Concerne : Clôturons, enfin, en beauté, l’interminable transition congolaise ouverte le 19 mai 1960
Monsieur le Facilitateur,
Citoyen et libre penseur congolais, j’ai, par la présente, l’honneur de vous souhaiter la bienvenue en cette terre africaine du Congo ainsi qu’un fructueux séjour de travail dans le cadre de la noble, mais combien délicate mission que vient de vous confier la communauté internationale. Mission consistant à trouver les voies et moyens idoines d’aider les citoyens congolais à se retrouver dans un dialogue responsable, fraternel et convivial à même d’aboutir à la mise en place, au Congo, d’un processus électoral transparent, apaisé et crédible, conforme à la constitution congolaise.
Le 24 avril dernier, les ex-Zaïrois ont fêté le 26e anniversaire du retour de leur pays au multipartisme, mis en veilleuse depuis le 24 novembre 1965 par un coup de force. Ce retour au pluralisme politique annoncé avec émotion le 24 avril 1990 par le Président Mobutu n’est, en réalité (beaucoup de citoyens congolais l’ignorent), qu’une conséquence logique de la fin, en novembre 1989, à l’avantage de l’Occident libéral, de la guerre idéologique ayant opposé les deux blocs idéologiques hégémoniques de l’Est et de l’Ouest dès la fin de la seconde Grande Guerre en 1945.
C’est que, objet (et non sujet) de l’histoire universelle depuis leur entrée dans la « Pax Romana » à la fin du XVe siècle, les citoyens congolais, comme leurs frères d’Afrique, ne font que subir les grandes mutations d’une histoire contemporaine construite sans leur concours actif, et, hélas, à leurs dépens. La traite négrière, la colonisation et la décolonisation-recolonisation bipolaire de la « Charte de San Francisco », du « Club de Bilderberg », de « l’OTAN », du « Pacte de Varsovie »…, mais aussi de l’actuel « village planétaire néolibéral », ne sont que des processus conçus en leur absence et imposés aux Africains par des puissances extérieures. Ainsi en est-il aussi du chaotique renouveau démocratique de la « Pax Americana » actuellement à l’essai depuis plus d’un quart de siècle dans l’ancien « Congo de Léopold ».
La fin de la guerre froide à l’avantage de l’Occident libéral fut, pourtant, une réelle et précieuse opportunité pour les citoyens congolais de remettre sur le rail, par des voies démocratiques, le train Congo qui dérailla le 4 septembre 1960 aussitôt parti de la gare le 30 juin de la même année. C’est que, mue particulièrement par une incroyable boulimie du pouvoir et des privilèges qui l’accompagnent, l’élite dirigeante congolaise encore embryonnaire, incarnée par le « Collège des commissaires généraux » de triste mémoire, a aveuglement plongé la très grande majorité des citoyens congolais dans un schéma non viable, en tout cas incompatible avec les principes de la Charte de l’Organisation des Nations Unies de 1945 et de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948.
En effet, depuis le coup d’Etat constitutionnel perpétré en septembre 1960 par ce « gouvernement d’universitaires » autoproclamé, façonné et totalement appuyé par la communauté internationale fondatrice du Congo, il n’y a, dans ce pays, ni Etat de droit, ni souveraineté du peuple, ni, encore moins (conséquence de ce qui précède) démocratie ou élections crédibles.
Ainsi, par l’action pernicieuse des survivances du « Collège des commissaires généraux », le 24 avril, une date qui aurait dû être célébrée avec faste, n’est devenu qu’un triste anniversaire, hélas exorcisé, cette année, par la grande douleur ressentie par la communauté humaine à la suite de la brusque disparition en terre africaine de Cote d’Ivoire de « Papa Wemba », de son vrai nom Jules-Presley Shungu Wembadiyo Mpena Kikomba, la célèbre star de la « rumba » congolaise.
C’est que, à la place d’un potable « multipartisme à trois » proposé par le Président Mobutu le 24 avril 1990, les citoyens congolais vivent, aujourd’hui, le « multipartisme intégral » imposé en République dite Démocratique du Congo par le « camp du changement » cher à l’ancien Commissaire général adjoint en charge de la justice du tristement célèbre «Collège des commissaires généraux ». Plus de deux décennies plus tard, la prétendue démocratie parfaite du multipartisme intégral (avec sa myriade de pseudo-partis politiques, en réalité des regroupements sui generis fourre-tout) s’avère manifestement incapable de construire, dans l’ancienne colonie belge, une action politique intelligente, cohérente et positive. Ce qui ne fait guère poindre à l’horizon congolais la perspective du « changement » porteur d’espoirs tant claironné, qui remettrait sur orbite ce pays à la dérive depuis bientôt 56 ans.
