5 élus pour le compte de leurs partis politiques respectifs. Des élus dont la majorité ont désavoué leurs positions contre Joseph Kabila. Et c’est encore pire pour Olivier Kamitatu, l’élu ARC qui a fui la circonscription électorale paternelle de Masimanimba pour se faire élire, de justesse et médiocrement à Bulungu, la région d’origine de sa génitrice et dont l’essentiel des députés est resté avec la MP.
On note que Genval c’était l’opposition politique rd congolaise sans l’UNC de Vital Kamerhe et le MLC de Jean-Pierre Bemba. Candidat à la présidentielle de 2011, l’ancien secrétaire général du PPRD s’en est tiré avec une honorable troisième place, juste après Etienne Tshisekedi. Tandis que, c’est connu, Jean-Pierre Bemba n’est rien d’autre que le challenger de Joseph Kabila au second tour de la présidentielle de 2006. Le Mlc, son parti politique, vaut encore son pesant d’or dans les provinces de l’Equateur et dans une partie de Kinshasa voire, du Kongo Central.
J.N.