L’homme qui voulait chasser Joseph Kabila du pouvoir d’ici décembre prochain, Moïse Katumbi Chapwe, éprouvera désormais quelque difficulté à réaliser ses desseins. Depuis jeudi 19 mai 2016, l’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga, qui s’est précipitamment proclamé candidat à une présidentielle dont ni dates ni heures ne sont connues en RD Congo, a été formellement inculpé et placé sous un mandat d’arrêt. Motif : recrutement de mercenaires, et donc atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, selon le porte-parole du Gouvernement, Lambert Mende Omalanga, cité par des agences de presse.
La désormais célèbre affaire Katumbi commence lorsqu’au retour d’un long séjour en Occident, l’alors gouverneur de l’ex province du Katanga et président du TP Mazembe de Lubumbashi annonce devant des milliers de sympathisants qu’il n’autorisera plus un second penalty en faveur de Joseph Kabila. Allusion on ne peut plus claire à un troisième mandat présidentiel, que des lobbies occidentaux et certains opposants politique en RD Congo, soupçonnent le Président de la République en fonction de se concocter. Quelques mois après, Moïse Katumbi démissionne du parti dit présidentiel, le PPRD, avant de quitter la tête de la province du Katanga à la faveur d’un démembrement que l’homme a manifestement très mal digéré : il lui ôtait, pour ainsi dire, de l’herbe sous les pieds, de l’avis d’observateurs de la scène politique katangaise.
Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et les champs katangais sérieusement minés en fonction de prochaines échéances politiques dont on sait qu’elles seraient tout sauf électorales. En un mot trois mouvements, Moïse Katumbi s’est retrouvé à la tête de plates-formes politiques de l’opposition qui l’ont désigné candidat à la prochaine présidentielle. Quand bien même l’intéresse n’a eu de cesse de réclamer le départ, avec ou sans élection, mais surtout sans élections, de Joseph Kabila.
A la faveur d’une manifestation politique interdite à laquelle Moïse Katumbi prenait part, le 24 avril dernier, les éléments des services de sécurité mettent la main sur des éléments de la garde rapprochée de l’ancien gouverneur devenu milliardaire. Parmi eux, des ex marines US, dont un certain Darryl Lewis, présenté comme un expert en agriculture. Cuisiné par les enquêteurs des services, le yankee avoue finalement qu’il est chargé de la sécurité de l’ancien Gouv’. Devant ses compatriotes diplomates, Lewis Darryl L. confirme son identité et sa nationalité. Devant eux, il reconnaît avoir tenté de fuir sur la piste de l’aéroport. Il maintient sa ligne de défense mais «l’ouvrier agricole américain invité par Moïse Katumbi Chapwe pour développer la culture du maïs dans la concession de Kashobwe», craque et passe aux aveux quand l’audition pousse plus loin et que la police brandit des éléments d’identité, rapporte nos confrères du Soft International qui ont eu accès au dossier d’instruction. Oui, il est un ex-US Marines – ancien militaire de l’armée américaine, formé à Mississipi. Oui, il a servi sous le drapeau américain de 1985 à 1989, a quitté l’armée en 1989 au grade de caporal (E-3). Oui, il avoue avoir été sous contrat militaire dit «DOS-DOD» (US Department of States-US Department of Defence) au Kosovo de 2009 à 2010, au Burundi ensuite, de 2011 à 2012. Devant ses compatriotes diplomates, il se reconnaît sur une photo que la police lui brandit. Sur celle-ci, l’ex-US Marines s’affiche, une arme d’assaut aux poings. Une photo prise en 2010 sur la base militaire de Bosnie, au Kosovo, à Bondesteele. Devant les quatre diplomates, il dit avoir posté lui-même sur Linkedin, réseau d’offre d’emplois, présentant ses compétences, domaines de savoir-faire (top competences): opérations spéciales, protection rapprochée, formation et entraînements, renseignement, anti-terrorisme, maniement d’armes, surveillance.
Sur cette base de Bosnie, l’ex-US Marines s’y était trouvé en mission de protection de la base militaire dans le cadre d’un contrat de la compagnie américaine ITT. Or, c’est cette société est mondialement connue. C’est elle qui avait organisé le coup d’Etat au Chili qui renversa, le 11 septembre 1973, les institutions chiliennes et le président Salvador Allende, déstabilisant plusieurs autres pays d’Amérique du Sud.
Devant ses compatriotes, Lewis Darryl L. affirme avoir travaillé, en 2005, pour le compte du groupe Blackwater Security, connue pour sa réputation dans le recrutement et l’utilisation des mercenaires dans le monde. Blackwater Security dont le nom fut cité lors de la rencontre de l’île de Gorée qui réunit des opposants congolais et où l’ex-gouverneur était annoncé mais se fut représenté par l’actuel gouverneur de la province de l’Equateur José Makila Sumanda, contraint par un autre engagement: accompagner son club de foot, le TP-Mazembe à une rencontre sportive internationale…
Lors de cette audition, l’homme déclare avoir effectué, comme militaire, diverses missions à travers le monde. Kosovo certes mais Afghanistan, Irak, Burundi, Dubaï aux Emirats Arabes Unis, etc.
Le filon est gros et mène très loin. De cela, les enquêteurs se rendent bien compte. Katumbi aussi, qui multiplie astuces et stratégies pour politiser l’affaire. Mais rien n’y a fait. L’homme comparaîtra pour atteinte à la sûreté de l’Etat. A Kinshasa ou à Lubumbashi, selon le porte-parole du Gouvernement cité par la Voa. Mais fort probablement à Kinshasa, pour éviter la popularisation d’une affaire judiciaire, après tout.
J. N.