Triste anniversaire ! Heureusement promptement purifié, à partir de cette année, par le précieux sang de Papa Wemba.
Monsieur le Facilitateur,
Comme l’a si bien souligné Mme Anahendo, la fille aînée de l’illustre disparu, le deuil est, en Afrique, une occasion de retrouvailles, de confession, de repentance mutuelle et de réconciliation sincère. Survenue en plein spectacle, le jour anniversaire (pour les citoyens congolais) du retour manqué au multipartisme, au moment même où, sous votre facilitation, les citoyens congolais n’arrivent pas à accorder leurs violons autour d’un débat de tous les espoirs encouragé par la communauté internationale, la mort du « Roi de la rumba congolaise », pleuré à chaudes larmes par toute la Nation congolaise (‘’majorité’’, ‘’opposition’’ et ‘’société civile’’ confondues), doit interpeler, tant les circonstances exceptionnelles de sa survenance ne peuvent qu’inciter à une profonde réflexion.
Plus que jamais, le moment paraît, donc, propice pour, à l’occasion du Dialogue en perspective, fédérer, conformément aux us et coutumes africains, les citoyens congolais autour de la mémoire de celui dont ils regrettent tous la disparition, et, enfin, sceller une réelle réconciliation nationale vainement attendue depuis la débâcle, en septembre 1960, du programme commun mis en chantier, à travers la « loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo », par l’élite politique congolaise de l’époque et les parlementaires belges. Ainsi, à l’unisson, les citoyens congolais peuvent rechercher les meilleures pistes susceptibles de clôturer en beauté, et avec un minimum de dignité, l’interminable Transition politique congolaise ouverte par ce texte fondateur du Congo postcolonial, unique constitution ‘’légale’’ du Congo indépendant jamais abrogée, en Belgique comme au Congo, conformément à la théorie de l’acte contraire ou aux prescriptions impératives du « pouvoir constituant originaire ».
Monsieur le Facilitateur,
De notoriété publique, la grande histoire politique et constitutionnelle de l’actuelle République dite Démocratique du Congo commence à la fin du XIXe siècle à Berlin. En effet, dans ses frontières géographiques, et avec sa population autochtone actuelles, ce pays a été fondé par l’ « Acte général (ou le Traité) de Berlin du 26 février 1886, œuvre de la communauté internationale représentée par 13 puissances européennes (la Belgique et la Russie comprises) et les Etats-Unis d’Amérique. Par décision de la même communauté internationale, l’ « Etat indépendant du Congo », ‘’fief personnel’’ (selon le Traité de Berlin) du Roi Léopold II de Belgique, fut retiré à celui-ci, et cédé au Royaume de Belgique en 1908. Cela, à l’issue des travaux d’une Commission internationale créée pour enquêter sur les abus de l’administration léopoldienne (notamment la pratique des mains coupées), vigoureusement dénoncés par l’Afro-américain George Washington Williams, qui séjourna dans la ‘’propriété privée’’ du Roi des Belges en 1889, après avoir participé à la Conférence internationale anti-esclavagiste de Bruxelles organisée par la Grande Bretagne. La « loi belge du 18 octobre 1908 sur le gouvernement du Congo Belge » abrogea l’Acte général de Berlin, consacrant, ainsi, la cession de l’Etat indépendant du Congo au Royaume de Belgique.
A la fin de la seconde Guerre Mondiale, en 1945, par l’usage de la bombe nucléaire fabriquée avec l’uranium tiré des terres congolaises du Katanga, les deux « supergrands » (les USA et l’URSS), vainqueurs de ce grand conflit, prirent, au nom de la communauté internationale, l’initiative de la « Charte des Nations Unies », dans le but de prévenir à jamais une troisième conflagration mondiale aux conséquences apocalyptiques prévisibles. Ce texte sera adopté, le 23 juin 1945, dans la ville américaine de San Francisco, par les « représentants des peuples des Nations », munis des pleins pouvoirs.
Conformément au principe d’égalité des peuples et leur droit à disposer d’eux-mêmes contenu dans la « Charte des Nations Unies », mais aussi aux principes de la « Déclaration universelle des droits de l’Homme » de 1948 annexée plus tard à ladite Charte, la Belgique proclama solennellement l’indépendance du Congo le 30 juin 1960. Cela, en vertu de la « loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo », fruit du compromis trouvé, à l’occasion des travaux de la « Table ronde belgo-congolaise » de 1960 (dominé par les thèses lumumbistes) entre l’élite congolaise aspirant à succéder au pouvoir colonial et les parlementaires belges. Ce texte abrogea la loi belge du 18 octobre 1908 sur le gouvernement du Congo Belge, en tant qu’elle s’appliquait au Congo.
Acte fondateur du Congo postcolonial, la « loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo » est une loi spéciale votée par le Parlement belge, qui l’érigea en constitution provisoire du Congo indépendant. Constitution provisoire de la désormais ancienne colonie belge, ce texte contient un programme de mutation progressive de ce pays vers un Etat de droit, souverain, indivisible, républicain et démocratique, ainsi que celui de la consolidation de sa souveraineté et de sa sécurité nationales. Dans cette perspective, ce texte prescrit, notamment, non seulement la signature, aussitôt proclamée l’indépendance du Congo, d’un Traité d’amitié entre la Belgique et sa désormais ancienne colonie, mais aussi la constitution d’unions (inspirées de l’esprit du Commonwealth britannique) entre la Belgique, le Congo, le Rwanda et le Burundi, dans le but de régler en harmonie et dans la sérénité tout éventuel contentieux existant ou susceptible de naître entre ces quatre Etats indépendants liés par une longue histoire commune.
Monsieur le Facilitateur,
Dans l’environnement rigoureusement hégémoniste et bipolaire impitoyable des années 60, l’intolérable « neutralisme positif » (ni à gauche, ni à droite, même pas au centre, mais authentiquement congolais et africain, néanmoins disposé à enrichir ce socle traditionnel par des valeurs universelles provenant de n’importe quel horizon, choisies en toute souveraineté par les Congolais et les Africains libérés du joug colonial eux-mêmes) de Patrice-Emery « Lumumba » (Lomomba, de son vrai nom), le tout premier Premier Ministre congolais élu dans le régime parlementaire (avec un Président de la République politiquement irresponsable) consacré par la constitution provisoire du pays, mettra celui-ci en porte-à-faux avec les deux blocs idéologiques antagonistes, hégémonistes et interventionnistes de l’Est et de l’Ouest. Ainsi, le 04 septembre 1960, au mépris flagrant de la « loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo », il sera limogé par le Chef de l’Etat, avec son Gouvernement démocratiquement élu, celui-ci s’étant vu, d’office, remplacé par celui autoproclamé, le « Collège des commissaires généraux », installé avec force par le Bloc hégémoniste Ouest de la communauté internationale.
La vigoureuse réplique du Parlement congolais, énervé par la dérive totalitaire du Président de la République, lui vaudra une mise en congé sine die, en violation totale de la constitution. Entretemps, arbitrairement arrêté et longuement placé en détention préventive illégale dans un amigo du camp militaire de Thysville, « Lumumba » sera, finalement, transféré le 17 janvier 1960 à Elisabethville où, via Moanda et Brazzaville, il arriva avec un corps totalement démoli à coups de pieds et de poings, des yeux crevés et des cheveux arrachés. Le soir même de son arrivée à Elisabethville, le Premier Ministre illégalement déchu sera sommairement exécuté. Mort, sa dépouille sera enterrée, avant d’être exhumée quelques jours plus tard pour être découpée à coup de hache en mille morceaux, finalement jetés dans une cuve d’acide sulfurique de l’Union Minière du Haut-Katanga, filiale de la Société Générale de Belgique.
Littéralement traqués, nombreux sont les fidèles lieutenants de « Lumumba », élus du peuple congolais, qui seront sauvagement massacrés, singulièrement dans la tristement célèbre «Boucherie de Bakwanga » où, selon l’histoire, ils furent brulés vifs, en exécution des sentences des chefs coutumiers de la « république minière » d’un « Mulopwe » en sécession.
Empêchées de siéger des années durant, les Chambres parlementaires congolaises élues seront dans l’impossibilité d’adopter la constitution définitive du pays, conformément à la « loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo ». S’ensuivra, dès lors, une interminable cascade de textes constitutionnels strictement anticonstitutionnels :
• la « Constitution de la République Démocratique du Congo du 1er août 1964 », dite ‘’Constitution de Luluabourg’’ (œuvre d’une commission constitutionnelle anticonstitutionnelle);
• la « Constitution » du 24 juin 1967, dite ‘’révolutionnaire’’ (œuvre d’un Chef d’Etat autoproclamé, donc anticonstitutionnelle) ;
• l’« Acte constitutionnel de la transition » de 1992 (œuvre d’une délirante et éléphantesque assemblée fourre-tout autoproclamée de 2850 personnes abusivement dénommée ‘’Conférence nationale souveraine’’; évidemment anticonstitutionnel) ;
• le « Décret-loi numéro 003 du 27 mai 1997 relatif à l’organisation et à l’exercice du pouvoir en République Démocratique du Congo » (œuvre d’un Chef d’Etat autoproclamé ; encore anticonstitutionnel);
• l’ «Accord global et inclusif sur la transition en République Démocratique du Congo » du 17 décembre 2002 (œuvre d’une assemblée autoproclamée ; toujours anticonstitutionnel);
• la « Constitution de la transition » du 5 avril 2003 (œuvre d’une assemblée et d’un Chef d’Etat autoproclamés ; une fois de plus anticonstitutionnelle) ;
• la « Constitution de la République Démocratique du Congo » du 18 février 2006 (œuvre d’une assemblée et d’un Chef d’Etat autoproclamés, non moins anticonstitutionnelle).
Monsieur le Facilitateur,
Pour tout observateur averti, d’esprit libre et critique, sans l’implication positive (de bonne foi) de la communauté internationale, il est absolument aberrant de prétendre, sur une telle montagne d’illégalités, (d’inconstitutionnalités) cautionnées sinon dictées par la communauté internationale, bâtir au Congo, avec cette même communauté internationale, un Etat de droit, souverain, républicain, démocratique et respectueux des droits de l’Homme.
Au terme des travaux de la « Commission Church » du Congrès américain créée dans les années 70 pour enquêter sur la mort de « Lumumba » (cause première de la dérive du Congo postcolonial), le Gouvernement américain a, sans réserve, reconnu son implication dans la neutralisation totale et définitive de l’ancien Premier Ministre congolais.
Lors de la « Troisième conférence mondiale contre le racisme » tenue du 31 août au 08 septembre 2001, à Durban, en Afrique du Sud, les anciennes puissances coloniales avaient solennellement reconnu et profondément regretté les souffrances humaines indicibles causées par la traite négrière et la colonisation. La Belgique et l’Union Européenne, que représentait Louis Michel, alors Ministre belge des affaires étrangères et Commissaire européen en charge de la coopération au développement et de l’aide humanitaire, avaient, à l’occasion, reconnu et regretté l’humiliation, l’oppression, l’exploitation, l’injustice et la souffrance morale dont les citoyens congolais étaient, au Congo Belge, particulièrement victimes de la part des colons belges.
En novembre 2001, à l’issue d’une enquête parlementaire ouverte en Belgique au lendemain de la publication de l’ouvrage du Belge Ludo de Witte consacré à l’assassinat de Patrice-Emery « Lumumba », le Gouvernement belge de Guy Verhofstadt a reconnu la responsabilité ‘’politique’’ – ou ‘’morale’’ – du Royaume de Belgique dans le processus de l’action qui a abouti, le 17 janvier 1961, à l’assassinat du tout premier Premier Ministre congolais légitime du Congo postcolonial. Faisant son mea culpa, par la bouche de son Ministre des affaires étrangères, Louis Michel, la Belgique créa, en faveur de la famille « Lumumba », et en plein accord avec cette dernière, un « Fonds Lumumba » pour la réalisation, à la mémoire du défunt, des actions sociales de haute noblesse dans son pays. Jusqu’à ce jour, la réalité de ce fonds annoncé au monde tambours battant est encore dans le pipeline. Les raisons de ce regrettable retard s’avèrent totalement ignorées de la famille « Lumumba », qui, pour le besoin de la cause, créa, la « Fondation Patrice-Emery Lumumba », que dirige Roland Lumumba.
De bonne règle (puisque l’auteur moral et l’auteur matériel d’une infraction sont punis de la même manière), dans un monde et un Etat de droit, le mépris délibéré de la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, les crimes contre l’humanité perpétrés sur la personne de Patrice-Emery « Lumumba » et sur celles de certains de ses collaborateurs doivent être punis, et leurs conséquences néfastes sur l’ensemble de la population congolaise et les familles biologiques des victimes, réparés. Non seulement par les auteurs ‘’moraux’’ étrangers (personnes morales ou physiques), mais aussi par leurs relais locaux, bien connus, ayant participé à ces crimes abominables imprescriptibles.
Monsieur le Facilitateur,
L’actualité fait état de ce que, présentement, l’humanité entière fait face à de nombreux défis : climat, énergie, aliments, chômage, pauvreté, crise des migrations, terrorisme international tentaculaire désormais sans frontières…A en croire les institutions spécialisées de l’Organisation des Nations Unies, la « réduction de la pauvreté » serait la priorité de l’actuel millénaire. Avec son impressionnant patrimoine naturel, le Congo de « Lumumba », ‘’Terre d’avenir’’, est, assurément, une importante partie de la solution. Tout autant que la communauté internationale, avec son apport financier, technique et technologique. L’exploitation efficiente des atouts des uns et des autres peut permettre d’en réduire l’intensité, à défaut d’éteindre les flammes embrasant actuellement toute la communauté humaine, avec le risque de la consumer totalement.
La crise, multiforme, est tellement profonde au Congo qu’il s’avère urgent, pour les citoyens congolais et leurs « partenaires au développement » d’oser, sans passion, regarder la réalité en face, et de se débarrasser complètement de toutes les erreurs (facilement identifiables) du passé. Revisiter l’histoire de l’ancien Etat indépendant du Congo avant la tenue des élections prochaines (appelées de tous mes vœux à être les dernières de l’interminable transition politique congolaise débutée le 19 mai 1960) est un impératif urgent, pour ne pas prolonger indéfiniment le calvaire des citoyens congolais, qui risque encore d’être très long, si pas définitif.
L’autocritique, le sens de l’honneur et de la dignité, l’humilité et le courage de reconnaître sincèrement ses erreurs et de se pardonner mutuellement, ainsi que la détermination et l’amour du travail bien fait sont le gage de la renaissance véritable d’un Congo souverain, républicain et démocratique, capable (avec la construction d’un système politique autorégulé entièrement fondé sur sa « pyramide normative juridique » au faîte de laquelle trône la Constitution) d’entreprendre, avec dignité, la restauration d’une saine situation sécuritaire, économique, financière et sociale, dont l’urgence se fait sentir tous les jours avec plus d’acuité.
L’Afrique et le reste du monde devraient apprendre à interroger l’histoire dans la même direction, dans le seul but d’établir, de maintenir et de consolider durablement les rapports humains, d’autant plus que la « Troisième conférence mondiale contre le racisme » a affirmé solennellement que tous les peuples et tous les individus de la Terre constituent une seule et même famille humaine, riche de sa diversité.
Monsieur le Facilitateur,
En un mot, comme en mille, mon vœu le plus ardent est que la question constitutionnelle et celle (non moins importante) de la réconciliation nationale figurent parmi les principaux points à l’ordre du jour du Dialogue national en perspective. Ceci, aux fins, notamment de :
• rétablir la légalité du Congo postcolonial sauvagement suspendue depuis septembre 1960 ;
• mettre, au Congo, définitivement fin à l’impunité, par le jugement et la condamnation éventuelle des présumés auteurs, Congolais et étrangers, des crimes contre l’humanité des années 60, et même ceux des crimes de génocide perpétrés, notamment, au Katanga au début des années 90 ; et partout ailleurs sur toute l’étendue du Congo ;
• faire justice aux victimes de ces abominables crimes imprescriptibles et mettre, au Congo, définitivement fin à une justice internationale à géométrie variable;
• mettre, au Congo, définitivement fin, à la question de la double nationalité, et organiser, enfin (avec des citoyens congolais préalablement identifiés et recensés), des élections réellement crédibles, au terme desquelles seront démocratiquement élus, dans la transparence, les membres des chambres parlementaires congolaises et un Chef de l’Etat congolais appelés respectivement à adopter et à promulguer la constitution définitive du Congo postcolonial, Et, ainsi, clôturer définitivement, en beauté et avec élégance, l’interminable et combien ruineuse transition politique instituée par la constitution provisoire du pays.
CONCLUSION
Au regard des dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, on ne peut pas bâtir, en République dite Démocratique du Congo, un Etat de droit sur un amas d’illégalités et de violations des droits de l’Homme aussi flagrantes. De ce fait, la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo demeure l’unique constitution juridiquement valable du Congo indépendant.
En effet, ce texte fondateur du Congo postcolonial, voulu constitution provisoire du pays par son auteur, n’attend que d’être régulièrement remplacé par la constitution définitive, œuvre des chambres parlementaires congolaises et d’un Chef de l’Etat congolais élus. De la sorte, avec l’extinction définitive des institutions politiques de fait actuellement en place au Congo, sera légalement clôturée la transition politique légalement ouverte dans ce pays le 19 mai1960.
De tout ce qui précède, il ressort clairement que :
• L’actuel Chef de l’Etat congolais n’est pas au pouvoir par la force d’une quelconque constitution. La pseudo-constitution congolaise du 18 février 2006, qu’il promulgua lui-même, l’a trouvé avec un pouvoir qu’il détenait déjà en 2001 sans une constitution valable, ni une élection quelconque.
• Président de fait (surtout que les élections de 2006 et de 2011 ont mis en jeu un corps électoral inconnu, donc avec des résultats juridiquement nuls et de nul effet), Joseph Kabila Kabange ne peut, juridiquement, être lié par un quelconque délai constitutionnel, l’actuelle prétendue constitution étant, par ailleurs, anticonstitutionnelle et, donc, juridiquement nulle et de nul effet.
• Au regard de la pseudo-constitution congolaise du 18 février 2006, toutes les institutions politiques congolaises (centrales et provinciales) relevant des élections sont largement hors mandat, ou en voie de l’être. De ce fait, l’organisation de nouveaux scrutins conformes à la constitution (la « loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo) est un impératif urgent.
• Dans cette perspective, la « loi du 23 mars 1960 relative aux élections législatives et provinciales » pourrait, mutatis mutandis (notamment le dernier alinéa de son article 1er), être valable.
• Sensées constituer le dernier épisode de l’interminable transition politique congolaise de plus d’un demi-siècle, les prochaines élections congolaises doivent être organisées suivant les règles de l’art, avec des citoyens congolais préalablement identifiés et recensés, des réels partis politiques établis et fonctionnant effectivement sur l’ensemble du territoire national, un système politique fonctionnel impartial primant l’intérêt général…
• Sensé être le dernier Chef de l’Etat congolais autoproclamé, Joseph Kabila Kabange, qui dispose actuellement de l’imperium, est, naturellement, l’organisateur de cette dernière étape de l’interminable transition politique congolaise. Courageux, intelligent, posé, flexible, d’une sagesse avérée (précoce, il est vrai, propre aux âmes bien nées), rompu dans l’art du compromis et apparemment pétri d’une forte dose de patriotisme, l’homme me semble disposer des ressources nécessaires pour mettre fin à l’imbroglio congolais.
• Cependant, sans un « front commun congolais » et la bienveillante implication positive d’une communauté internationale (singulièrement représentée par la Belgique et les Etats-Unis d’Amérique) sincèrement repentante, il est absolument illusoire d’espérer mettre fin à l’anarchie chronique caractérisant l’espace congolais depuis sa décolonisation ratée de 1960. Aux citoyens congolais (réunis, notamment, dans le Dialogue en perspective) de cesser, pour une fois, de projeter au monde l’image de la « Tour de Babel » (où, au nom des intérêts fondamentalement égoïstes, ils ne se seraient entendus que pour ne jamais s’entendre), de trouver la formule magique pour réaliser cette double conditionnalité, préalable indispensable à la véritable émergence d’un Etat congolais réellement de droit, souverain, indivisible, républicain et démocratique consacré par la « loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo ».
N’étant ni de la « majorité », ni de l’ « opposition », encore moins de cette « société civile-là », je suis, par la volonté expresse de ses concepteurs, d’office exclu du Dialogue national de tous les espoirs. Aussi, ai-je, Monsieur le Facilitateur, jugé utile de vous communiquer la présente réflexion, qui constitue la modeste contribution d’une « voix des citoyens congolais sans voix exclus de ces capitales concertations nationales congolaises dans lesquelles, appelé à jouer un rôle moteur, vous êtes l’Eminent représentant de la communauté internationale ».
D’avance, je vous remercie infiniment de l’attention particulière qu’il vous plaira d’accorder à cette « lettre ouverte », dont je vous souhaite une bonne réception, et vous prie, Monsieur le Facilitateur, de bien vouloir agréer l’expression de mes sentiments déférents.
Maître Katako Okende Nicolas
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